Grand débat : la précarité des femmes retraitées agricoles comme Marie-Claire

Grand Débat : nous donnons la parole aux habitants de la région. Elles font parfois partie des gilets jaunes, ces femmes qui ont élevé leurs enfants, travaillé sur l'exploitation, et géré la comptabilité. Aujourd'hui,elles sont retraitées et vivent de peu comme Marie-Claire dans le Lot-et-Garonne. 

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Ces femmes ont envie qu'on parle d'elles. "C'est bien ce que vous faites, continuez", nous confie l'une d'entre elles. Nous poursuivrons, mais sans son témoignage malheureusement. Cette octogénaire, retraitée agricole, n'acceptera pas de témoigner devant notre caméra. À l'autre bout du fil, on entend au loin son mari, visiblement pas favorable à notre venue. 
Ces femmes sont pudiques, rares sont celles à accepter de se mettre "dans la lumière" pour évoquer leurs conditions de vie. Plus habituées à vivre dans l'ombre. L'ombre d'un couple, l'ombre du patriarcat, l'ombre de la société aussi. Le monde rural a ses codes, la réserve est l'un d'entre eux. 
 

"Devoir se priver de tout, c'est inadmissible"

 
 

      "Les gilets jaunes... je suis allée trois après-midi au rond point de Damazan. Je me porte solidaire. C'est inadmissible,
      des gens qui ont cotisé toute leur vie doivent avoir le minimum vital. Qu'on ne puisse pas, comme toute personne, faire
      un petit voyage, partir en vacances. Devoir se priver de tout, c'est inadmissible" explique Marie-Claire Higonnenq. 


Maire-Claire Hogonnenq a 72 ans et vit à Aiguillon dans le Lot-et-Garonne. Elle touche 612 euros de retraite puisqu'elle n'a pas cotisé toute sa vie, seulement durant 20 ans. Car avant de prendre à son compte une petite propriété agricole en fermage, Marie-Claire travaillait pour ses beaux-parents, agriculteurs. Son mari était salarié, pas elle. Un échange de "bons procédés" : ses beaux-parents les logeaient, en échange elle travaillait pour eux, sans salaire, sur l'exploitation. Une situation qui est loin d'être isolée et qui témoigne d'une époque et du mode de vie rurale.

Aujourd'hui, le couple se débrouille comme il peut. Michel, le mari de Marie-Claire, a cotisé toute sa carrière c'est-à-dire 43 ans. Sa retraite s'élève à 770 euros. Une fois qu'ils ont payé les factures de gaz et d'électricité payées ainsi que la taxe foincière et la taxe d'habitation, il leur reste 850 euros par mois

                   "Autant vous dire que les agences de voyages ne nous connaissent pas, les restaurants, on passe devant".

Leur patrimoine ? Leur maison et les 6 hectares de terres qu'ils ont toujours. Leur fille vit à Tarbes, elle n'a pas repris l'exploitation. Personne pour la racheter ou la prendre en fermage. Alors le couple a mis cette petite surface en jachère en échange d'"un petit pécule de la PAC". Et comme Michel a été prévoyant, il a un temps cumulé les emplois. Il a aussi travaillé pour la Seita, bien implantée dans le département. Grace à cela, il touche 120 euros de plus par mois. Presque un luxe. 

       "Moi si j'étais un petit peu plus jeune avec un petit peu plus de vitalité, je partirais (manifester) à Paris, Bordeaux,                  Marseille... Je suis un petit peu une révolutionnaire" sourit Marie-Claire.

 
 

Combien de femmes en dessous du seuil de pauvreté ?

En France, le seuil de pauvreté est de 1015€ pour une personne seule, 1523€ pour un couple sans enfant, ou une famille monoparentale. Nous avons tenté de voir où se situaient les retraités agricoles et plus particulièrement les retraitées. Difficile de le savoir précisément, car il faut recouper le montant de leur retraite avec celle de leur mari, mais certains chiffres parlent.

Dans le Lot-et-Garonne, par exemple, on compte 1304 retraitées (c'est-à-dire 11,8 % des retraitées agricoles) vivant uniquement d'une pension de réversion. Une pension de réversion est versée aux femmes veuves, elle équivaut à 54 % du montant de la retraite du mari. Les autres plus de 9 000 perçoivent leur retraite et parfois aussi une pension de réversion. Pour celles-ci, les chiffres sont assez éloquents : 48,2 % d'entre elles vivent avec moins de 500 euros par mois. Les autres (42,3 %) perçoivent entre 500 et 1000 euros par mois. Enfin seulement 9,3 % d'entre elles touchent plus de 1000 euros par mois.
 
