Alors que les convois de 46 000 tonnes déchets pneumatiques de l’ancienne usine Wattelez, ont commencé entre le Palais-sur-Vienne et Bellac et Peyrat-de-Bellac pour leur enfouissement, la population se mobilise pour stopper les opérations et promouvoir d’autres solutions.
"L’enfouissement des pneus est une solution du XIXe siècle", s’insurge Claude Peyronnet, conseiller municipal de Bellac. Plus de 200 personnes se sont retrouvées jeudi 20 juillet 2017 dans la salle polyvalente de Peyrat-de-Bellac.Tous, qu’ils soient élus ou simples habitants du nord de la Haute-Vienne avait la même image à l’esprit : la vingtaine de camions qui déchargent depuis le 5 juillet, 400 tonnes de déchets pneumatiques sur leur territoire, chaque jour.
250 pers. à #Peyrat de #Bellac autour du collectif contre l'enfouissement de déchets pneumatiques de la friche #Wattelez cc @F3Limousin pic.twitter.com/GxjQ044Bjm
— Marine Nadal (@MarineMBdB) 20 juillet 2017
Au total, 46 000 tonnes de pneumatiques et autres caoutchoucs, abandonnées depuis 25 ans, devraient être évacuées pour être enterrées sur le site d’Alvéol situé au Bois du Roy, à cheval entre les communes de Bellac et Peyrat-de-Bellac.
Vendredi 21 juillet 2017, les opposants aux projets rencontrent le Préfet de Haute-Vienne.
Les habitants vent debout contre le projet
"On demande l’arrêt complet des camions qui viennent du Palais ! Il y a des solutions alternatives". Christian Lavallée, membre du collectif environnemental Basse Marche, a néanmoins conscience qu’il ne peut pas exiger l’impossible : "On reste solidaire de la population du Palais. On ne dit pas qu’il faut qu’il gardent leur merde là-bas, mais il faut regarder les solutions alternatives".
"Comment, ce qui est polluant au Palais, ne le serait pas à Bellac et à Peyrat-de-Bellac ?" Collectif environnement Basse Marche
Le début des opérations d’évacuation des déchets Wattelez vers le site d’Alvéol dans les Bois du Roy a soulevé un vent de panique chez les habitants. Sécurité du site, questions de pollution, risque d’incendies… Le nord du département se sent en danger.
"Si un incendie devait se déclarer, il faudrait évacuer Bellac et ses alentours". Christian Lavallée
Le transport des déchets doit durer au moins 8 mois (jusqu’en mars 2018). Pendant la période de remplissage, les déchets seront à l’air libre. La Syded (syndicat départemental qui gère le site Alvéol) prévoit alors des mesures de sécurité supplémentaires comme des caméras thermiques et des moyens de recouvrement pour intervenir en cas de départ de feu.
Ces dispositions ne suffisent pas à rassurer les habitants de Bellac, Peyrat-de-Bellac, Mortemart, Blond et d’autres communes du nord de la Haute-Vienne, qui se sont fortement mobilisé contre ce projet.
Le 3 juillet 2017, un groupe de manifestants avait bloqué l’arrivée des premiers camions.
Le collectif Basse Marche créé pour cette occasion, compte déjà plus de 700 adhérents. La pétition contre le projet a recueilli plus de 2 500 signatures.
Le 21 juillet 2017, l’ambiance était électrique pour cette "consultation tardive". Quand Jacques de La Salle, Maire de Gajoubert et membre du bureau du Syded se lève pour défendre le projet d’enfouissement, il se fait siffler. L’assistance s’insurge lorsqu’il explique "qu’il est exclu d’arrêter les convois" car "les déchets courent moins de risque ici qu’au Palais".
Le sentiment que le dossier a été expédié
"Ça a été bâclé ! On nous dit que c’est moins grave de polluer 5 000 ou 6 000 personnes dans le nord du département, plutôt que 150 000 à Limoges", Christian Lavallée.
Le collectif environnemental Basse Marche et les habitants qui se sentent concernés pointent le manque d’informations. Malgré le discours de la préfecture et les études qui ont été publiées, la population n’a pas confiance.
Le 5 mai 2017, la société Wattelez et le Syded signent une convention pour acter l’évacuation des déchets vers Alvéol au Bois de Roy. Certains élus et habitants regrettent de n’avoir été prévenus de l’arrivée des restes de pneumatiques que tardivement ou pas du tout.
Christine Blanco Garcia est Maire de Blond et également membre de la commission de surveillance de site d’Alvéol. Elle souligne des irrégularités dans la procédure d’accueil des déchets : "ça nous a été présenté, un petit peu sous le manteau. On a l’impression qu’ils n’avaient pas très envie d’informer les gens là-dessus, notamment la commission de surveillance du site, composé d’élus mais aussi de représentants d’associations."
