"Moins de 15 euros par mois pour manger", des étudiants dans la précarité sur le campus de Bordeaux

Avec le confinement, de nombreux étudiants ont perdu les petits boulots qui les aidaient à payer leurs études. Certains n'ont plus assez d'argent pour acheter à manger. Des distributions gratuites de nourriture ont lieu chaque semaine sur le campus de Bordeaux. 

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Elle a 23 ans. Elle est étudiante en première année de Master à l'université Bordeaux Montaigne. Elle a accepté de témoigner en cette période difficile.

"Que 15 euros par mois pour manger"

Sa voix est douce. Elle préfère rester anonyme par pudeur car "la période est compliquée". Elle est issue d'une famille de quatre enfants, "Je suis la dernière et la seule à faire des études", précise-t-elle.
Avant le confinement, elle travaillait dans la restauration pour "se faire de l'argent et payer" ses études à Bordeaux. Avec la fermeture des cafés et des restaurants, c'est fini. Grâce aux jobs étudiants, elle arrivait à gagner "entre 250 et 300 euros selon les mois". De quoi vivre correctement et payer son studio de 500 euros, ainsi que ses factures (internet, électricité et un prêt pour rembourser du matériel informatique pour ses études).
"Mes parents ne peuvent pas trop m'aider financièrement et je ne suis pas boursière. Pas d'aide au logement non plus. Du coup, c'est devenu trop dur. J'ai d'abord tenu avec mes économies car j'ai pu travailler cet été, mais c'est devenu trop compliqué".

Manger des pâtes tous les jours, c'est pas tenable alors je suis allée au marché gratuit sur le campus. J'ai pu avoir des fruits et des légumes gratuitement. De quoi améliorer les repas.

La jeune étudiante a également fait une demande d'aide à la Commission des aides sociales de l'université Bordeaux Montaigne. Accordée. Elle a reçu 300 euros. Cela va lui permettre de payer ses factures et "vivre ce mois de décembre à peu près normalement".

Distributions de nourriture sur les campus

Comme elle, ils sont nombreux dans la galère financière. Selon Kevin Dagneau, vice-président de la vie étudiante sur le campus de Bordeaux Montaigne, 300 étudiants sont bénéficiaires du "marché gratuit" mis en place à la Maison des étudiants dur le campus de Pessac, en face de Sciences Po.

Beaucoup d'étudiants ont moins de 20 euros pour se nourrir, mais certains sont carrément en négatif, entre 150 et 250 euros par moins.

Kevin Dagneau, vice-président de la vie étudiante Bordeaux Montaigne



La distribution de nourriture se déroule les jeudis entre 13h30 et 16 h. Une aide alimentaire mise en place début novembre lors du deuxième confinement avec le soutien de la ville de Pessac qui fournit les produits secs, et des dons (issus de l'aide sociale étudiante et aussi du mécenat d'entreprises de la métropole bordelaise). Les étudiants prennent ce dont ils ont besoin. Et c'est donc gratuit.

Le marché gratuit est aussi l’occasion de garder un lien social avec les étudiants dans le besoin et d'échanger avec eux.

Kevin Dagneau, vice-président de la vie étudiante Bordeaux Montaigne

 

Deux autres points de distribution se sont organisés pour faire face à cette nouvelle précarité étudiante. "Depuis le premier confinement, la banque alimentaire de Bordeaux et de la Gironde a enregistré plus de 700 demandes d'aides alimentaires d'étudiants. C'est une nouvelle précarité qui s'installe avec la crise sanitaire", commente Gilles Dupuy, président de l'association caritative. En partenariat avec le Crous et l'Atena (regroupement d'associations étudiantes), la banque alimentaire assure deux distributions par semaine pour les étudiants démunis :

  • les lundis à Pessac à la Mac 4 : distribution gratuite (8 kg de nourriture par semaine et par personne)
  • les mardis entre 18h et 19h30 à Bordeaux Bastide devant l'IAE
Cette distribution de denrées de première nécessité sur les campus ( un sac de produits secs et un sac de fruits et légumes) a été mise en place dès le mois de mars. Les inscriptions se font sur dossier auprès du Crous Bordeaux Aquitaine pour les plus précaires. Les étudiants de l'Atena gèrent aussi une épicerie solidaire au niveau de l'arrêt de tram Peixotto (campus de Talence), avec des produits payants mais très peu chers.

Une cellule d'aide psychologique


Selon une étude récente, un étudiant sur trois présente des troubles psychologiques de type anxiété et stress. "Cours à distance à cause du Covid, pas ou peu de vie sociale, et pour certains grande précarité, les temps sont durs pour les étudiants et ils sont inquiets pour leur avenir", explique le professeur en psychologie Grégory Michel. 

"J'ai des petits baisses de moral parfois, mais j'ai la chance d'avoir des amis et on communique beaucoup par internet et les réseaux sociaux", commente la jeune étudiante qui a témoigné plus haut de ses difficultés financières. "Mais je sais que certains étudiants vivent très mal la situation, ça leur pèse".

Sur le campus de l'université Bordeaux Montaigne à Pessac, un espace Santé qui se situe à l'arrêt de tram Doyen Brus est ouvert aux étudiants en difficulté psychologique. L'espace est joignable au 0533514200.

Par ailleurs, l'université Bordeaux Montaigne, à l'initiative des élus étudiants, met en place une cellule d'accompagnement par téléphone la semaine du 7 décembre.

Les étudiants, qui vivent mal le confinement, se signalent sur notre site et ils sont rappelés par une équipe d'étudiants et le personnel pour discuter et être soutenus.

Kevin Dagneau, vice-président de la vie étudiante Bordeaux Montaigne

 


VIDEO : Le moral des étudiants on en parle avec le Professeur en psychologie Grégory Michel, interrogé par Sandrine Papin dans le 19/20 régional du 23/11/2020 ►

VIDEO : voir notre reportage sur le blues des étudiants béarnais durant cette période de confinement ►

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