Le fonds de solidarité Covid a permis à de nombreuses entreprises de survivre pendant la crise liée à la pandémie mondiale de Covid-19. Une aide d'urgence que les fraudeurs ont perçu comme une aubaine. Mais l'administration fiscale a redoublé de vigilance afin de traquer les arnaques.
Au début de l’année 2020, la planète entière était frappée par la pandémie de Covid-19. Une catastrophe sanitaire mais également économique, entravant l’activité de nombreux secteurs. En réponse, le président de la République a de suite lancé sa stratégie du "quoi qu'il en coûte" afin de venir au secours des entreprises et particuliers les plus impactés.
Une fraude à hauteur de 70 millions d'euros
Parmi les aides : le Fonds de solidarité Covid, soutien financier d’urgence destiné aux entreprises. En tout, ce sont plus de 40 milliards d’euros qui ont été alloués par l’État. Une aide précieuse pour les entreprises, mais également une mine d’or pour les arnaqueurs. Près de 70 millions d’euros ont pu être récupérés auprès d’environ 2.500 fraudeurs sur tout le territoire français.
"De mars 2020 à juin 2022, 149 millions d’euros ont été versés à environ 10.000 entreprises de la Vienne. L’objectif était de venir en aide le plus rapidement possible aux entreprises, se souvient Mylène Orange-Louboutin, directrice des finances publiques de la Vienne. Pour autant, la lutte contre la fraude a été très rapidement une préoccupation également." Pour être éligibles à l’aide, les entreprises devaient avoir réalisé un certain chiffre d’affaires en 2019. Certaines en profitaient pour gonfler leur résultat et ainsi tromper l’administration fiscale.
Un système de contrôle poussé malgré certains "trous dans la raquette"
Les demandes, exercées directement en ligne, donnaient lieu à un versement en trois jours, au vu de l’urgence de la situation. Mais toutes n’ont pas eu accès à cette voie royale, comme l’explique Jean-Luc Nanot, le responsable du service des impôts des entreprises de Poitier, en charge de contrôler l’attribution du fonds de solidarité Covid. "Les entreprises déclaraient leur demande d’aide en ligne et ensuite des filtres informatiques étaient mis en œuvre et, grâce à l'intelligence artificielle, nous avions une liste de demandes d’aide à examiner localement. Les agents des services examinaient les dossiers et individuellement rappelaient et demandaient des justificatifs auprès des entreprises", explique-t-il. Ainsi, sur toute la France, dix milliards d’euros de fraude ont pu être évités.
Pour autant, certaines entreprises ont réussi à passer à travers les mailles du filet malgré le recoupage des données de l’administration fiscale et le travail des enquêteurs. Des fraudes à hauteur de 70 millions déjà recouvrés au niveau national par l’administration fiscale. Ainsi, dans la Vienne, "plusieurs dizaines" de dossiers frauduleux ont été débusqués après coup, comme le rapporte la directrice départementale des finances publiques. Le nombre de plaintes s'élève à 25 en Charente-Maritime, mais l'administration fiscale s'interroge encore sur 3 dossiers supplémentaires à porter à la connaissance du parquet. Dans les Deux-Sèvres, une vingtaine de fraudeurs ont également été repérés sur les 7.200 entreprises soutenues par le fonds de solidarité Covid. La proportion de fraude est encore moins importante en Charente : 12 plaintes ont été déposées sur les 8 422 entreprises ayant touché le Fonds de solidarité Covid pour un préjudice total de 236 311 euros.
Ce sont des gens qui étaient dans des situations financières difficiles, ils ont été tentés d’obtenir des fonds de cette manière-là.
Arnaud Coche, avocat de trois personnes condamnées pour fraude au fonds de solidarité Covid
"Au vu du contexte, il nous a été demandé d’aller jusqu’au bout avec les entreprises qui ne jouaient pas le jeu", souligne Éric Bonnemaison, aux finances publiques des Deux-Sèvres. Les fraudeurs faisaient systématiquement l’objet d’une plainte au pénal. "Il faut relativiser la notion de fraude, tempère Éric Bonnemaison. C’est un nombre très faible par rapport au nombre d’aides accordées. Il existe le droit à l’erreur, s’il est reconnu, ce n’est pas une fraude contrairement à ceux qui refusent de nous répondre quand on demande des précisions. Notre priorité, c’est le dialogue."
Pour ces cas extrêmes, la justice ne fait aucun cadeau. Pour le moment, deux personnes ont été sanctionnées dans les Deux-Sèvres et huit autres dans la Vienne ayant écopé d’un sursis probatoire malgré avoir reconnu leur intention de récupérer de l’argent public à laquelle ils ne pouvaient pas prétendre. "Ce sont des gens qui étaient dans des situations financières difficiles, ils ont été tentés d’obtenir des fonds de cette manière-là, parfois pour relancer leur entreprise, parfois pour leurs dépenses personnelles", expose Arnaud Coche, avocat de trois prévenus à Poitiers.
Des soupçons de réseaux frauduleux
Ses trois clients possédaient une entreprise qui avait cessé son activité bien avant la crise liée à la pandémie. "L’idée leur est venue comme ça", raconte-t-il. Mais des zones d’ombres subsistent et interrogent l’avocat : "Il faut ensuite voir s’ils ont eu l’idée tout seul ou s’ils ont été tentés par des gens qui leur ont dit qu’il n’y avait aucun risque et qui éventuellement ont pris un pourcentage sur l’affaire. Des personnes qui n’étaient pas au procès."
Arnaud Coche "pressent l’intervention de tiers" auprès de ses trois clients, sans toutefois en avoir la certitude. "Mais pourquoi, si ces personnes ont été tentées par d’autres, elles n’ont pas donné leurs noms ? La question se pose également", soulève l’avocat.
Selon Éric Bonnemaison, aux finances publiques des Deux-Sèvres, les fraudes aux fonds de solidarité Covid étaient souvent l’œuvre de profils similaires : de petites entreprises dans des situations financières complexes. Des personnes vulnérables qui auraient pu être incitées par d’autres ? Les affaires encore en attente de jugement pour fraude au fonds de solidarité Covid permettront peut-être d’apporter quelques réponses à ces soupçons.