C'est officiel, dès le 1ᵉʳ janvier 2024, les mineurs de 17 ans pourront obtenir leur permis de conduire et s'en servir. Une mesure promise par le gouvernement qui enthousiasme les jeunes concernés, mais qui pourrait se heurter à des réalités pratiques.
"Et on va s’arrêter tout doucement, tac, t’es prêt ?" Dans la voiture d'auto-école, le jeune Benjamin Martinet conduit prudemment en suivant les conseils de Marion Jouffroy, la gérante de l’auto-école Pont-l’Abbé et Saint Agnant, dans les Deux-Sèvres. Alors qu'il n'a que 17 ans, il pourra dès le 1ᵉʳ janvier 2024 détenir un permis de conduire.
Cet abaissement de l'âge légal pour conduire, annoncé en juin par la Première ministre, Elisabeth Borne, a été officialisé par un décret, le 20 décembre. Objectif affiché de la réforme : donner plus de mobilité aux jeunes en général, mais particulièrement aux professionnels.
#Permis | À partir de janvier 2024, il sera possible de conduire dès l’âge de 17 ans.
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) June 20, 2023
Il est essentiel de faciliter la mobilité de tous nos jeunes dans leur
parcours d'insertion professionnelle et sociale, notamment en zone
rurale. pic.twitter.com/V0mHDm2bt5
C'est le cas de Benjamin. Les deux mains vissées sur le volant, il est élève en CAP conducteur d'engins. Pour lui, la réforme est une aubaine. "Là, je suis en fin d’année de mon CAP et l’année prochaine, j'entame directement mes permis poids lourds et super lourds et du coup pour être dans le timing, c'est bien !" Un gain de quelques mois qui lui permettra de travailler plus rapidement.
Les très jeunes actifs ne sont pas les seuls qui se réjouissent de cette accélération. Thomas Schneider, 17 ans, vient de réussir son permis. Avant la réforme, il aurait dû attendre sa majorité en mars pour profiter de ce Graal de la mobilité. "Je vais pouvoir aller voir les écoles pour les journées portes ouvertes, toutes les activités qu’on fait, je vais pouvoir les faire sans déranger mes parents, et même aller voir les copains et tout ça, vachement plus facilement."
À la ville ou à la campagne, des enjeux différents
S'il est forcément un peu inquiet de voir son enfant partir sur les routes, Alexandre Schneider, le père de Thomas, est ravi de redécouvrir une autonomie. "On parle beaucoup de mobilité, les jeunes ont besoin de plus de mobilité aujourd'hui. Il fallait que les mesures s’accordent avec le monde moderne, autant professionnel avec les apprentis que pour les activités sociales."
Il faut dire qu'en zone rurale, la question de l'autonomie et de la mobilité est sensible. "Il n'y a pas un bus qui s’arrête ici, note-t-il. Donc aujourd’hui ne serait-ce que Saintes ou Rochefort qui ne sont pourtant qu'à quinze minutes sont inaccessibles sans le permis."
Un prix toujours prohibitif
Mais ce gain d'un an sur l'accession au permis de conduire n'efface pas les autres freins, à l'instar du coût de la carte rose qui oscille toujours entre 1000 et 2000 euros selon les villes. Et cela, sans compter, le coût d'un véhicule.
D'autant plus que l'augmentation du nombre de candidats risque bien de créer des nouveaux embouteillages. “On a déjà peu de places d’examen, déplore Perrine Pommaret, la gérante de l'auto-école En route ! à Poitiers (Vienne). Nos élèves en conduite accompagnée vont demander à passer le permis. Sans compter ceux qui passent leur code, et les élèves qui ont raté leur examen et attendent une nouvelle date. Répondre à toutes les demandes va devenir impossible.”
Les places sont chères en effet. Dans certains départements, le temps d'attente estimé avant d'avoir une place à l'examen du permis de conduire est de trois mois. Le manque d'examinateurs explique, en partie, ces délais considérables. Par exemple, dans la Vienne, on ne compte que six examinateurs pour tout le département. "Et encore, l’un d’entre eux est arrivé seulement en décembre 2023, précise Perrine Pommaret. Il nous en faudrait au moins deux de plus pour pouvoir faire passer tous les candidats en temps et en heure.”
Dans les Deux-Sèvres, c'est un peu mieux, on compte huit inspecteurs, et de nouveaux devraient arriver d’ici fin 2024, début 2025, annonce Thomas Bonnin, le gérant d'une auto-école à Saint-Maixent-l'École (Deux-Sèvres).
Pour les heureux conducteurs qui auront réussi à obtenir des places à l'examen et à le réussir, le permis s'accompagnera des mêmes règles qu'auparavant avec une période probatoire de trois ans.