« Ce n’est pas la fin de Heetch » déclarent les fondateurs suite à la décision rendue jeudi par le tribunal correctionnel de Paris. Lourdement condamnée, la star-up ne compte pas en rester là. Elle appelle à une mobilisation samedi 4 mars à République, Bastille et partout en France.
Les fondateurs de Heetch, Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, ont déclaré par communiqué jeudi :
« Heetch n’est pas fini. Nous prenons acte de la décision, nous contestons les motivations du tribunal et allons analyser le jugement avec nos avocats pour décider ou non de faire appel. Dans un premier temps, pour se conformer au jugement, nous décidons, de notre propre initiative, de suspendre provisoirement l’application. »
Sans attendre de faire appel de leur jugement, la start-up a décidé d'interpeller les politiques avec une action ce samedi : "une mobilisation cytoyenne d'un nouveau genre" selon eux.
Lourde condamnation
Pour avoir entretenu la "précarisation" et l'"angoisse" des chauffeurs de taxi, la start-up de transport entre particuliers Heetch et ses
fondateurs devront leur verser 441.000 euros au titre du préjudice moral, a jugé jeudi le tribunal correctionnel de Paris.
A cette somme, qui équivaut à 300 euros pour chacun des chauffeurs ou associations de chauffeurs parties civiles - plus de 1.400 - s'ajoutent 91.000 euros à verser au titre des frais de justice de ces mêmes victimes.
C'est donc plus d'un demi-million d'euros que Heetch, au chiffre d'affaires annuel de deux millions d'euros, ainsi que Teddy Pellerin et Mathieu Jacob, devront ensemble débourser.
Sans compter une amende de 200.000 euros dont 150.000 euros avec sursis pour la société, et 10.000 euros d'amende dont la moitié avec sursis pour chacun des dirigeants.
Le tribunal n'a toutefois pas suivi le parquet qui demandait une interdiction de diriger une entreprise pendant deux ans contre ces deux hommes, tout juste trentenaires.
Pour la justice, la société tout comme Teddy Pellerin et Mathieu Jacob sont bien coupables de complicité d'exercice illégal de la profession de taxi, de pratique commerciale trompeuse et d'organisation illégale d'un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels.
Réagissant au délibéré, Teddy Pellerin a déclaré, sous les applaudissements et les cris d'encouragement de ses soutiens, que l'application internet serait "suspendue" mais que ce n'était "pas la fin de Heetch".
La jeune pousse, encore déficitaire, bénéficie du soutien discret de quelques grands noms de l'économie française, comme Xavier Niel via la société Kima Ventures, ou le groupe Mobivia (Norauto, Midas).
Il a aussi dit sa volonté de "dialoguer" avec les taxis. Le jeune entrepreneur veut "lire le jugement" avec ses avocats avant de faire éventuellement appel.
Nouvelle économie
Dans son jugement, que la présidente a pris le temps de lire, le tribunal a contesté les deux grands arguments de Heetch, qui estime ne pas faire de transport "à titre onéreux" et qui assure agir dans le cadre du "covoiturage".
Heetch, application tournant de 20H00 à 06H00, limite les revenus de ses conducteurs à 6.000 euros par an, somme permettant seulement le "partage des frais" du véhicule, selon ses fondateurs, qui soulignent par ailleurs que la contribution du passager est facultative.
Le tribunal a lui jugé que dans les faits, tout incitait les passagers a verser la somme "suggérée" par l'application, sous peine par exemple d'être mal notés par les chauffeurs.
Pour ce qui concerne le "covoiturage", le tribunal a relevé qu'il faudrait pour entrer dans ce cadre que les chauffeurs décident de la destination, alors que dans les faits, ce sont les utilisateurs de Heetch qui le font.
Les juges ont estimé qu'il était "manifeste que les deux prévenus connaissaient le caractère hors cadre de leur entreprise" et leur a reproché de s'être "délibérément affranchis des principes légaux au nom de la création d'une nouvelle économie".
Le tribunal a aussi affirmé que les agissements des prévenus "contribuent à la précarisation et au développement d'un sentiment d'angoisse des taxis".
Cet argumentaire n'est pas sans précédent: en juin, l'application UberPop, du géant américain Uber, avait été condamnée pour les mêmes chefs de prévention que Heetch, et sommée de réparer un "préjudice moral" des taxis.
Sur une note plus positive pour Heetch, le tribunal a relevé que la loi avait "changé deux fois en moins de deux ans" pour ce qui concerne le transport de particuliers, et reconnu qu'il existait un "besoin non satisfait" pour les jeunes noctambules se déplaçant entre Paris et sa banlieue, qui sont de grands adeptes de l'application.
Me Jonathan Bellaiche, représentant plusieurs associations de taxis, a espéré que cette condamnation "dissuade des entrepreneurs" de se lancer sur le même créneau que la start-up, qui annonce 500.000 utilisateurs actifs, 30.000 conducteurs occasionnels et 500.000 trajets mensuels, pour 50 salariés.