François Alix a fait de la sculpture sur ferraille sa spécialité. Sur son terrain, il stocke les nombreux matériaux nécessaires à sa création. Mais l'Etat considère que son terrain est une déchetterie non déclarée, et demande une régularisation sous peine de sanctions. L'artiste va contester la décision.
Sur son terrain s'amoncellent tuyaux, carcasses de voitures et autres tas de ferrailles en tous genres. Installé depuis dix ans sur la commune de Verrue, dans la Vienne, François Alix est sculpteur. Mais chez lui, pas de pierre ni de bois : le Poitevin sculpte de la ferraille, des morceaux de fer initialement destinés à la déchetterie.
L'entreposage de déchets étroitement réglementé
Seulement, l'artiste entrepose beaucoup de cette "matière première" chez lui. Un tel amoncellement de ferraille qui a conduit les services de l'Etat à intervenir. Le 14 mars dernier, des inspecteurs de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de la Vienne constatent sur son terrain la "présence de plusieurs véhicules hors d’usage (VHU)" ainsi que "l'entreposage de déchets de métaux", sur des surfaces excédant respectivement 100 et 1000 mètres carrés.
Or, passé ces superficies, l'entreposage de déchets est réglementé en France, de même que la gestion des VHU. Selon le code de l'environnement, "les détenteurs de VHU (...) sont tenus de remettre leurs véhicules destinés à la destruction à des centres VHU, ces installations étant le point d’entrée unique de la filière". François Alix ne disposant pas des autorisations réglementaires pour les activités d'entreposage de VHU et de déchets de métaux, l'artiste a reçu le 6 mai dernier une mise en demeure de la préfecture de la Vienne, le sommant de régulariser sa situation.
Une mise en demeure que l'artiste ne comprend pas. "Je le vis excessivement mal, je trouve ça d’une injustice crasse. Je ne fais de mal à personne, je fais de l’art. Ma matière première artistique, c'est de la ferraille, comme si j’étais tailleur de pierre et que j’utilisais de la pierre ", se défend François Alix.
J’essaye de donner un peu de beauté à ce qui n’en a pas. Les ferrailles anciennes, qui devraient être jetées, moi je les magnifie.
François AlixSculpteur sur ferraille
"Le problème, c'est que l'administration plaque la réglementation sur la situation particulière de M. Alix, avance son avocat, Maître Benoist Busson. On considère qu'il ne correspond pas à la lettre au code de l'environnement, qui est fait pour les ferrailleurs, les professionnels." Et aucune jurisprudence n'existe pour légiférer sur un cas particulier comme celui-ci. "Il y a un flou juridique, une ambiguïté, qui peut profiter à l'Etat", admet l'avocat spécialisé en droit de l'environnement.
Des risques de pollution avancés
De son côté, l'Etat, par l'intermédiaire de la Dreal et de la DDT (la Direction départementale des territoires), parle de risques de pollution sur la parcelle de l'artiste. "Il y aurait de la rouille, qui pourrait polluer avec des rejets dans l'eau. Mais c'est grotesque, déplore M. Benoist Busson. Il n'y a pas d'urgence environnementale, pas de problème grave" sur le terrain du sculpteur.
"On me parle de risques de pollution, je tombe des nues, étaye le Poitevin. Je fais extrêmement attention, je n'ai pas le moindre bidon d'huile, les moteurs des voitures sont enlevés bien en amont... Je ne fais pas n'importe quoi !"
On lui tombe dessus comme s'il était un délinquant de l'environnement. Il y a sans doute d'autres enjeux plus graves ailleurs.
Maître Benoist BussonAvocat de François Alix
Mais au vu du code de l'environnement, l'installation de François Alix relève de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, et doit donc être enregistrée, sous peine de sanctions. Depuis le 6 mai et la réception de l'arrêté préfectoral, l'artiste est tenu de régulariser sa situation, soit en déposant un dossier de demande d'enregistrement en préfecture, soit en cessant son activité. Il peut aussi réduire le volume de ferraille entreposée, "afin que les quantités résiduelles ne soumettent plus le site à un classement", selon l'arrêté préfectoral.
Une solution qu'est prêt à adopter, en partie, le sculpteur poitevin. S'il envisage de se débarrasser de certains de ses véhicules et carcasses entreposées sur son terrain, pas question en revanche de cesser son activité. "C'est totalement inconcevable de vider [le terrain], et je n'en ai aucune envie, fulmine François Alix. Ce qu’ils me demandent ne me concerne pas, je ne considère vraiment pas que ce sont des déchets."
En parallèle, le sculpteur a décidé de contester la mise en demeure, par l'intermédiaire de son avocat. "Nous allons attaquer l'arrêté, sans doute courant juin, auprès du tribunal administratif de Poitiers, confirme Maître Benoist Busson. Nous contestons formellement le fait que François Alix soit assimilé à un ferrailleur."
François Alix et son conseil vont demander l'annulation de l'arrêté pris par la préfecture de la Vienne. "On verra bien ce qu'en dit le juge", conclut l'avocat spécialisé en droit de l'environnement, qui s'attend à une longue procédure et un long combat judiciaire.