La pharmacie qui a demandé son transfert sur le parking d’un supermarché de Nexon a été autorisée à ouvrir. Une histoire sans fin qui a débuté en 2014.
L’imbroglio juridique autour de la pharmacie de Nexon dure depuis maintenant 7 ans.
Située sur le parking d’un centre commercial en périphérie de la commune, elle a pu rouvrir ce mercredi 15 décembre. Mais pour combien de temps ? Car deux pharmaciens des environs ont déjà déposé un recours pour empêcher son transfert. Elle se situait auparavant au 9 rue Pasteur, en plein centre de Nexon.
Selon la règlementation en vigueur, un pharmacien ne peut pas ouvrir une officine n’importe où. Les licences, accordées par l’agence régionale de santé (ARS) répondent à des critères quantitatifs et qualitatifs.
Critères quantitatifs
Une pharmacie ne peut ouvrir que dans un village de plus de 2500 habitants. L’installation d’une officine supplémentaire ne peut être autorisée que si 4500 personnes de plus s’installent dans le même secteur. Les chiffres pris en compte sont ceux du dernier recensement publié au journal officiel.
Ainsi, on recense 148 pharmacies en Haute-Vienne, 58 en Creuse et 99 en Corrèze au 1er décembre 2021, selon l’ordre des pharmaciens.
Une couverture assez dense qui procède d'une ambition claire : mailler chaque territoire régional de pharmacies de proximité, y compris dans les zones très rurales. Un service non négligeable en Limousin.
La profession s’appuie aussi sur ces règles pour se protéger et bénéficier d’une clientèle captive. Jean Cathalifaut, ex-président du syndicat des pharmaciens de la Haute-Vienne, ne s’en cache pas : « Pour bien fonctionner, une pharmacie doit avoir un espace vital et une clientèle suffisante. Mais en contrepartie, nous avons une obligation de résultat. Beaucoup plus qu’un magasin, nous sommes un aménagement de santé et nous soignons des maladies chroniques ».
Critères qualitatifs
Une pharmacie ne peut s’installer que dans un quartier défini en fonction de sa population résidente. Elle doit être proche de ses potentiels clients.
Et c’est justement ce qui est reproché à la pharmacie Labarre de Nexon. Quand il s’est installé sur le pôle Super U de la commune, Stéphane Labarre a quitté le centre pour la périphérie. Dans les faits, il n’a déménagé que de quelques centaines de mètres. Ses clients continuent à fréquenter le magasin, mais il capte désormais ceux de ses confrères, installés plus loin à la campagne. Par exemple, un habitant de Ladignac-Le-Long qui fait ses courses au supermarché pourrait être tenté de se rendre dans cette pharmacie toute proche, plutôt que d’aller dans celle de son village.
Longue procédure judiciaire
Le 20 février 2014, la pharmacie Labarre a demandé son autorisation de transfert sur le parking du supermarché.
Le conseil régional de l’ordre des pharmaciens a émis un avis défavorable. L’ARS a alors rejeté la demande.
Stéphane Labarre a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Le ministre des affaires sociales lui a donné raison le 30 novembre 2015.
Plusieurs pharmaciens ont alors contesté le transfert de la pharmacie Labarre devant la justice. Ne faisant qu’appliquer les textes de loi, les juges leur ont donné raison à 6 reprises.
Malgré tout, l’agence régionale de santé a à chaque fois autorisé l’arrivée de la pharmacie Labarre sur le parking du supermarché. Ce qui fait dire à Pierre Millet-Lacombe, pharmacien à Ladignac-Le-Long : « A quoi sert la justice dans ce pays ? Est-ce que l’ARS est partie prenante dans cette affaire ? »
Changement de réglementation
Pour motiver sa décision, l’agence régionale de santé explique que la réglementation a changé depuis l'ordonnance du 3 janvier 2018.
Trois conditions seraient désormais nécessaires à la pharmacie Labarre pour s’implanter sur le parking du supermarché de Nexon : un accès facilité par un aménagement piétonnier et des stationnements, des locaux accessibles pour les handicapés, et enfin l’officine doit approvisionner la même population résidente ou une population jusque-là non desservie.
Olivier Thenaille, responsable des affaires juridiques à l’ARS Nouvelle-aquitaine précise que l’approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu’il n’existe pas d’officine dans un quartier selon l’article L5125-3 du code la santé publique : « La pharmacie située au centre de Nexon approvisionne le quartier nord et celle qui se trouve près du supermarché les habitants du quartier sud ».
Pierre Venteau, député de la circonscription de Nexon, assure que l’objectif du législateur n’est pas de déréglementer la profession de pharmacien : « La réalité locale de Nexon est qu’on y trouve deux pharmacies qui étaient à 20 mètres l’une de l’autre depuis des dizaines d’années. L’une d’entre elle a décidé de déménager de quelques centaines de mètres. Depuis 2014, on a plus qu’une seule pharmacie dans le bourg. La seconde est fermée très régulièrement. C’est très préjudiciable pour tout le monde ».