Chaque année en France, entre 7 000 et 20 000 jeunes se prostituent en France. Le phénomène, loin de ne se dérouler que dans les grandes villes, a attiré l’attention d’une association de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, qui lance, ce 1ᵉʳ novembre, sa campagne européenne de prévention.
"Il adore mon corps", sourit la voix Audrey. Elles s’appellent Melissa, Lucie, Inès ou Clara. Ces adolescentes ont entre 13 et 17 ans et ont pourtant déjà connu la prostitution. “On voulait montrer comment on tombe dans cet enfer sans s'en rendre compte et que ce sont les très proches qui amènent à un proxénétisme insidieux : un oncle, une copine, un grand frère”, énumère Olivier Pelure, directeur de la MJC de Fleurs, à Pau.
Des témoignages de Pau ou Biarritz
Ces six jeunes femmes sont les protagonistes de mini-films de la campagne Jericho qui vont être diffusés sur Instagram et Tiktok à partir du 1ᵉʳ novembre. “Les voix ne sont pas les leurs mais ce sont des témoignages de jeunes filles de Pau ou Biarritz qui nous ont raconté leur histoire”, indique Mathieu Decq, membre de l'association Pistes solidaires, à l'initiative de la campagne.
Au total, six mini-clips seront diffusés ainsi que des podcasts autour des notions de consentement ou des relations amoureuses, ainsi que de nombreux postes avec les liens utiles et des conseils pour repérer des jeunes concernés. “On ne peut pas rester les bras croisés. Il faut les attirer pour les sensibiliser à cet enfer”, indique Mathieu Decq.
De jeunes proxénètes
Peu de chiffres permettent de documenter ce sujet, “parce que personne ne veut s’engager”. Pourtant, les estimations sont affolantes : en France uniquement, entre 7 000 et 20 000 jeunes, âgés de 13 à 17 ans, sont victimes de prostitution. Un chiffre qui a été multiplié par sept (+ 682%) en six ans, selon l’OCRTEH (Observatoire national de la criminalité et des réponses pénales et à la lutte contre la traite des êtres humains). “Les chiffres sont hallucinants et pourtant on n'entend jamais que des personnes ont été condamnées pour ces faits-là”, regrette Mathieu Decq.
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La pratique s’est pourtant facilitée depuis l’émergence des réseaux sociaux qui permettent aux proxénètes d’entrer en contact avec les victimes plus facilement. “Contrairement aux idées reçues, les proxénètes sont aussi relativement jeunes, entre 18 et 24 ans”, précise Julie Domenjou, graphiste de la campagne.
Le phénomène ne touche pas seulement les grandes villes. “Personne n’est protégé. Cela peut se passer partout, à Orthez, à Mauléon, à Pau”, assure Mathieu Decq.
Il n'y a aucun petit village qui peut dire que "ça n’arrive pas chez nous".
Mathieu DecqAssociation Pistes Solidaires
Pourtant, le proxénétisme de mineurs est considéré comme un viol, notamment pour les enfants de moins de 15 ans, qui n’ont pas atteint la majorité sexuelle. Les peines peuvent aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amendes.
Cette campagne vise donc, au-delà des victimes, leur entourage proche. “Il faut que chacun ait les réflexes pour analyser les faisceaux d’indice et lever le voile sur ce fléau qui s’accentue de plus en plus”, explique Olivier Pellure.
Une campagne inédite
Des couleurs vives qui s’estompent, des contrastes qui attirent le regard, ont été les méthodes de Julie Domenjou pour cette campagne. “On a aussi mis quelques barrières au niveau de la pudeur pour ne pas choquer tout en conservant un contenu percutant”, ajoute la graphiste.
L’association Pistes Solidaires se veut le lien entre le local et le niveau européen, pour toutes les questions autour de la jeunesse. Cette campagne est la première de son genre. Elle sera diffusée tout au long du mois de novembre, en France, mais aussi en Italie, en Grèce et possède une version anglaise. “C’est la première fois qu’un projet comme celui-là était proposé à Bruxelles. Il les a intrigués et intéressés et ils l’ont rapidement validé et ont permis que les leviers politiques et financiers soient activés”, indique Mathieu Decq.
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De nombreux influenceurs, notamment Palois, se sont associés aux projets pour le diffuser sur leurs comptes. “Les réseaux sociaux sont les nouveaux terrains de chasse des proxénètes et là où vont les jeunes. Nous voulons rompre ces états de sidération, de dissociation, voire de banalisation de la prostitution par certaines jeunes filles complexifient la prise de conscience de la gravité de la situation”, assure Mathieu Decq. La campagne sera lancée dans les différents pays européens en simultané, tout au long du mois de novembre.