Sur 39 sièges à pourvoir pour renouveler intégralement le conseil communal des jeunes (CCJ) de Poitiers, seuls 31 collégiens en classe de 5ᵉ et 4ᵉ se sont portés candidats, contre 55 lors de la précédente mandature. La maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, qui fut elle-même élue au CCJ, il y a 20 ans, appelle à "valoriser l'engagement des jeunes".
"L'élection n'est plus le modèle qui parle aux jeunes, cela doit nous interpeller", lâche Léonore Moncond'huy, maire de Poitiers, tandis que les 31 nouveaux élus du conseil communal des jeunes (CCJ), issus des collèges de la ville, arrivent dans les salons d'honneur de l'hôtel de ville, accompagnés de leurs parents, en début de soirée jeudi 23 novembre. Écharpe tricolore en bandoulière, elle partage le constat : cette année, huit sièges ne sont pas pourvus. Le nombre de candidats est inférieur au nombre de sièges à renouveler.
Sur les quinze collèges publics et privés de la ville, onze seulement envoient des représentants au CCJ. Karine Trouvat, animatrice du CCJ de Poitiers, note que lors de l'installation du précédent conseil, 55 collégiens s'étaient portés candidats, 39 avaient été élus. "Le modèle de l'élection se perd, peut-être ?", s'interroge-t-elle, elle aussi.
Nous avons un défi commun à redonner aux jeunes l'envie de s'engager.
Léonore Moncond'huyMaire EELV de Poitiers
Pas besoin d'élections cette année pour départager les candidats. Léonore Moncond'huy insiste que cela "ne veut pas dire qu'ils sont moins légitimes". Au contraire. Si elle constate qu'il existe "une crise de vocation", elle insiste pour "valoriser l'engagement des jeunes" dans ce conseil communal.
En s'adressant à la fois aux jeunes et à leurs parents, elle assure que "nous avons un défi commun à redonner aux jeunes l'envie de s'engager" dans la vie publique. "On a besoin du regard des jeunes."
Conseillère pédagogique d'éducation (CPE) au collège de la Providence, Blandine Grenon confirme que cette crise des vocations se vit aussi au sein des établissements scolaires à travers la difficulté à "avoir des délégués parents" et, à atteindre la parité lors "des élections des délégués de classe". Les garçons seraient peu nombreux à se sentir concernés et à se porter candidats.
Pour l'élection du CCJ, Blandine Grenon explique n'avoir eu, au départ, que deux candidatures dans son établissement. "On a fait un gros rappel et on en a finalement eu sept", ajoute-t-elle.
On a vu la jeunesse sur le pont sur l'urgence climatique, contre les violences et pour les droits des minorités. Mais il faut aussi s'engager dans les instances pour faire changer les choses.
Francisco FerreiraPère d'un jeune élu au CCJ
Parmi les nouveaux jeunes élus, Samuel Ferreira représente le collège Ferdinand Clovis Pin avec un autre élève, Rayane Ferraoun. Enthousiaste, il explique avoir "envie de monter des projets autour de l'art : le cinéma, la musique, le cirque", son "domaine de prédilection", explique-t-il. Son père, Francisco, enseignant, explique que la présence de son fils au CCJ est bien "de sa seule initiative à lui, pas de la mienne".
"Je me réjouis qu'il ait eu envie de s'impliquer, poursuit-il. On a vu la jeunesse s'impliquer en faveur de l'urgence climatique, contre les violences et pour les droits des minorités, descendre dans la rue. Les jeunes sont sur le pont sur ces questions-là. Mais il faut aussi s'engager dans les instances pour faire changer les choses. On forme aussi les jeunes dans les instances de la République".
Rayane, lui, a vu "sa sœur participer au CCJ de Châtellerault" il a quelques années et, depuis le déménagement de la famille à Poitiers, n'avait qu'une hâte, "participer à [s]on tour". À ses côtés, sa mère, Rabiha, confirme qu'elle "rêve de voir [s]on fils, maire, un jour" ! et souhaite qu'il s'épanouisse comme elle a pu voir sa fille "s'épanouir" lorsqu'elle était élue.
La maire, ancienne élue du CCJ en 2001
Dans son bureau d'animatrice du CCJ, Karine Trouvat conserve les traces de chaque conseil communal. Dans l'un de ses albums, à l'année 2001, on découvre le visage d'une jeune fille de 12 ans. Les yeux pétillent, elle tire la langue en faisant la grimace. C'est celui d'une Poitevine nouvellement élue, Léonore Moncond'huy. Son tout premier mandat !
Vingt ans plus tard, Karine Trouvat se souvient parfaitement du dynamisme de la jeune fille devenue maire aujourd'hui et qu'elle décrit comme "joyeuse, boute-en-train et déjà très décidée", même si le premier souvenir reste celui d'une fille au premier abord "timide".
Depuis sa participation à ce conseil des jeunes, Léonore Moncond'huy n'a jamais réellement perdu contact avec l'équipe, s'investissant ensuite au Bureau des jeunes et, avant de devenir maire, rendant visite aux équipes.
"Elle faisait partie d'un groupe dynamique, se souvient Karine Trouvat. C'étaient des jeunes qui avaient envie d'aller vers les autres et qui portaient des valeurs de solidarité. L'un d'entre eux est devenu activiste en faveur des droits des sans-papiers, d'autres se sont engagés en politique", comme Léonore Moncond'huy.
À chaque conseil communal ses réalisations. Ses voyages aussi. En Israël ou encore en Allemagne, à Berlin. En janvier 1990, un peu plus de deux mois après la chute du mur, le maire socialiste Jacques Santrot emmène la quarantaine de jeunes élus du CCJ s'imprégner de ce moment d'histoire (deux épisodes, à revoir ci-dessous).
Reportage France 3 Poitou-Charentes d'Anne Guillé, Jean-Yves Guilloux, Michel Poulard (31 janvier 1990 et 01 février 1990).
Jeudi soir, alors que la cérémonie n'a pas encore démarré, la maire revit volontiers son propre passage au CCJ. "J'en garde un très bon souvenir, confie-t-elle. Ça m'a permis d'être dans une dynamique collective et de porter des projets et de rencontrer des jeunes d'autres quartiers."
Ce "premier contact avec la sphère municipale" lui avait également permis avec ses camarades de soumettre l'idée d'aquariums dans la piscine de la Pépinière, alors en construction.
Avec ses camarades du 7ᵉ CCJ, ils avaient par ailleurs animé le journal, Le Têtard aliéné ou bâti un projet d'échange avec des jeunes en Russie.
Si la participation au CCJ conserve une dimension symbolique, les réalisations portées par le CCJ de Poitiers ont pu marquer la vie des habitants. Le CCJ est ainsi à l'initiative du Noctambus, les dessertes de bus la nuit, de la création de la Fanzinothèque ou plus récemment de la journée sans voiture.