"La région de Bellac compte apparemment beaucoup moins que Limoges" Claude Peyronnet
Selon un rapport de la préfecture, "ALVEOL est en effet la seule installation de stockage du département capable de les accueillir dans des conditions optimales". Le site est sous exploité depuis des années. Conçu en 2009, l’installation a une capacité de 80 000 tonnes de déchets par an, sur 56 ha. Depuis 2012, une partie de son activité est suspendue en raison de la défection d’un de ses bâtiments.
Des solutions alternatives ?
L’enfouissement est-il la seule solution pour ces déchets ?
Oui, selon la préfecture et la DREAL (direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement).
Les déchets envoyés du Palais vers Bellac sont trop vieux et trop abîmés pour être valorisables. Considérés comme « déchets ultimes », ils ne peuvent pas être traités par la filière classique de recyclage des pneumatiques (obligatoire depuis 2002).
Non, selon le collectif environnemental Basse Marche et les habitants.
Selon eux, toutes les solutions de traitement de ces déchets n’ont pas été étudiées, et il existe des alternatives.
Jeudi 20 juillet 2017, le collectif a invité Max-François Colombier à faire un exposé devant les habitants.
Le chef d’entreprise de Saint-Junien a travaillé en 2013 sur un projet pilote de recyclage des pneumatiques Wattelez. Aujourd’hui, il assure avoir une solution : "les déchets sont toujours valorisables".
Il entend solliciter une société spécialisée, basée en Russie, pour utiliser la technique de la thermolyse pour recycler les déchets caoutchouteux du Palais-sur-Vienne.
Alors que sa présentation redonne de l’espoir aux 200 personnes présentes ce soir-là à Peyrat-de-Bellac, Max-François Colombier précise tout de même que les déchets dits "ultimes" sont impossible à traiter et que : "la solution proposée nécessite d’être réétudiée puisque le contexte dans lequel j’ai travaillé date de 5 ans."
"Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, des solutions alternatives que l’on doit envisager", affirme Christian Lavallée, membre du collectif.
Quels déchets iront à Bellac ?
Tous les déchets de l’usine abandonnée de la famille Wattelez n’iront pas à Bellac. Le préfet de Haute-Vienne, a déjà annoncé que le transfert de 14 000 tonnes de pneus usagés était suspendu. Les 46 000 tonnes restantes sont des déchets de caoutchouc divers, fortement dégradé par le temps.
Par ailleurs, le site du Palais-sur-Vienne sera débarrassé de quelques 600m3 de déchets dangereux : ils "feront quant à eux l’objet d’une évacuation spécifique vers des installations adaptées (déchets potentiellement impactants) et d’autres resteront confinés avec mise en place d’une couverture terreuse."
En 1993, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) est intervenue sur le site du Palais-sur-Vienne pour "enlever 971 fûts contenant des produits toxiques". Selon la préfecture, il n’y a pas eu "d’imprégnation par ces substances".
Un dossier quasi trentenaire
L’usine Wattelez traitait le caoutchouc depuis les années 50. Elle cesse de fonctionner en 1989.
L’exploitation est cédée à une autre société, mise en liquidation judiciaire deux ans plus tard. Les machines sont vendues, tandis que le stock reste sur place.
Depuis, le site est laissé à l’abandon. Ni l’exploitant, ni la famille Wattelez (toujours propriétaire du terrain), ne se considérait responsable. Personne n’avait pris le soin d’évacuer et de nettoyer les lieux.
Plusieurs décisions judiciaires sont prises entre 1991 et 2007, déclarant tantôt le dernier exploitant, tantôt le propriétaire comme responsable du stock abandonné. Pendant ce temps, la situation sanitaire et environnementale se dégrade. Les pneumatiques sont sujets à plusieurs incendies et entrainent des pollutions dans la Vienne situé juste à côté.
En 2013, la société Wattelez est définitivement considérée comme responsables des déchets. Elle est chargée d’évacuer les déchets à ses frais (4 millions d’euros).
L’intérêt du terrain du Palais-sur-Vienne
Le terrain de l’ancienne usine Wattelez a d’autre vocation. Limoges métropole prévoit d’y construire des logements :
"Le potentiel offert par le foncier qui sera libéré après l’évacuation des déchets caoutchouteux pourrait permettre au projet communal de tendre à remplir plusieurs de ses objectifs, notamment celui d’accueillir un nouveau quartier d’habitations et de nouvelles populations sur des terrains disponibles au cœur de la trame urbaine".