La France, comme ses voisins européens doit faire des économies d’énergies. A Poitiers, la sobriété énergétique est déjà expérimentée depuis deux ans, avec la réduction de l’éclairage public, de minuit à 5h00 . Une mesure qui permet de réduire plus de la moitié de la facture énergétique de la ville, et qui protège la biodiversité de la pollution lumineuse.
Mercredi 21 juillet, la Commission européenne appelait les états membres à réduire leurs factures énergétiques pour moins dépendre du pétrole et du gaz russe. En France, la baisse de production d’électricité par EDF a poussé Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, à demander aux communes des efforts pour réduire leur consommation d’énergie.
A Poitiers, depuis 2020, la mairie expérimente déjà l’extinction de l’éclairage public, entre minuit et 5h00. Résultat : environ 60 % d’économies d’énergie ont été réalisées. Bien sûr, il existe des aménagements : les rues où les bus de nuit passent restent éclairées une demi-heure après le dernier passage du Noctambus par exemple. Les places et rues piétonnes où des caméras de vidéosurveillance sont installées restent également éclairées.
Des économies d’énergie
« On subit moins la hausse puisqu’on dépense moins, fait remarquer Alois Gabarit, conseiller municipal de Poitiers, délégué au patrimoine à énergie positive. Même si, « avec l’augmentation des prix, les économies sont moins importantes que prévu », le contexte énergétique a conforté les élus dans leur choix.
En moyenne, l’éclairage public dans les rues de Poitiers représente un financement d’1 million d’euros par an (en 2019, donc avant l’augmentation des prix). En éteignant les lampadaires de minuit à 5h, 60 % de ce budget sont économisés chaque année. A terme, ces économies financières pourront financer le renouvellement de l’éclairage de la ville, évalué à 4, 5 millions d’euros.
Pour Lucie Texier, chargée d’études à Vienne Nature, il est important de montrer qu’on peut éclairer différemment :
L’idéal est d’éteindre, les panneaux publicitaires, les grandes enseignes, toutes ces choses qui ne sont pas nécessaires.
Quand ce n’est pas possible, des solutions pour limiter l’impact de la pollution lumineuse existent : ne plus utiliser d’éclairages vers le ciel, comme c’est le cas pour les monuments historiques, ou encore réduire la quantité de lampadaires allumés dans les rues.
Les économies réalisées grâce à une consommation freinée, permettent dès aujourd’hui d’équiper les rues de lampes moins énergivores, comme les LED, ou encore mettre en place le pilotage à distance pour éclairer les rues.
La publicité lumineuse encore trop présente
Dimanche, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé vouloir sanctionner les commerces qui ne respectent pas l’interdiction de la publicité lumineuse entre une heure et six heures du matin.
L’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses stipule que les commerces doivent éteindre leurs éclairages d’intérieur une heure après leur fermeture, et le rallumer une heure avant leur ouverture.
A Poitiers, cette mesure n’est pas respectée suffisamment, mais depuis l’augmentation des prix de l’énergie, Aloïs Gabarit observe un changement:
Je vois des commerces qui n’éteignaient pas il y a trois mois, qui le font depuis que les prix ont augmenté.
Aloïs Gaborit, conseiller municipal délégué au patrimoine à énergie positive
» A la rentrée de septembre la mairie ira à la rencontre des commerçants pour comprendre les freins à la réduction de l’éclairage de leurs enseignes, ou l’utilisation des panneaux publicitaires.
Beaucoup d’espèces touchées par la pollution lumineuse
L’Association Nationale pour la Protection du Ciel et l’Environnement Nocturne (ANPCEN) rapporte qu’au cours des vingt-cinq dernières années, la quantité de lumière émise a augmenté de 94% en France, pour le seul éclairage public.
Or, la pollution lumineuse est la 2ème cause de disparition des insectes. Environ 30 % des vertébrés et plus de 60 % des invertébrés sont nocturnes.
De 2019 à 2020, Vienne Nature a mené une étude sur la pollution lumineuse sur le territoire de Grand Poitiers : l’association a cartographié les différents points lumineux, et établit les zones où la pollution lumineuse a le plus d’impact : « Il en est ressorti que si on ne prenait pas en compte l’extinction nocturne, presque 100 % des réservoirs de biodiversité étaient touchés par la pollution lumineuse », affirme Lucie Texier, chargée d’études à Vienne Nature.
Les chauves-souris et les papillons de nuit sont les espèces les plus touchées : « les chauves-souris n’utilisent plus le Clain pour chasser car les ponts sont éclairés, et les papillons meurent brûlés par les lampes ». Mais l’éclairage de nuit concerne aussi les loutres, les castors, et les amphibiens qui ne peuvent se reproduire ou chasser sur des zones éclairées, de peur de devenir des proies faciles.