Alors que se tient en ce moment à Poitiers un colloque de la société d'anthropologie de Paris, le blog d'un journaliste évoque la possibilité qu'un fémur découvert près du crâne de Toumaï soit en fait celui d'un primate. Michel Brunet parle d'une "polémique, loin du champ de la science".
(Mise à jour 10h)Est-il possible que Toumaï ne soit finalement pas "le plus ancien ancêtre de la lignée qui a donné naissance aux êtres humains" ?
Dans un article de son blog, intitulé "L'histoire du fémur de Toumaï", notre confrère Nicolas Constans, retrace l'histoire de cet os découvert près du crâne de Toumaï, en 2001 et qui, aujourd'hui interroge. Est-ce bien le fémur d'un représentant de la lignée humaine ou plutôt celui d'un grand singe primitif ? La question se pose depuis que des scientifiques ont ouvertement pris la parole dans le texte publié par notre confrère.
Joint par téléphone, le professeur Michel Brunet estime que "ce n'est qu'une polémique", que "ça ressemble à un règlement de compte qui est très loin du champ de la science".
A quatre pattes ?
A l'époque, en 2001, quatre hommes mettent au jour un crâne, celui de Toumaï, considéré comme le premier de la lignée des êtres humains.
En plus du crâne, ils rapportent une grande quantité d’ossements fossiles trouvés à proximité, dont un fémur.
Trois ans plus tard, en 2004, alors qu'une étudiante réalise des observations sur ces os, son professeur de paléoanthropologie à l'université de Poitiers, Roberto Macchiarelli, spécialiste des membres, doute que ce soit le fémur d’un bipède.
Selon ses observations, Toumaï ne se serait donc pas déplacé sur ses deux pieds, mais sur quatre pattes.
Recherche non publiée
Seize ans après sa découverte, la recherche sur ce fémur n’a toujours pas été publiée. Aujourd’hui, à l'occasion d'une conférence des anthropologues à Poitiers, personne n'a voulu commenter l'article publié par notre confrère.
Et pour cause. Si Toumaï se révélait un grand singe primitif et non pas un de nos ancêtres, une partie des recherches du paléontologue Michel Brunet pourrait être remise en cause.
Sa découverte majeure lui avait ouvert les portes de la chaire de paléontologie humaine au Collège de France, la consécration pour un scientifique.
Une polémiqueça ressemble à une polémique, un règlement de compte, très loin du champ de la science (Michel Brunet)
Joint par téléphone, le professeur Michel Brunet estime que "la science mérite beaucoup mieux (que cette polémique)." Pour lui, "pour faire de la science, il faut de la sérénité. Beaucoup de sérénité".
"Je me retrouve dans la position de l'accusé, reconnaît-il. S'il y avait tant de choses à remettre en cause, ça ne se ferait pas dans un blog du Monde."
"Ce blog n'est ni dans le champ de la science, ni dans le champ de l'histoire."
Michel Brunet rappelle qu'une "publication est en préparation". "On continue de travailler, à chercher et à trouver plus."
Pour lui, il n'y a rien d'étrange à ce qu'il se soit écoulé seize ans, car, "la science, ça prend du temps!"
"Quand notre travail sera publié, il pourra être contesté. Pas avant."