Le dispositif est inédit dans le Lot-et-Garonne. Un EHPAD de Tonneins (47) a choisi la solution du confinement total. Résidents et salariés cohabitent depuis ce lundi pour une période d’au moins quatre semaines.
Depuis 48 heures, plus personne n’entre ni ne sort de l’EHPAD Zoppola de Tonneins.
Pas de cas avéré de COVID 19, ni même de suspicion, simplement la volonté de ne pas se retrouver dans la situation de certains établissement de l’Est de la France, de l’Italie ou de l’Espagne, qui connaissent des cas de contagion éclair.
Le confinement s’est fait en plusieurs temps : interdire, d’abord, les visites puis confiner les résidents dans leurs chambres pour, enfin, décider d’une fermeture totale de l’EHPAD. Une solution faute de mieux, car les équipements de protection font cruellement défaut. Même les réserves de gel hydroalcoolique sont à présent épuisées.
C’est un acte volontaire des salariés qui ont pris conscience de la situation. Nous voulons ainsi protéger les résidents, nos collègues et nous protéger nous-même.
Si l’on fait ça, c’est parce que nous n’avons pas d’autres moyens de protection.
Marine Vedrenne-Brouillet, Directrice adjointe de l’EHPAD Zoppola
Tout commence il y a quelques jours par un inventaire : recenser les lits supplémentaires, les sacs de couchage, les jeux ou les cafetières. Le but : se créer un cocon. Pour que les pensionnaires tiennent, il faut que le personnel garde le moral. Les locaux sont désinfectés et certains bureaux transformés en chambres. Pour les repas, pas de changement : l’EHPAD est autonome avec ses fournisseurs et ses propres cuisines.
L'imagination en action
Être 24 heures sur 24 ensemble, cela resserre forcément les liens. Il y a un côté grande famille, les salariés - toutes des femmes (agées de 30 à 60 ans) - prennent leur petit-déjeuner ensemble ainsi que les autres repas. Il y a un petit côté mères et filles lorsqu’il s’agit de mettre la table ou de la débarrasser. C’est convivial, on vit autrement mais on a toutes choisi d’être là.
Marine Vedrenne-Brouillet
Pour les résidents, confinés dans leurs chambres depuis le 15 mars, on innove dans les activités quotidiennes. Chacun se met sur le palier de sa porte et une animatrice anime un loto ou des séances de gymnastique en respectant les distances de sécurité.
Les nouvelles technologies sont mises à contribution. Les résidents passent beaucoup de leur temps sur Skype avec leurs familles.
Car cette décision radicale demeure peu orthodoxe. L’Agence régionale de santé (ARS) comme l’Inspection du travail l’observent avec circonspection.Psychologiquement, on sait qu’on est parti pour quatre semaines. On est là jusqu’à ce que l’on puisse reprendre. Ce confinement des salariés et des résidents, j’y crois beaucoup. Mettre sa vie entre parenthèses, c’est un acte de civisme ultime. On a besoin de reconnaissance et de plus de soutien.
Il est reproché à la direction de ne pas respecter la loi de 2002 sur les droits et libertés des usagers. Mais pour la directrice, l’EHPAD anticipe simplement des mesures de protection qui tardent à arriver.
Si, aujourd’hui, nous sommes fiers de n’avoir aucun cas de COVID 19, c’est parce qu’on a toujours eu 15 jours d’avance sur les annonces du gouvernement.
Les EHPAD auraient reçu des consignes pour ne plus hospitaliser leurs résidents
En cas de contamination, la moyenne d’âge des résidents (86 ans) fait craindre le pire. Or, selon la direction de l’établissement, les EHPAD auraient reçu des consignes pour ne plus hospitaliser leurs résidents.
Selon le protocole établi, un médecin juge du caractère vital de l’urgence. En dehors de la chimiothérapie et de la dialyse, pour tous les autres soins, on nous demande d’être autonomes. Nous héritons d’un rôle dont nous ne voulons pas.
On aime nos résidents, Alors on croise les doigts pour ne pas avoir de situation de ce type à gérer. Nous ne sommes pas urgentistes, nous ne sommes pas un hôpital, mais un lieu de vie.
Devant la progression de l’épidémie, le groupe Médicharme, qui possède trois établissements dans le Lot-et-Garonne, envisage déjà le confinement total d’un autre EHPAD du département : la résidence de Beurre de Villeneuve-sur-Lot.