De 5 à 7.000 personnes, selon les syndicats, ont pris le départ du défilé contre la réforme des retraites, ce jeudi, à Poitiers. Dans le cortège, beaucoup de manifestants, mobilisés dès le premier jour de contestation.
Au cinquième jour de contestation contre la réforme des retraites, la mobilisation des opposants tend à faiblir à Poitiers, tout en restant encore importante. En pleines vacances scolaires, les syndicats estiment être parvenus à rassembler environ 5.000 personnes au départ du quartier populaire des Trois-Cités, 3.000 selon la police.
Si cela représente près de trois fois moins de personnes que lors des premiers défilés pictaves (qui ont rassemblé jusqu'à 12 ou 15.000 personnes, de source syndicale), des centaines de badauds patientaient aussi le long du tracé. Pont Saint-Cyprien, situé dans la première moitié du parcours, au moins un millier de personnes étaient ainsi massées de chaque côté du boulevard, prêts à rejoindre le défilé à son passage, portant ensuite à près de 7.000 le nombre de manifestants.
"Défiler pour nos enfants"
Dans le défilé, beaucoup de manifestants de la première heure continuent de prendre part au mouvement. Jacky et sa femme Marie-Laure rappellent qu'ils sont "là depuis le début".
"On en est à notre cinquième manif' et on constate que ça ne s'améliore pas, là-haut", pointe Jacky, en référence aux gouvernants. Son épouse confirme : "Je me sens toujours aussi mobilisée. Je suis à la retraite, mon mari aussi. On défile pour nos enfants et nos petits-enfants, parce que, eux, ne peuvent pas se permettre une journée de grève. On est là pour eux."
Je peux vous dire que l'on sera là tant qu'il le faudra ! Jusqu'au retrait !
CatherineManifestante venue de Loudun
Catherine et Jacques sont arrivés de Loudun (nord Vienne) pour le rassemblement. Eux aussi disent rester mobilisés "le plus souvent possible". Jacques précise qu'ils étaient "déjà là contre la loi travail" de 2016. Puis, Catherine renchérit : "Je ne me lasse pas du tout et je peux vous dire que l'on sera là tant qu'il le faudra ! Jusqu'au retrait !"
Départ devant la permanence du député
Pour cette manifestation au cœur des vacances, les syndicats ont choisi un lieu de départ du défilé très symbolique : la place de France, où le député de la majorité présidentielle, Sacha Houlié (Renaissance), a choisi d'établir sa permanence. En plein quartier populaire.
Parmi les manifestants, certains ne mâchent pas leurs mots à l'égard de leur député.
"C'est quoi [ce député] qui se disait de gauche, comme Macron avant d'ailleurs, et voilà ce qu'il soutient aujourd'hui ?", lance Karim, 58 ans, automaticien en usine. Sacha Houlié, ancien membre du Parti socialiste, a ensuite rejoint En Marche ! au moment de la première campagne présidentielle d'Emmanuel Macron.
Visiblement très en colère, il reprend : "Et là, il vote non au repas à 1€ pour les étudiants. Des gens comme lui sont pourtant élus avec des voix de gauche, je dis bien de gauche, la vraie gauche, c'est juste incroyable."
Karim se décrit comme directement touché par la réforme des retraites. "Si la réforme passe, ma retraite à taux plein, je l'aurai à 64 ans alors que je prévoyais de partir à 60 ans." Et ça, il "n'en veu(t) pas".
Les étudiants, aussi
Ils sont moins nombreux que lors des précédents rassemblements. Pourtant, les étudiants restent présents dans le défilé.
Antonin, 18 ans, et Paul, 20 ans, sont inscrits en Sciences de la Vie. Ils manifestent, eux aussi, "contre le projet de réforme des retraites" qu'ils jugent "injustifié". Ils expliquent également être "là pour dire notre désaccord avec les politiques néo-libérales".
On garde espoir même si j'ai l'impression que rien ne change.
DanielleManifestante de Poitiers
Un peu plus loin devant eux, Mathilde et Danielle, la soixantaine, expliquent descendre dans la rue contre cette réforme, pour la troisième fois pour la première, la deuxième fois pour l'autre. "En ce qui me concerne, je suis déjà à la retraite. Je défile pour défendre la retraite des autres, dont celle de mon amie, toujours en activité", explique Mathilde.
Danielle, elle, sait qu'elle devra travailler plus longtemps si la réforme est adoptée. "On garde espoir", lâche-t-elle, optimiste. "Je sais qu'il va falloir rester mobilisée. Pour l'instant, rien ne change, j'ai l'impression que de toute façon, c'est la finance qui dirige tout."
Alors que la manifestation commence sa descente vers le pont Saint-Cyprien pour se rendre en direction de la préfecture de la Vienne, les haut-parleurs des camions des syndicats hurlent un tube revisité des années quatre-vingts : "Quand la révolte est bonne ! Quand la révolte sonne ! Quand elle guide mes pas".
Dans le sillage du chant repris par les manifestants, un groupe de dames, perruques colorées, attirent l'attention. "Nous sommes les grévistes de la centrale nucléaire de Civaux", clame l'une d'elle. Elles sont mobilisées pour obtenir une hausse de salaire brut (qui puisse compte pour leur retraite) et non des primes (non incluses dans le calcul des retraites). "Nous sommes payées au SMIC depuis le début de notre carrière, certaines depuis 30 ans et aucune augmentation. On revendique un 13e mois, soit 120 € par mois."
Toutes sont en grève depuis le 10 janvier. Soit depuis près de 5 semaines. Elles disent tenir grâce à la solidarité d'une caisse de grève et la force de la mobilisation populaire dans la rue.