Mercredi 29 janvier, les 5 candidats à la mairie de Paris s'affronteront lors d'un débat retransmis par LCI-Europe1-Le Parisien. Comment s'y sont-ils préparés ? Et pourquoi, il ne faut pas forcément attendre une grande véhémence ?
Quel sera le ton du débat entre les candidats à la mairie de Paris ?
Tous contre Hidalgo, tous contre NKM ou chacun pour soi ? A 24 heures de la confrontation, les paris sont ouverts. Et ce sont les "petits" candidats qui ont la clé de la soirée. Christophe Najdovski pour Europe-Ecologie, Wallerand de Saint-Just pour le Front national et Danielle Simonnet pour les listes Mélenchon à Paris.
Simonnet comme Mélenchon ?
"L'enjeu est très important pour moi", commente Danielle Simonnet. "Il s'agit de rappeler à tout le monde qu'il y a une troisième femme candidate (rires). De montrer que la campagne à Paris ne se résume pas à un duel NKM/ Hidalgo", poursuit la candidate d'une partie du Front de gauche. Elle a travaillé dimanche après-midi avec ses "camarades". "On a passé en revue les argumentaires et cherché des formules pour exprimer nos propositions de façon percutante. Mais personne n'a fait de jeux de rôles", explique Danielle Simonnet qui a peur de manquer de temps pour s'expliquer. "Si j'arrive à faire passer mon message d'une loi pour faire baisser les loyers à Paris, ce sera gagné", espère-t-elle.
Contrairement à Alexis Corbière ou François Delapierre, invités réguliers des émissions de débat, Danielle Simonnet n'est pas rompue à l'exercice. Mais, il ne faut pas la sous-estimer. Elle est combative et sait assortir ses colères d'un humour et d'une forme de séduction. Pour se faire entendre, va-t-elle choisir de cibler plus particulièrement Anne Hidalgo ou Nathalie Kosciusko-Morizet ? "Mon objectif est de montrer que je suis la meilleure opposante à la droite et à l'extrême droite et que j'ai plus d'ambition pour Paris qu'Anne Hidalgo", répond-elle.
Najdovski en quête de hauteur
Se différencier d'Anne Hidalgo et s'opposer à Nathalie Kosciusko-Morizet, telle est également la stratégie subtile de Christophe Najdovski qui est adjoint de Bertrand Delanoë à l'Hôtel de Ville. Il a tenu une petite réunion de préparation ce midi avec ses collaborateurs.
"Je n'ai rien à perdre. L'enjeu est de faire connaître les propositions de mon programme", explique-t-il. Sur l'échelle Morandini du clash et du buzz, le candidat d'Europe-Ecologie est proche de zéro. Ce professeur d'économie est un homme pondéré, mesuré. A ceux qui lui reprochent son manque de charisme, il répond qu'il ne va pas changer de personnalité pendant la campagne. Et à fortiori pendant ce débat. "On va prendre de la hauteur", plaisante son équipe (EELV est opposée à la Tour Triangle), qui sait bien que l'alliance programmée avec Anne Hidalgo entre les deux tours empêche toute attaque trop véhémente.
"Ca va être intéressant de voir comment Najdovski et Simonnet vont gérer le fait d'avoir été dans la même majorité qu' Anne Hidalgo pendant six ans", commente-t-on du côté de l'équipe de campagne de NKM. Y'a-t-il alors le risque qu'ils se liguent ensemble contre la candidate UMP ?
"J'espère que tout le monde aura à coeur de défendre ses idées, plutôt que d'être les uns contre les autres. On est face à des candidats qui ont envie de montrer leur spécificité. Ce débat est pour eux une tribune", juge-t-on du côté du QG rue de la Lune. "Danielle Simonnet et Christophe Najdovski ne se tromperont pas d'adversaire" estime-t-on dans l'équipe de campagne d'Anne Hidalgo.
Sérieux comme Saint-Just
L'animation du débat peut-elle venir du côté du Front national ? Wallerand de Saint Just sait déjà que tout le monde sera contre lui. Avec peut-être une intensité différente. "J'ai l'habitude des milieux hostiles", ironise-t-il. Pour le reste, il ne sait pas trop. "Je n'ai pas de préparation ou de stratégie particulière. Je m'adapterai à la tournure que prendra le débat. En général, on ne s'attend pas à ce qui arrive", explique t-il.
Va-t-il cibler plus particulièrement une des deux soeurs jumelles comme il surnomme NKM et Hidalgo ? "Si je dois dénoncer le bilan désastreux d'Anne Hidalgo ou les propositions farfelues de Nathalie Kosciusko-Morizet, je le ferais. Mais j'espère qu'il n'y aura pas de chamailleries politiciennes. L' essentiel pour moi est de montrer les grandes lignes de notre programme. Montrer qu'il est sérieux", commente l'avocat du FN.
