C'est une année noire pour les producteurs de noisettes. Déjà en difficulté en raison des précipitations excessives de l'hiver dernier, ils doivent en plus composer avec des nuisibles qui ravagent les cultures. Partout en France, et notamment dans le Lot-et-Garonne, la production s'annonce médiocre, accusant 50 % de pertes.
2024 est une année difficile pour la culture des noisettes. Armé de son casse-noisettes, Martin Rey, producteur à Monflanquin en Lot-et-Garonne, sillonne entre les arbres et ne peut que constater les dégâts.
Pollinisation ratée
Dans son verger de 70 hectares, les deux tiers des noisettes récoltées sont impropres à la consommation. Les déformations de l'amandon (la graine de la noisette, ndlr) ne peuvent se voir de l'extérieur. Difficile donc de les commercialiser.
Le gel, mais aussi les fortes pluies, ont impacté la pollinisation, de décembre à mars. Cette saison catastrophique remet en jeu toutes les perspectives concernant la culture de la noisette, car ici, après les aléas climatiques, le fruit à coque subit les assauts de deux ravageurs.
"On avait notre ravageur historique qui était le balanin, on commençait à savoir le combattre, mais là maintenant, on a en plus la punaise diabolique depuis 2015, et là, c'est vraiment quelque chose de nouveau".
On est désemparé face à ce ravageur !
Martin Rey,producteur de noisettes en Lot-et-Garonne
Aujourd'hui, le producteur évoque même l'éventualité de l'arrachage, "si on n'a pas de moyen de lutte contre ce ravageur". Car une seule molécule est autorisée pour lutter contre ces nuisibles.
Contrer la punaise diabolique
La punaise dite diabolique est une espèce particulièrement invasive et vorace qui s'attaque à plus de 200 espèces. Elle pique de fruits et légumes et fait des dégâts les rendant incomestibles. Dans un laboratoire, des milliers de spécimens sont élevés et étudiés.
Depuis de nombreuses années, ce laboratoire entomologique de l’Association Nationale des Producteurs de Noisettes (ANPN), est engagé dans la recherche de solutions de bio contrôle contre les principaux ravageurs des vergers. Ses travaux se concentrent sur la recherche de solutions écologiques et respectueuses de l’environnement utilisant des médiateurs chimiques (phéromones et kairomones), des organismes auxiliaires tels que les parasitoïdes ainsi que des plantes auxiliaires. L'idée étant de limiter l'usage de pesticide en utilisant les "armes" des prédateurs.
Dans le cas de la punaise, il s'agit d'éviter qu'elle se reproduise.
Notre objectif, c'est d'éviter que les larves de punaise éclosent, en faisant parasiter ces œufs par des microguêpes qui vont pondre dans les œufs de punaises et éviter que les larves ne se développent.
Maud ThomasDirectrice de l'ANPN
Malheureusement, faute de financements, cette technique ne devrait pas voir le jour avant cinq à dix ans.
Une concurrence étrangère déloyale
Cette année, sur 13 000 tonnes espérées, seules 6 500 vont pouvoir être récoltées." Le balanin de la noisette nous en a détruit 50 % qui ne sont jamais arrivées jusqu'à nos usines puisqu'elles sont détruites sur les vergers. Et la punaise diabolique a endommagé sur le plan qualitatif encore 30 % de plus. C'est sans précédent dans l'histoire de la filière !"
En attendant les solutions de bio contrôle étudiées au laboratoire, les 350 producteurs français se disent démunis face à la concurrence étrangère, en raison de lois selon eux trop restrictives contre les produits phytosanitaires. Une concurrence essentiellement italienne et turque.
Jean-Luc Reigne, directeur de la coopérative Unicoque, le voit tous les jours dans sa coopérative. "J'ai en face de moi les 100 000 tonnes d'Italie qui sont traitées à l'acétamipride" qui est interdite d'usage en France depuis septembre 2018.
Quant aux autres importations, elles ont moins de contraintes par rapport aux agriculteurs français. "Il y a sur le territoire turc l’autorisation d’utiliser 244 molécules. Nous, c’est une seule qui est inefficace, pour le même usage phytosanitaire. Donc, on ne vit pas dans le même monde".