Le tribunal correctionnel de Paris rend jeudi son jugement concernant un avocat lyonnais, Alexis Dubruel, qui avait demandé la récusation d'un magistrat au nom juif.
Poursuivi par une association antiraciste, il avait comparu le 24 juin devant la 17e chambre. L'affaire, qui avait suscité une vive émotion, avait commencé avec un banal conflit familial autour d'une fillette. La grand-mère, défendue par Me Dubruel, avait attaqué la mère mi-2012 en l'accusant de ne pas respecter son droit de visite. Le juge Albert Lévy avait renvoyé sa décision sur d'éventuelles sanctions. L'avocat, révolté par ce renvoi, avait demandé la récusation du magistrat, mettant en cause son impartialité dans ce dossier "où le père de la prévenue s'appelle Moïse".
"Il y a lieu de s'en tenir à de simples constatations patronymiques et prénonymiques", écrivait l'avocat, argument repris devant le tribunal. La partialité dont il accuse le juge "ne pouvait venir que d'une question communautariste", avait-il soutenu. Il s'était à nouveau défendu de tout antisémitisme, expliquant avoir fait l'objet de "menaces de mort de toute la communauté juive de France". "J'ai perdu des clients, on fout ma vie en l'air", avait-il lâché.
Selon l'avocat, qui s'est dit victime d'une "manipulation", le magistrat "maquille" une "faute procédurale" en disant "Dubruel, c'est le petit-fils d'Adolf Hitler". Alexis Dubruel a été radié du barreau de Lyon, décision confirmée récemment en appel, selon une source judiciaire.
Pour l'avocat de l'association Mémoire 2000, Serge Tavitian, la "requête odieuse" de Me Dubruel ramène "immédiatement à Vichy" et est "inadmissible dans un Etat de droit, inadmissible dans les écritures d'un avocat". Face au tribunal, le président de l'association, Bernard Jouanneau, avait estimé que "cette infamie commise par un avocat ne peut rester sans sanction".
On peut être "saisi" par un sentiment "d'indignation", de "colère", "évidemment au regard de la morale, c'est inadmissible", avait relevé la magistrate du parquet. Néanmoins, on ne peut pas, selon elle, retenir le caractère public de l'infraction de complicité de provocation à la discrimination raciale reprochée à l'avocat. Et comme la provocation non publique à la discrimination n'est pas un délit, mais une contravention, les poursuites ne peuvent prospérer, avait-elle ajouté, car une association ne peut poursuivre qu'en matière délictuelle.
Pour la partie civile, au contraire, la demande de récusation a été examinée en audience publique et il s'agit donc bien d'un délit. Ce n'est "pas le discours de Me Dubruel" qui est poursuivi, mais celui de "la personne qu'il représente", a plaidé son avocat, François Dangléhant. Ce dernier (qui est par ailleurs l'un des conseils de l'humoriste controversé Dieudonné) avait dénoncé une "chasse à l'avocat", "une ingérence dans l'exercice de la profession".