Il n'est pas pour autant adepte des effets de manche. En débat télé, il ne surjoue pas la colère comme Gilbert Collard et n'use pas de la punchline sèche et ironique comme Florian Philippot. "Un débat télé, cela ressemble à un débat contradictoire dans un procès d'assise. Ce qui compte c'est la bonne foi", résume-t-il. "Ce que je veux qu'on retienne de ce débat, c'est que je suis un homme sérieux", répète-t-il encore une fois.
Il semblerait donc que la véhémence ne viendra pas des 3 "petits" candidats. Cela s'explique aussi par le fait qu'ils n'auront pas le même temps de parole qu'Anne Hidalgo et Nathalie-Kosciusko-Morizet. 8 à 9 minutes contre 12 à 13. Il faut parler de soi avant de s'attaquer aux autres.
Faut-il s'en remettre alors au duel des deux favorites pour pimenter les échanges ?
Un duel trop attendu pour se produire ?
Lors de la présentation du chiffrage de son programme, lundi, Anne Hidalgo a déclaré "qu'elle attendait avec enthousiasme ce moment et qu'elle aimait débattre". Elle a préparé cette confrontation avec son équipe à base d'échanges de notes et de consultations des dossiers. Mais pas de jeux de rôle.
"Elle l'attend sereinement. Je l'ai trouvé calme et concentrée pendant la préparation. Je n'ai pas senti de nervosité particulière", témoigne un membre de son équipe qui ajoute comme pour faire tomber la pression "qu'à deux mois du scrutin, ce n'est pas un moment décisif de la campagne".
Chez NKM, en revanche, on n'hésite pas à employer l'adjectif de décisif. Elle est pour l'instant la challenger de l'élection et doit rattraper son retard. Décisif le débat, comme l'Envoyé Spécial diffusé jeudi soir sur France 2 qui présentera un documentaire sur les coulisses de la campagne dans chaque camp.
Son équipe espère qu'à travers ces deux moments, les parisiens jugeront la différence de personnalité entre les candidates grâce à des formats longs qui trancheront avec les flashs de l'actualité quotidienne. On ne le verbalise pas comme cela dans le camp UMP, mais il s'agit de modifier un peu légèrement l'image de NKM dans l'opinion.
Comme Anne Hidalgo, Nathalie Kosciusko-Morizet a demandé des notes à ses conseillers. Son agenda a été légèrement allégé. Mais là aussi, nous dit-on pas de jeux de rôles où un conseiller interpréterait la candidate PS.
Quelle stratégie adopter face à Anne Hidalgo ? Le camp socialiste se prépare à une NKM très offensive. "Elle est en difficulté. Elle peut aller chercher la confrontation brutale et directe. On a passé en revue les divers scénarios avec la volonté qu'Anne soit combative . Elle ne laissera rien passer. Mais pour nous c'est clair, c'est avant tout projet contre projet", explique un des proches de la première adjointe de l'Hôtel de Ville.
L'offensive, c'est ce qu'ont conseillé certains élus parisiens à NKM, notamment dès le début de l'émission pour marquer son territoire et accessoirement pour les reportages des 20h. Le débat finira à cette heure-là et ils savent que les journalistes qui devront faire un résumé ne monteront pas les derniers moments.
Mais, il semblerait que ce ne soit pas l'option choisie par les conseillers de la candidate UMP. "Ce qui est important pour Nathalie, c'est de pouvoir développer ses idées", explique l'un d'entre eux. "Jusqu'ici, elle n'a pas eu l'occasion de la faire. Elle a été coupée et perturbée par des polémiques. Son souci, c'est qu'on parle du fond. De montrer que ça a une cohérence", ajoute-t-il. Finie la tactique de guérilla ? "Elle ne doit pas paraître agressive", répond-on.
Des débatteurs qui se connaissent trop bien ou trop mal
C'est le premier débat, à deux mois du scrutin. Et d'expérience, on sait que c'est le plus courtois. Les adversaires doivent se jauger. Il y a un round d'observation. Or si Danielle Simonnet, Christophe Najdovski ou Anne Hidalgo qui siègent ensemble au conseil de Paris depuis des années se connaissent par coeur, ce n'est pas le cas de Wallerand de Saint-Just qui vient de Picardie.
Et surtout, Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet ne se connaissent pas bien. Elles n'ont jamais siègé dans les mêmes institutions à part au conseil régional d'Ile-de-France, où elles n'étaient pas les plus impliquées. Elles ne se sont guère croisées sur les plateaux télé. Bref, mercredi soir, elles vont se découvrir directement sans passer par l'écho de la réputation forgé par leurs multiples conseillers.
"Un moment de vérité, sans artifice", résume une proche de NKM qui jugera les effets de la confrontation par une imprégnation d'image à long terme plus que par un bénéfice immédiat. "Le problème c'est qu'il n' y aura peut-être qu'un seul débat. Et s'il y a égalité demain soir, cela voudra dire que Nathalie a perdu", explique au contraire un élu UMP parisien.