Dans la Vienne, les réserves en eau sont au plus bas. La Gartempe en est l'illustration parfaite. Une conséquence supplémentaire de la sécheresse historique que nous connaissons. Pour les experts, une seule solution : faire des économies d'eau et mieux la répartir.
Canne à pêche à la main, Jean s’approche du cours d’eau. "C’est devenu impossible de pêcher", s’alarme-t-il. Dans la Gartempe, la rivière près de laquelle il a grandi, cet amateur de pêche constate les dégâts d’une mine dépitée : "Ces pierres ne devraient pas être hors de l’eau. Avec la température de l’eau qui augmente, il y a en plus une prolifération d’algues." L’eau de la Gartempe atteint ces jours-ci difficilement 20 cm. Et ce, malgré les restrictions qui ont été mises en place depuis fin juin par la préfecture.
La Gartempe à un niveau historiquement bas
"Avant, on prenait des écrevisses, des goujons et tout un tas de poissons qui, malheureusement, ici ont disparu. Sur ce site-là, la seule solution est d’aller pêcher ailleurs", insiste Jean qui est né à une centaine de mètres de son site de pêche préféré. La sécheresse est passée par là. À Saint-Savin, l’eau est tellement basse qu’on ne peut même plus la mesurer sur le limnimètre du pont. Une situation qui inquiète fortement Patrick Thébault, vice-président de la fédération de pêche de la Vienne. "Aujourd’hui, vous avez 20 cm d’eau sur la rivière alors qu’il devrait y en 60 ou 80 cm à cette époque de l’année. Vous voyez le fond de la rivière et les poissons qui vivent dans 20 cm d’eau, ce n’est pas tolérable. Et nous ne sommes que le 20 juillet, alerte-t-il. Qu’est-ce que ça sera au mois de septembre si on n’a pas de pluie ?"
Depuis début juillet, dans la Gartempe, les différents seuils ont été franchis pour atteindre un stade critique. "Le seuil maximal, dit de "coupure" de 2,20 m3/s a été franchi le 15 juillet. Aujourd’hui, nous sommes à 1,82 m3/s", constate Patrick Thébault, inquiet. Il soulève : "Le problème est qu’aujourd’hui, on prélève de l’eau un peu n’importe comment sans savoir exactement qui la prélève. Donc il faut réguler ces prélèvements. Il n’y a pas que le milieu agricole, il y a l’eau potable mais également les entreprises. Il faut donc faire des économies sur ces prélèvements."
Un constat largement partagé du côté des associations de protection de l’environnement. "Aujourd’hui, on a conscience qu’avec le réchauffement climatique, des années comme celle-ci, extrêmement sèche et chaude, on en aura davantage. Elles seront plus fortes, elles seront peut-être plus intenses et plus dures que ce qu’on connaît aujourd’hui. L’urgence actuelle, et c’est un vrai cri d’alarme qu’on pousse, c’est de faire des économies d’eau", alerte-t-on du côté de France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine.
"Il n’y a pas de petites économies d’eau"
Selon l’association, rien qu’en juin, les températures étaient déjà supérieures de 2,7 °C à la normale. Une situation qui ne fait qu’empirer pour tirer de plus en plus sur les réserves d’eau. "La ressource en eau en Poitou-Charentes est vraiment assez rare puisque qu’elle vient soit de la pluie, et actuellement sur le département nous avons un déficit entre 50 et 60 %, soit de l’eau souterraine et il faut savoir que dans la Vienne nous n'avons que des nappes de petite capacité qui s’épuisent vite", souligne Jules Boisseau, chargé de mission "Sentinelles de la nature" à France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine.
Un épuisement des ressources qui vient avant tout de l’exploitation humaine de l’eau. "En France, toute l’eau qu’on prélève provient des milieux naturels, dans les cours d’eau, dans les plans d’eau ou dans les nappes souterraines principalement. Dans les périodes de sécheresse, cette eau n’est plus disponible et si on garde en face les mêmes usages, on arrive à un conflit. Nous n’arrivons pas à satisfaire nos usages avec le peu d’eau que l’on a", s’inquiète Jules Boisseau.
Aujourd’hui, la Gartempe affiche un niveau tel que les associations de défense de l’environnement comme les pêcheurs en appelle à se réunir au plus vite pour prendre des mesures. "L’idéal serait de prioriser les différents usages, de choisir collectivement et démocratiquement quels usages on veut garder. L’eau potable, l’agriculture, les usages économiques... Il faut voir ça tous ensemble, en mettant tout le monde autour d’une même table", martèle Jules Boisseau.
En attendant que des décisions soient prises pour une meilleure répartition de l’eau, France Nature Environnement en appelle aux citoyens pour répertorier les cours d’eau à sec. Avec son application "Sentinelles de la nature", l’association essaye de recenser au mieux l’état des ressources en eau sur le territoire.