Ouvert en 2020 à Dax, le village Alzheimer a été pensé pour offrir le plus de liberté possible aux malades, qui sont accompagnés au quotidien par des soignants et des bénévoles. Pas de contrainte, pas de barrières, pas de stress, le moins de médicaments possible... Un soulagement inespéré pour les proches aidants.
"Pour moi, depuis que ma mère est là, c'est le jour et la nuit, confie Florence Guenier. Je suis extrêmement rassurée, je n'ai plus cette inquiétude de savoir comment elle va passer la nuit. Tout a changé en fait, pour elle comme pour moi". Simone, sa mère, qui souffre d'Alzheimer, vit depuis quatre ans au sein d'un village où tout a été pensé pour s'adapter à sa maladie.
"Il n'y avait plus de cohérence dans ce qu'elle faisait, y avait pas mal de bêtises, des échappées, des petits incidents. Elle oubliait de raccrocher le téléphone par exemple, on ne pouvait plus la joindre. Elle se trompait de maison parfois, elle allait chez les voisins. C'était très difficile, avoue cette quinquagénaire qui a dû accompagner sa mère pendant quatre années avant son admission à Dax. Je venais souvent la voir, mais à chaque fois, je m'apercevais de nouvelles choses… On y laisse sa santé, physique et morale"
Dans ce monde idéal, "on laisse chacun vivre sa vie"
"Ici, on laisse chacun vivre sa vie", c'est tout l'objectif du village Alzheimer explique son architecte, Nathalie Grégoire.
Les résidents y sont libres d'aller et venir comme ils le souhaitent. "La circulation est fluide, on peut suivre les chemins dans n'importe quel sens. A un moment, on va forcément être amené vers un quartier ou vers la place centrale et croiser un soignant ou un bénévole qui va réorienter si besoin".
Le site a été pensé pour offrir le plus de liberté possible aux malades. La capacité d'accueil est de cent vingt résidents, répartis dans seize maisons. On compte aussi cent vingt soignants, aucun ne porte de blouse blanche, et cent vingt bénévoles. Soit deux accompagnants par villageois. Un monde idéal. "On vit au rythme des résidents, on a le temps de les écouter, de communiquer ou juste de s'asseoir prendre un café avec eux" témoigne Cynthia Blanc, maîtresse de maison.
Quand je rentre chez moi le soir, que je me demande si j'ai été une bonne soignante, si j'ai bien fait mon travail, la réponse est souvent oui.
CynthiaSoignante au village Alzheimer
Chaque matin, Cynthia accompagne une de ses protégées à l'épicerie. Puis cuisine avec ceux qui le souhaitent, avant de s'attabler avec toute la maisonnée. "On mange avec les .... les dames, comment on dit ? les maîtresses de maison" indique Patricia, l'une des pensionnaires, qui cherche parfois ses mots.
C'est sympathique, ça fait comme à la maison quoi. Comme avant.
PatriciaUne pensionnaire
Ancienne commerciale, elle a du mal à accepter son sort, perte de mémoire, désorientation, profondes angoisses, mais aussi trouble du langage. "Y a des fois où je ne peux pas parler. C'est terrible pour moi qui aime parler. Y a des moments où c'est bien et ....". Elle s'interrompt. "Là, voyez, j'ai des choses dans ma tête, mais je peux pas dire les mots".
L'activité comme thérapie
Pour ralentir au maximum la progression de cette maladie neurodégénérative, qu'aucun médicament ne permet de guérir, le village a fait le pari du soin par l'activité, qu'elle soit manuelle, culturelle ou sportive. Dernière proposition en date, des séances en piscine, aux thermes de Dax.
Brigitte Augain ne rate jamais une séance de ping-pong, sport reconnu comme particulièrement bénéfique aux personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. "Je pourrais en faire tous les jours. Après, je suis bien. Je suis même reposée".
Ce sport m'a attrapée, il m'a dit, je vais t'aider, et j'ai accepté.
Brigitte AugainMalade d'Alzheimer
Le sport lui permet d'entretenir ses capacités motrices, mais aussi d'échanger avec ses partenaires. "Les personnes ici communiquent entre elles, font de l'humour, retrouvent des phrases qu'elles n'avaient plus l'habitude de dire, elles font attention aux autres. Et il y a le côté compétiteur qui revient pour certains !", explique Lise Baussin, ergothérapeuthe au village.
Faire oublier la maladie
D'autres assistent à des ateliers de chant où ils fredonnent des airs connus, ou bien optent pour des jeux de société. Marie-Christiane Engrand aime affronter Yves au scrabble, son meilleur ami au village.
"Des fois, je me demande pourquoi je suis là. Mais si je suis là, c'est qu'il y a quelque chose" sourit-elle. On lui demande alors, pourquoi vous êtes là ? "Ben, je n'en sais rien !". Faire oublier la maladie, c'est peut-être là que le village a réussi son pari. La liste d'attente, pour y entrer, compte près de deux cent cinquante candidats.
Patricia, pour sa part, a eu droit aujourd'hui à une séance de socio-esthétique. Elle est très joliment maquillée et va, en cette fin de journée, rejoindre les voisins de son "quartier" en terrasse.
La musique est poussée à fond. Du Claude François, "c'était l"année ! ...62 !". Patricia a envie de danser, alors elle danse...