Les stocks commencent à se vider et du matériel commence à manquer, dénoncent enseignants et parents d'élèves du collège Jean Rostand de Mont-de-Marsan. L'inspection d'académie vient de lancer un audit pour tenter de comprendre comment la situation financière de l'établissement a autant pu se dégrader.
"J'ai été alertée il y a deux semaines", confie Martine Ibarra, la secrétaire générale de la FCPE des Landes, l'une des principales associations représentant les parents d'élèves. "Des parents délégués du collège Jean Rostand m'ont prévenue qu'il n'y avait plus grand choses dans les caisses de l'établissement et que certaines choses commençaient à manquer". Une situation révélée par nos confrères de France bleu Gascogne.
L'association a alors alerté l'inspection d'académie et le Conseil départemental, en charge du fonctionnement des collèges. En attendant, "on a donné quelques ramettes de papier blanc aux enseignants, ils n'avaient plus que du papier couleur. Et là, ils manquent de feutres pour leurs tableaux" se désole Mme Ibarra.
Un poste de gestionnaire non remplacé
Le syndicat UNSA 40, qui représente les enseignants et le personnel administratif, a, lui aussi, été saisi, dès mars 2024. "La secrétaire générale en charge de la gestion financière du collège Rostand, sous la houlette du chef d'établissement et du conseil d'administration, a dû s'absenter plusieurs mois pour raisons de santé. Le poste a été laissé vacant entre mars et août 2024. Il n'y a eu que des remplacements ponctuels de personnels venus d'autres établissements, et le poste n'a été réellement comblé qu'en septembre dernier " dénonce Frédéric Larroque, secrétaire départemental de l'UNSA chargé du secteur administration et intendance. Ce turn-over n'a pas aidé à rétablir une situation déjà critique. "Dès le premier trimestre, il n'y avait plus d'argent dans les comptes".
Le syndicat déplore un fonctionnement basé sur des restrictions perpétuelles."Il y a de moins en moins d'argent dans les établissements, tout est à l'économie aujourd'hui, l'État n'a plus d'argent pour remplacer les personnels".
Nos ministres veulent supprimer des postes administratifs, sauf que ce sont des postes clefs
Christophe NowaczeckSecrétaire départemental de l'UNSA Education 40
Un nouveau logiciel qui pose "d'énormes difficultés"
Christophe Nowaczeck pointe aussi du doigt le nouveau logiciel de comptabilité et de gestion Opale, déployé dans les huit mille collèges et lycées publics français. "Sa mise en place est progressive, mais il est très compliqué et il met les équipes en tension".
Ces défaillances ont été portées aux débats de l'Assemblée Nationale en décembre dernier. "Il pose d'énormes difficultés aux équipes", dénonce le SGEN-CFDT qui demande un moratoire sur son déploiement.
"Présenté comme un outil moderne, d'une grande opérabilité, améliorant le traitement comptable, le constat sur le terrain est tout autre : défaillance technique du progiciel avec des services inopérants, une assistance technique débordée et insuffisante, un paramétrage lourd et des délais de traitement allongés, notamment sur les délais de paiement des factures. Face à cette situation, le personnel se montre très inquiet et désabusé" peut-on lire dans les comptes-rendus du syndicat.
Conséquences, selon le SGEN - CFDT : "les bourses ne peuvent plus être versées en temps et en heures auprès des familles, les projets, comme les voyages, ne peuvent être mis en place avec les équipes pédagogiques, la procédure étant trop fastidieuse sur le logiciel, et les factures ne peuvent plus être payées dans le délai de 30 jours auprès des fournisseurs".
Ce logiciel peut entrainer des pénalités pour certains établissements et des difficultés économiques, voire des résiliations de marchés.
SGEN - CFDT
Sous-effectif chronique dans les équipes administratives
Le cas du collège Jean Rostand reflète également le problème du manque d'attractivité des postes de gestion et de direction dans les collèges et lycées publics.
Les équipes sont largement incomplètes et cela génère dysfonctionnements et épuisement
le SGEN-CFDT
Le sénateur apparenté LR Olivier Paccaud, rapporteur du budget de la mission enseignement scolaire, a publié un rapport détaillé et chiffré en mai dernier sur ce problème. Il révèle un recul des effectifs administratifs de 21 % entre 2007 et 2022 dans l'Éducation Nationale. Au prorata, ils sont trois fois moins nombreux que ceux employés dans d'autres ministères, avec une rémunération inférieure de 300 à 400 euros.
Un audit pour comprendre
À Mont-de-Marsan, le poste vacant de gestionnaire est désormais comblé au collège Rostand. Et, sur l'insistance des parents d'élèves et du département, l'Inspection d'Académie vient de lancer un audit.
Bruno Brevet, le directeur des services départementaux de l'Éducation nationale des Landes, avoue ne pas savoir où en sont précisément les comptes, ni si les factures ont été payées ou non. "Aujourd'hui, on s'interroge, mais l'audit nous permettra d'avoir une idée très précise de la situation. L'objectif est que le fonctionnement de l'établissement ne soit pas perturbé".
En attendant, il assure que le fonds de roulement de l'établissement est suffisamment garni pour parer au plus urgent. Et qu'il n'est pas question de faire appel aux parents pour fournir quelque matériel que ce soit.
Le Conseil Départemental, qui finance les frais de fonctionnement du collège à hauteur de 125 000 euros, indique que "s'il y a un problème financier ponctuel", il "sera là pour y pourvoir". "Mais à l'heure actuelle, on ne sait ni combien il manque dans les caisses, ni pourquoi on en est arrivé là, on attend les résultats de l'audit" indique Lionel Niedzwiecki, le chargé de communication qui ajoute que la situation est suivie de très près.
"Il faut qu'on sache très rapidement ce qu'il s'est passé" conclut Martine Ibarra de la FCPE. "Nos élèves doivent pouvoir travailler dans des conditions normales".
Les résultats de l'audit devraient être connus dans le courant du mois d'octobre.