Bientôt quatre ans après son ouverture, c’est toujours une structure unique en France. Un village pas comme les autres. Ses habitants souffrent de la maladie d’Alzheimer. Les soignants sont aussi nombreux que les malades pour lesquels leur quotidien ressemble autant que possible à leur vie d’avant.
"Vous préférez rentrer à la maison ou vous voulez marcher un petit peu ?"
Cet après-midi-là, des promeneurs profitent des rayons du soleil. La dame qui les interroge fait partie des soignants. Elle ne porte pas de blouse blanche ni de stéthoscope autour du cou. C’est la règle. Dans les allées, des hommes, des femmes de tous les âges. Ce ne sont pas des patients, pas même des résidents, mais des villageois. Des mots qui ne sont pas choisis au hasard.
Nous sommes dans une structure unique en France, nichée aux portes de Dax. Conçu comme un village landais, comme on en voit tant. Le lieu a des allures d’une bastide de Gascogne et s’organise en quatre quartiers. Ici, on danse, on boit un petit verre au bistrot, on fait ses courses à la supérette, on va au potager ou à la médiathèque et l’on discute chez le coiffeur. Tous partagent la même maladie : Alzheimer. Un mal qui fait perdre la mémoire à plus d’un million de Français.
Les soignants sont aussi nombreux que les malades
Les soignants sont partout et vivent au milieu des malades. Le ratio est d’un soignant pour un patient, ce qui permet un accompagnement personnalisé.
"C’est une des clés de la réussite de cet établissement. Pour mener à bien cet accompagnement personnalisé, il faut suffisamment de personnel de santé. Cela permet de prendre le temps nécessaire, de maintenir ce lien, de discuter, d’accompagner, de faire des activités et ça serait impossible si nous n’étions pas aussi nombreux", explique Cécile Bertet, la directrice.
Comme à la maison
Les visites y sont libres, les familles peuvent venir quand elles le désirent, à toute heure du jour ou de la nuit. Tout est fait pour limiter les contraintes liées à la maladie et stimuler les pensionnaires avec le moins de médicaments possibles.
"C’est basé sur une approche non médicamenteuse. On essaie, face aux différents troubles face à chaque situation, de savoir ce que l’on peut faire pour trouver une solution sans forcément donner un médicament. Nous faisons aussi beaucoup attention aux souhaits des villageois, nous privilégions ce qu’ils aiment, des promenades, des activités de mémoire, des mots mêlés. C’est toujours dans leur intérêt.", confie la maîtresse de maison Gaëlle Desblet.
Les villageois, ils sont 120, se lèvent quand ils le souhaitent, les grasses matinées sont possibles, les heures pour dîner ou déjeuner ne sont pas figées comme dans des établissements classiques. Tout est fait pour se sentir comme chez soi. Des boîtes aux lettres et des photos sont disposées devant chaque chambre pour aider à se repérer.
Des familles rassurées et déculpabilisées
Plus de trois ans après son ouverture, le bilan du village landais est plus qu’encourageant. Les retours sont positifs. "On sent que les villageois se sentent bien. Ils ont une bonne qualité de vie. On sent que pour les familles, c’est un vrai soulagement de savoir leurs proches accueillis ici, la prise en charge fonctionne et c’est important pour eux," analyse Cécile Bertet.
Depuis son inauguration, la structure est scrutée à la loupe par d’autres départements."On accueille régulièrement des délégations, pour voir comment fonctionne le village et comment le calquer à d’autres territoires," ajoute la directrice. À ce jour, un projet est bien avancé dans les Côtes-d’Armor en Bretagne, et un autre à Châlons-en-Champagne.
L’établissement est public, éligible aux mêmes aides sociales qu’un Ephad public
Vivre ici ne coûte pas plus cher. L’établissement financé en grande partie par le département des Landes est public. Il est éligible aux mêmes aides sociales. Le tarif mensuel avoisine les 2 000 euros. Mais il est victime de son succès et la liste d'attente est longue. L'an dernier, en 2022, 250 personnes se sont portées candidates. Il s’agit de la troisième structure au monde après Rome et Amsterdam.
C’est d’ailleurs l’initiative lancée aux Pays-Bas et relatée dans un article du Monde qui avait séduit, en son temps, l’ancien président socialiste des Landes, Henri Emmanuelli. Le village qui porte aujourd’hui son nom a déjà révolutionné l’accueil des plus fragiles. Avec 225 000 nouveaux cas chaque année en France, le nombre de malades Alzheimer devrait dépasser le million cette année et deux millions en 2040. Cette pathologie neurodégénérative est la première cause de démence dans le monde.