 

Leur combat : une retraite équivalente à 85 % du SMIC !

   Un homme se bat. Évidemment, il est lui aussi retraité agricole, comme s'il fallait "en être" pour pouvoir (vouloir ?) s'attaquer à un tel sujet. Les retraitées agricoles, sont-elles les oubliées de la Nation ? Guy Soulage, président l'ADRA 47 (Départementale des Retraités Agricoles du Lot-et-Garonne (ADRA 47) le pense. Il est parti d'un constat, un chiffre, qui lui est propre, le montant de sa retraite. Il a travaillé comme chef d'exploitation toute sa vie et a cotisé tout le long de ses 42 années de carrière, comme sa femme d'ailleurs. Aujourd'hui, il touche 850 euros par mois, sa femme 600 euros. Et il s'estime bien loti : "il y en a  qui on travaillé 42 ans comme chez d'exploitation et qui n'ont même pas 850 euros par mois !" explique-t-il.

   Il faut dire que le retraité sillonne les routes du département pour rencontrer tous ces hommes et ces femmes qui se serrent la ceinture alors qu'ils ont travaillé toute leur vie. Il les écoute et tente de mettre en place des ponts avec la MSA et des associations pour leur venir en aide. Aujourd'hui, il se bat aussi sur le terrain politique. Actuellement, la retraite d'un chef d'exploitation s'élève à 75 % du SMIC. Guy Soulage se bat pour passer à 85 % du SMIC et faire en sorte que ce chiffre soit aussi appliqué pour les femmes retraitées.

   Alors, il se rend régulièrement à la permanence du député LREM de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, Olivier Damaisin. Les deux hommes ont en tête de faire venir Emmanuel Macron à Villeneuve-sur-Lot pour évoquer ces fameux "85 % du Smic".  Un grand débat doit avoir lieu dans chaque région. Pour l'instant, rien en Nouvelle-Aquitaine. Et si il avait lieu à Villeneuve-sur-Lot ? C'est leur souhait, l'invitation a été lancée, elle a sûrement atterri au milieu de nombreuses autres. Et alors ?
   
   Olivier Damaisin, semble sensibilisé à la question. Grace à Guy Soulage sûrement, mais aussi, car il n'a pas le choix, il lui suffit de regarder à 360° pour voir l'évidence du terrain. Il a été élu dans un département très rural, où les agriculteurs sont nombreux. Dans le Lot-et-Garonne, la MSA recense 21 182 personnes bénéficiant d'une retraite agricole. La majorité (55,6 %) est des femmes, reflet d'une espérance de vie plus longue. Mais entre les deux homme cela chauffe parfois. On ne la fait pas à Guy Soulage. Une proposition de loi portant à les retraites agricoles pour les chefs d'exploitation à 85 % du SMIC a déjà été retoqué une première fois au Sénat notamment par les sénateurs LREM. "L'Europe ne nous aurait pas suivis" repond le député.

   Une reforme des retraites est bien prévue sous la forme de projet de loi par le gouvernement actuel... Mais applicable en 2025 ! Impossible pour Guy Soulage de laisser ces retraitées dans une telle situation jusque-là. Il faut donc trouver une solution, c'est à dire des financements. C'est là que le député intervient, calmant les ardeurs du retraité. Pragmatique l'élu : 

"Pour que ça passe, il faut proposer un financement crédible, et je pense qu'il faut un effort de solidarité nationale pour qu'ils aient des retraites descentes, qu'on peut trouver un fond de solidarité au niveau du gouvernement, une solution propre".

En attendant les deux hommes espèrent réussir à faire venir le président à Villeneuve-sur-Lot. Guy Soulage pourrait alors lui parler de ces femmes retraitées agricoles, dont le sort est d'ailleurs bien souvent le même que celui des épouses d'artisans ou de commerçants.

Voyez notre reportage dans lequel sont interviewés Marie-Claire Higonnenq, Lysiane Lenice (directrice générale de la Mutualité Sociale Agricole du Lot-et-Garonne et de la Dordogne),  Guy Soulage (président de l'Association Des Retraités Agricoles du Lot-et-Garonne), et Olivier Damaisin (député LREM de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne) :

 




 

 

 



 

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