PORTRAIT. Kizo , l’ancien membre d'une bande devenu pacificateur entre les quartiers rivaux

Kizo , ex-membre d'une bande à Grigny en Essonne, œuvre aujourd’hui pour réduire la violence entre les différents quartiers. Le 27 juillet dernier, un jeune homme a été frappé à mort au cours d'une rixe. Portrait d’un pacificateur.

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"C'est une vie dont je suis sorti et qui n'a aucun bon côté." Lorsqu'il repense à ses années passées au sein d'une bande, Kizo alias "Kizo Bomaye  évoque une vie dans laquelle il a dû apprendre à se défendre, mais surtout à attaquer. Il est né à Grigny en Essonne, une ville dans laquelle des bandes prennent part à des affrontements avec d'autres, venues d'Evry et Corbeil, depuis des décennies. 

Cette vie passée, il l'évoque dans son dernier documentaire intitulé "GANGS", tout juste sorti sur Youtube début août. Son expérience au sein d'une bande durant la fin de son adolescence, il s'en sert aujourd'hui pour faire passer un message de paix entre bandes rivales. 

"C'est un engrenage" 

Kizo grandit dans le quartier de la Grande Borne à Grigny dans les années 1980. "C'est une époque où les populations de Grigny, Evry et Corbeil étaient unies, puis dans les années 1990, certaines personnes ont commencé à remettre en question cette union et les affrontements ont démarré." Des bagarres dont Kizo est témoin durant toute sa scolarité au lycée et qui le poussent à agir pour se protéger. "J'ai appris la boxe, non pas pour le plaisir, mais parce que des jeunes de mon âge ont commencé à vouloir se battre avec moi", raconte-t-il.

 A 17 ans, il intègre une bande de son quartier. "Ce que je connaissais des sports de combat me servait désormais pour survivre. Il fallait riposter lorsque d'autres nous attaquaient, acheter des armes parce que les autres bandes en avaient. Cela devenait un engrenage sans fin." 

Un espace tourmenté dans lequel la violence fait partie de la vie de tous les jours. "C'était normal d'avoir mal, et de se battre. On ne se rendait pas compte des dégâts que cela engendrait", se rappelle-t-il. Cette confrontation quotidienne avec la violence entraîne la perte de nombreux membres de sa bande. "Certains sont morts, d'autres ont terminé en prison. Assez vite, je me suis retrouvé seul, j'avais 21 ans et je devais m'en sortir", précise-t-il. 

"Il n'existe pas de bonne raison de rentrer dans un gang" 

Pour s'en sortir, Kizo décide d'abord d'engager une réflexion sur ses actions passées. "J'ai réalisé que tout ce que j'avais fait au sein de cette bande ne m'avait rien apporté de bon. Que les armes et la bagarre n'avaient eu que des effets négatifs sur ma vie." C'est contre cette négativité qu'il décide de mettre en garde les jeunes de son quartier. "Beaucoup d'entre eux me connaissaient et je voulais leur montrer qu'il était possible de s'en sortir autrement que par les coups et les armes", se souvient-il. 

Sa popularité grimpe dans la ville, si bien qu'en 2009, la mairie lui confie la tâche d'enclencher une médiation sociale entre bandes des différents quartiers. "L'objectif était de montrer aux personnes qui souhaitaient rentrer dans un gang qu'il n'existe pas de bonnes raisons pour le faire, à travers un travail avec eux mais aussi auprès de leur famille", note-t-il. "Certains veulent y entrer pour se sentir accepté par une sorte de famille de substitution, d'autres afin de suivre les pas de leurs ainés, mais au final tout ce qu'ils risquent d'en tirer, est négatif", souligne le musculeux pacificateur. 

Les muscles et le développement physique font aussi partie de sa méthode de médiation. Il développe cet aspect à travers une discipline qu'il a créé en 2007, le No Joke, que l'on peut traduire par "Pas de Blague". L'idée, combiner la musculation avec des techniques tirées de différents sports de combat. "Le but est de permettre aux membres des bandes de canaliser leurs énergies négatives afin de les faire collaborer vers une performance commune même quand ils sont rivaux." 

"Tenter de sauver le plus de monde  possible" 

Aujourd'hui l'action de Kizo se poursuit bien qu'il ne soit plus médiateur pour le compte de sa ville de toujours. "Mes moyens d'actions sont différents. Je fais des documentaires, j'ai écrit un livre sur la vie dans les quartiers, mais mon objectif reste le même", note-t-il. La finalité pour lui est de "sauver un maximum de gens et d'éviter le plus de morts possibles". 

À ce titre, il évoque le décès le 27 juillet dernier d'un jeune homme de 17 ans à Fleury-Mérogis lors d'une rixe avec une bande rivale d'Evry. "Ce type d'incident montre bien que la violence et le recours aux armes font partie du schéma de pensée et d'action de nombreuses personnes. La violence est inévitable, mais à travers un message de paix, j'espère pouvoir faire changer certaines mentalités." 

Pour ce faire, il entend poursuivre son action à travers de nouveaux documentaires dans les prochains mois. "Mon but est de poursuivre par tous les moyens nécessaires afin de sensibiliser ceux qui seraient tentés par cette vie dangereuse et ceux qui en font partie. Je veux montrer qu'il est possible d'en sortir." Un défi de taille dans un département qui a connu 129 rixes en 2021.           

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