Malgré les protestations de plusieurs élèves et anciens élèves, le "partenariat stratégique" entre l'école d'ingénieurs Polytechnique et le groupe LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton) "doit être finalisé" d’ici fin 2022.
LVMH, numéro un mondial du luxe, va pouvoir installer son centre de recherche à côté de Polytechnique, sur le plateau de Saclay (Essonne). Le conseil d'administration de l’école a validé par 19 voix pour, 4 contre et une abstention, la vente d'un terrain voisin de l’établissement à LVMH. "Le partenariat stratégique doit être finalisé avant la fin de l'année", a précisé Eric Labaye, président de l'École Polytechnique et de l'Institut Polytechnique de Paris lors d'une visioconférence à l'issue du conseil d'administration.
Baptisé "Gaia", le projet regroupera à terme 300 chercheurs sur une surface de 22 500 m² d’après LVMH, qui compte investir plus de 100 millions d'euros dans le futur bâtiment. Le centre de recherche, censé être dédié au "luxe durable et digital" du groupe de Bernard Arnault (lui-même polytechnicien), prévoit d'investir 2 millions d'euros par an pendant 5 ans sur des partenariats de recherche avec Polytechnique.
Situé au sein du parc d'innovation de l'Institut Polytechnique de Paris (qui regroupe cinq écoles dont Polytechnique), le terrain appartient à l'Etablissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS). La parcelle choisie par LVMH étant voisine de l'école d'ingénieurs, cette dernière avait un veto jusque 2025.
"Polytechnique n'est pas à vendre !"
Plusieurs élèves et anciens élèves ont exprimé leur opposition au projet, annoncé cet été. Le collectif "Polytechnique n'est pas à vendre !" demande ainsi que le bâtiment de LVMH soit construit à l'extérieur du campus et que les terrains de la zone nord-est du campus, dont la parcelle convoitée par le groupe de luxe, soit réaffectés à l'usage de l'Institut Polytechnique de Paris.
Début septembre, plus de 70 personnes ont signé une tribune publiée dans Le Monde, pour s’opposer à un "projet délétère" qui "travaille sur des problèmes techniques éloignés des thématiques de recherche de l'école : remplacement des plastiques par des alternatives plus écologiques dans des emballages de parfum, développement d'algorithmes de recommandation plus performants pour accroître la quantité de produits vendus, etc".
Les signataires reprochaient à LVMH de vouloir "cimenter une respectabilité factice sur la question environnementale et sécuriser un accès privilégié aux élèves du campus, tandis que les retombées du côté de l'école seraient extrêmement maigres, tant sur le plan financier que scientifique". Porte-parole de "Polytechnique n'est pas à vendre !", Matthieu Lequesne juge que quatre votes contre et une abstention dans un conseil d'administration "qui vote toujours de manière unanime" est un signe fort d'opposition.
"La dernière fois qu'il y a eu autant d'opposition, c'était en 2016", selon Matthieu Lequesne. "Ce n'est pas la fin de la mobilisation… Les usagers du campus sont en majorité contre ce projet", affirme le porte-parole.
"Les élèves sont partagés sur cette question"
"On sait que les élèves sont partagés sur cette question", admet Eric Labaye. Lors du vote, un des représentants des élèves "a voté pour et un contre". "Ces coopérations public/privé existent dans le monde entier dans les grandes universités", ajoute le président de Polytechnique qui affirme que "les enseignants-chercheurs soutiennent" le projet.
D’après Matthieu Lequesne, rien ne certifie toutefois que LVMH va acquérir le terrain. Jean-Baptiste Voisin, directeur de la stratégie du groupe de luxe, a laissé planer le doute lundi dans Les Echos. Si le conseil d'administration de Polytechnique ne s'oppose pas à l'achat du terrain par LVMH, "nous aurons l'opportunité de l'acheter, mais ce n'est pas dit qu'on le fasse. Ce n'est qu'une option d'implantation parmi beaucoup d'autres en région parisienne, et nous les étudions toutes", a ainsi déclaré Jean-Baptiste Voisin, par ailleurs secrétaire général de l'association des anciens de Polytechnique.
Le projet est "complètement transposable", selon le directeur de la stratégie de LVMH, "vous le prenez par hélicoptère, vous le déposez où vous voulez". En janvier, le groupe TotalEnergies avait renoncé à implanter son nouveau pôle de Recherche et Développement sur un terrain situé également à proximité de Polytechnique, suite à la mobilisation de professeurs et d'élèves contre le projet.