La vie étudiante n'est pas rose pour tout le monde. Sur le campus de Poitiers comme ailleurs, les étudiants sont sujets à des changements radicaux et à des charges de travail qui peuvent les amener à perdre pied. Face à la solitude et aux doutes, des solutions d'aide et d'entraide existent.
À 20 ans, Emma Bargues est étudiante en deuxième année de Psychologie à l’Université de Poitiers. Originaire de Royan, ses premières années en faculté ont parfois été difficiles, dans l'organisation du travail notamment.
Emma espère devenir psychanalyste pour enfants. Un objectif ardu qui la laisse aujourd'hui dans l'incertitude.Au début, c’était dur pour moi. Car une fois chez soi, on pourrait faire plein de choses, par exemple je pourrais être sur mon ordinateur... Mais au bout de trois ans à la fac, je me suis enfin mis en tête que je travaillais bien chez moi.
Pendant un an, Emma s'est rendue dans les services de santé de l'université, pour être suivie par une psychologue. Elle n'est pas la seule, explique Jean-Charles Le Tarnec, directeur du service de santé universitaire de Poitiers.Je suis très motivée, mais mes notes ne sont pas excellentes. C’est pénible, parce que j’adore ce que je fais, je suis passionnée, mais je ne suis pas sûre d’avoir une place en master et de pouvoir faire ce que je veux ensuite.
Un changement de lieu de vie, d’habitudes de vie, la séparation avec la famille, les amis, sont des phénomènes qui peuvent déstabiliser tant au niveau psychique que psychiatrique.
75 étudiants en attente d’une aide psychologique
Difficile de savoir combien d'étudiants souffrent de mal-être aujourd'hui, mais les appels à l'aide augmentent, selon Jean-Charles Le Tarnec.Avant de pouvoir bénéficier des consultations gratuites, l'attente peut aller jusqu'à six mois. Trois psychologues, dont Patricia Chastanet,Dans notre service nous avons 75 personnes sur liste d’attente, qui demandent à avoir une consultation, au moins avec un psychologue, mais à qui on ne peut pas donner de rendez-vous, par manque de créneaux disponibles.
reçoivent dans ce service des étudiants souvent démunis face au bouleversement de leur vie.
Pour gérer ses difficultés, Emma continue de rencontrer une psychologue libérale régulièrement.C’est la difficulté de la vie étudiante ; beaucoup de changements dans une période de vie particulière.
La psychologue va mettre le doigt sur ce qu’on pense, sur nos angoisses, et mettre des mots dessus. Moi, c’est que je suis un peu perdue, sur mon avenir, sur tout ça…
La force du groupe
À 21 ans, Nicolas Barbault est étudiant en master de biologie végétale et espère devenir un jour ingénieur agronome. Originaire des Deux-Sèvres, il a dû à son arrivée sur le campus faire face à d'importants changements :Un postulat que sa professeure en physiologie végétale, Nathalie Pourtau, partage : "La vie universitaire peut amener à sortir, à profiter, mais aussi à oublier de travailler. Mais à la fac, il faut travailler régulièrement."D’abord, c’est la grandeur des bâtiments, ensuite c’est une augmentation du temps de travail. Et plus on fait d’années d’études, plus le temps de travail personnel, de son côté, est important.
Mais Nicolas n'est pas tout à fait seul dans son aventure universitaire. Dans sa filière, les travaux pratiques imposent le travail en groupe, ce qui permet de créer des liens souvent utiles pour gérer le stress des examens et le manque de sommeil.
Car dans l'appartement de Nicolas, tout près de Poitiers, les nuits sont parfois courtes, comme en témoigne son camarade Benoît Monnereau :
"Tout seul, on ne pourrait pas être capables de surmonter la charge de travail que l’on a à faire en vraiment peu de temps" estime son autre camarade Alexandre Bouillé.On a l’habitude dans ces cas-là de prendre du thé ou du café pour tenir jusqu’à 2 heures, 3 heures du matin.
Il y a quelques années, Nicolas brillait aussi sur la route, mais pour suivre ses études, il a dû raccrocher son vélo et renoncer à sa passion. Un sacrifice de plus dans une vie parfois pesante.
Quand on dort en moyenne 5 à 6 heures par nuit, parfois même moins, c’est très compliqué. Ça s’ajoute à la pression des examens et des comptes-rendus de TP (travaux pratiques). Mais heureusement, on est un groupe d’ami qui veut vraiment réussir et faire des projets de bonne qualité.
Les associations universitaires à la rescousse
À Poitiers, plus de 4000 étudiants vivent en résidence universitaire. Pour repérer et venir en aide aux éventuelles personnes en difficulté, le CROUS a recruté des tuteurs, eux aussi résidents.Ils vont à la rencontre des habitants de ces grands ensembles. C’est le cas d’Aline Rouvre :
"On est dans une relation horizontale, parce qu’on est entre étudiants, et on n’est pas là pour juger." renchérit Chloé Beguier, tutrice du CROUS également.Les étudiants ne vont pas forcément dire qu’ils sont mal, mais on leur sourit, on leur dit bonjour, ce qui peut les amener à venir vers nous, à nous parler.
Kelly, résidente, semble apprécier leurs efforts.
On est allé à des évènements qu’ils ont organisés, ça permet de sortir de notre chambre, car c’est facile de rester isolés. On n’ose pas forcément déranger les voisins…
Face à la solitude, dans le labyrinthe de la vie universitaire, certains peinent à trouver leur chemin. Pour les y aider, un important tissu associatif existe sur le campus.
Chaque filière possède ainsi ses associations d'étudiants. Emma Morisseau est trésorière de l’Association Poitevine des Universitaires en Sciences.
Pour tous les étudiants, de nouvelles échéances se profilent ; tous vont devoir affronter la période des examens. Pour beaucoup, un printemps plein de doutes et de craintes.En Sciences, il y a beaucoup d’associations aussi, donc il ne faut pas hésiter à venir vers nous, on peut diriger les gens vers des autorités plus compétentes, ou leur faire rencontrer du monde, ou même les intégrer à la vie associative…
Invité sur notre plateau ce jeudi 7 février, le président de l'Université de Poitiers, Yves Jean, a détaillé d'autres mesures mises en place pour accompagner les étudiants pour prévenir le sentiment de solitude.
D'un point de vue de l'accompagnement scolaire, Yves Jean précise "Nous avons mis en place dès la première année des enseignants référents. Chaque enseignant suit de façon particulière 6 ou 7 étudiants, il les connaît, il peut échanger avec eux, et ça fait parti d’un ensemble, avec les tuteurs du CROUS, les associations, pour que ceux qui nous rejoignent soit les moins seuls possibles."Nous sommes la seule université à organiser un mois d’accueil pour les étudiants qui nous rejoignent en septembre, où ils auront des propositions pour rencontrer les associations, assister à des concerts, participer à des activités culturelles etc. pour rencontrer les autres et ne surtout pas rester seuls.