Les moissons ont commencé en Île-de-France. Les céréaliers redoutent de mauvaises récoltes en raison de la sécheresse, malgré les estimations de l'interprofession céréalière, Intercéréales, qui estime que les rendements seront en légère hausse cet été.
"On en parlait avec ma femme, ça va faire bizarre de commencer les moissons quand les enfants sont encore à l'école !", constate, un brin fataliste, Guillaume Lefort. De fait, la moissonneuse de cet agriculteur céréalier d'Arville, en Seine-Marne, tourne à plein régime depuis la fin du mois de juin, d’abord pour l'orge et ensuite pour le blé depuis le 6 juin.
À ce rythme-là, "tout sera fini au 14 juillet (...) On a gagné en 20 ans, une dizaine de jours d'avance sur les moissons", résume cet agriculteur qui s'attend cette année à des rendements médiocres pour sa moisson de blé, "en dessous de ceux de l'année dernière".
"Les grains de blé sont chétifs car on a connu un temps chaud mais couvert et pas de pluies", indique-t-il. Seul lot de consolation pour cet agriculteur : de très bons rendements attendus concernant la moisson d'orge, commencée elle aussi bien plus tôt.
Dans le sud de l'Essonne, Eudes Coudes, jeune agriculteur qui cultive du blé et de l'orge sur 60 hectares à Saint-Escobille, reste très prudent sur les rendements de sa moisson de blé. Attentiste mais tout de même pessimiste. À première vue, Eudes Coudes prédit une récolte "en dessous de celle de l'an dernier". La faute à la sécheresse qui touche durement le sud de ce département.
"En 2022, il a plu régulièrement au mois d'avril, en mai et en juin et l'association pluie-soleil avait été bénéfique", explique cet agriculteur. "Cette année, il n’y a pas eu d'eau de mai à juin et par exemple je sais déjà que pour mes petits pois, on aura une baisse significative de rendement", déplore-t-il.
Des rendements différents selon les exploitations
La météo de ces dernières semaines en Île-de-France a tourné à la chaleur généralisée, entrecoupée de violents orages. Des records climatiques sont tombés, selon les derniers bilans climatiques de Météo France. Les cultures en Île-de France ont souffert du stress hydrique mais à des degrés divers sur la carte agricole de la région, qui compte 4000 exploitations, dont une très grande majorité de céréaliers.
La chambre d'agriculture d'Île-de-France évoque, de son côté, une situation très disparate selon la situation géographique des exploitations. "C'est très hétérogène avec une météo capricieuse", analyse Clément Torpier, élu consulaire. "Mais on a des premiers échos sur les orges et les colzas par rapport à l'an dernier, les rendements et la qualité ne sont pas au rendez-vous", ajoute-t-il.
"Ça ne sera pas l'année du siècle mais on est rassuré"
Au niveau national, Intercéréales, l'interprofession céréalière, tempère. "Ce ne sera pas l'année du siècle mais on est rassuré (...) En Île-de-France, on s'attend à une récolte un peu au-dessus de la moyenne", estime Phillipe Heusele, chargé des relations internationales au sein d'Intercéréales, et agriculteur à Meaux en Seine-et-Marne.
Philippe Heuseule relativise toutefois les estimations de rendements selon les types de sols. "Dans les parties sud de la région (d'Île-de-France), on a des sols en général un peu plus superficiels et on a une moins bonne rétention en eau de pluies mais on peut penser que les terres profondes s'en sortiront un peu mieux", précise-t-il.
Pour lui, le contexte économique dans lequel se déroulent cette année ces moissons est différent. Un environnement économique totalement "inversé" à celui que l'on a connu l'an dernier. "On a subi les effets de la guerre en Ukraine et on était sur des prix très élevés, alors que là, on est retombé à des prix d'avant la guerre, à peine 200 euros. On a des coûts de production (énergies et engrais) qui ont explosé depuis le printemps", précise-t-il.
Alors quoi qu'il arrive, conclu Phillipe Heusele, "il faudra un rendement très correct pour dégager quelque chose comme revenu pour l'agriculteur".