Accessibilité des chiens guides pour non voyants : "pour entrer dans un magasin, on m'a demandé de porter mon labrador", dénonce un déficient visuel

Selon un dernier rapport de l'Observatoire de l'accessibilité des chiens guide et d'assistance, OBAC, 167 chiens guide se sont vus refuser un accès à des lieux publics l'an dernier. Des refus qui constituent des délits au regard de la loi de 2014. Selon l'OBAC, plus d'une dizaine de plaintes ont déjà été déposées cette année.

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"Ici, on n'accepte pas les chiens, mais si vous rentrez quand même, vous portez votre chien !" Antoine Thiebault est non voyant et son chien "Illico" est un labrador de 34 kg. Antoine se remémore très précisément cette scène qu'il a vécue à l'entrée d'un magasin.

Ce jour-là, un vigile lui refuse l'accès d'une grande surface spécialisée dans les articles de sport. Mais Michel est pugnace. Il a toujours dans sa poche l'article 88 d'un texte de loi qui précise que l'accès des chiens guides ou d’assistance doit être autorisé dans des lieux ouverts au public. "Le vigile est allé voir la direction du magasin et j'ai pu finalement rentrer mais il m'a quand même suivi dans tout le magasin au cas où", se rappelle-t-il avec amertume. Une humiliation qui s'ajoute à de la discrimination à l’entrée d'un autre grand magasin pour Antoine qui a interpellé aussitôt l'OBAC, lʼObservatoire pour lʼaccessibilité des chiens guide et dʼassistance pour signaler son cas.

167 cas de refus signalés en 2022

En 2022, selon un dernier rapport publié récemment par l'OBAC,167 signalements de refus d'accès ont été recensés. Et c'est en grande majorité des femmes qui ont été victimes de ces refus. Parmi les secteurs les plus signalés, ceux du tourisme et des loisirs, le milieu de la restauration et des transports. 

Claire Duval, résidente à Surennes dans les Hauts-de-Seine est éducatrice pour chien guide. Sa mission est de former le jeune chien et le confronter à toutes sortes de situations sociales avant qu'il ne soit cédé gratuitement à un non voyant. Cette éducatrice passe le plus clair de son temps, dit-elle "à faire de la pédagogie", à expliquer que son chien en formation a aussi selon la loi, un droit d'accès. "Dans 80 % des cas, ça se passe bien" rassure-t-elle.

Mais quelques fois la situation se tend. Il y a six mois, Claire et son chien se sont vus refuser l'accès à une salle de sport parisienne. "On nous a dit : 'peu importe le type de chien, vous n'avez pas de handicap'. On a même essuyé des commentaires pas très sympas du genre : 'moi je ne grimpe pas avec mon chat'."

Claire a fait alors intervenir la police municipale pour rentrer dans la salle avec son chien. "Ma demande a été bien comprise au niveau du commissariat central mais pas, par les policiers qui se sont déplacés. Ils n'ont pas pris position. En fait, ils n'étaient pas sensibilisés, on n'était pas défendu en fait".

L’hygiène comme argument de refus d’accès

Les arguments invoqués en cas de refus d'accès sont presque toujours les mêmes. "On invoque l'argument de l'hygiène", explique Stéphane Boutemy, membre de l'OBAC et de l'ANM, l'Association Nationale des Maîtres des Chiens Guides, "mais est-ce qu'un chien est plus sale que des semelles de chaussures, je ne sais pas ! Mais au niveau de la loi, c'est clair : les chiens guide ont un droit d'accès à tous les lieux publics", assène-t-il. 

Encore plus difficile à accepter pour l'OBAC et les personnes handicapés, les refus d'accès invoqué par des structures de soins. "Par exemple, je viens voir une autorité médicale et celle-ci demande à ce que l'on laisse le chien dehors", raconte Stéphane Boutemy. S'il y a une salle d'attente ou un espace commun, ces structures n'ont pas "le droit de refuser l’accès" certifie l'OBAC. Stéphane Boutemy pointe la méconnaissance de ce que représente un chien guide, de son coût : "à peu près 25 000 euros ( .. ) cela correspond au prix de sa formation et il est remis ensuite gratuitement au non voyant"( .. )Si on laisse le chien attaché dehors, n'importe qui va le prendre !" 

Que dit la loi de 2014

Pour les représentants de l'OBAC, la très grande majorité des refus sont liés à la méconnaissance de la loi tout simplement ou la méconnaissance du chien guide. Mais que précise la loi de 2014 ? Selon le législateur, "les personnes handicapées assistées de leur chien, les moniteurs et éducateurs canins ainsi que les familles d’accueil éduquant de futurs chiens guides ou d’assistance ont donc accès à tous les lieux ouverts au public". Et en cas de refus d’accès, le contrevenant est passible d'une l’amende de 3e classe entre 30 et 45 euros.

Pas assez dissuasif pour Stéphane Boutemy. "Le problème vient de là, et c'est pour ça qu'on milite depuis cette année au niveau de l'ANM, l'Association Nationale des Maîtres de chiens Guide pour que les refus de chiens guide passent en discrimination et donc à ce moment-là, ça passerait sur du pénal", espère-t-il.

"Plus d'une dizaine de plaintes"

Depuis le début de l'année, plus d'une dizaine de signalements ont été suivis de plaintes. Des procédures encouragées et soutenus par l'ANM qui se porte, selon les cas, partie civile.

Avant d'entamer toute procédure, Stéphane Rossetti, responsable accessibilité dans l'association, livre un travail de médiation auprès des établissements qui ont manifesté un refus. Un travail de fourmi et de déminage parfois très long. En particulier dans le domaine de la distribution alimentaire où la seule possibilité de s'adresser à une direction d'entreprise se résume à une plate-forme d'appel ou a un site internet sans contact téléphonique.

L'autre mission de cet associatif, c'est d'entendre et d'évaluer le signalement les plaignants. "Quand on reçoit une personne qui fait un signalement, on écoute, on rassure", précise-t-il. "On demande aussi quelle a été l'attitude de la personne à l'origine du refus, quels ont été les propos tenus ? Et quelques fois les propos sont très durs, déplore Stéphane Rossetti. "Je vous cite le cas d'une adolescente d'une quinzaine d'années qui était avec son petit frère. Elle visitait un château musée. Le vigile lui interdit l'accès et lui dit : 'c'est du cinéma, vous n'êtes pas aveugle et puis toute façon, enlevez vos lunettes de soleil que je vous regarde !'"

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