Affaire de corruption de "la chaufferie de la Défense" : fin du procès, la procédure annulée pour non-respect des délais

L'affaire remonte à la fin des années 90. Cinq chefs d'entreprise devaient être jugés pour avoir faussé l'attribution d'un important marché : celui du chauffage et de la climatisation du quartier d'affaires de la Défense. Le tribunal de Nanterre a mis fin au procès dès le premier jour d'audience.

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Ils étaient accusés d'avoir faussé un marché entre 1999 et 2003. Cinq chefs d'entreprise étaient poursuivis dans l'affaire de corruption de la "chaufferie de la Défense". Une procédure anormalement longue, 20 ans, et des prévenus âgés : l'un d'eux est presque centenaire.

Mais alors que le procès devait se tenir jusqu'à vendredi, le tribunal de Nanterre a annulé l'intégralité des actes d'enquête, jugeant que la procédure n'avait pas respecté le droit des prévenus à être jugés dans un délai raisonnable. Cette "durée non raisonnable prive deux des principaux prévenus (âgés de 98 ans et 82 ans, ndlr) de leur capacité à se défendre pleinement" du fait "des troubles liés au grand âge et de leur état de santé", a justifié le président de la 15e chambre correctionnelle du tribunal, Olivier Protard.

La décision met ainsi fin au procès, dès le premier jour d'audience. "Le délai de la procédure a été de dix-neuf ans et sept mois jusqu'à aujourd'hui", a rappelé le président Protard, ajourtant : "Il n'est pas contesté que l'affaire (présentait) un caractère complexe, mais elle ne justifiait pas la poursuite d'une procédure d'enquête pendant près de vingt ans". "La longueur de la procédure engagée contre eux leur a fait nécessairement grief", a aussi expliqué Olivier Protard, estimant qu'elle "rend impossible la poursuite d'une procédure juste et équitable".

"Juger un homme de 99 ans, c'est ahurissant !", s'était indigné avant l'audience Me Olivier Baratelli, qui défend Jean Bonnefont, ancien dirigeant des ex-Charbonnages de France.

L'affaire débute en 1998, lorsque le Syndicat mixte de chauffage urbain de La Défense (Sicudef) lance le renouvellement du marché que détenait depuis trente ans la société Climadef, filiale de Charbonnages de France. Trois ans plus tard, il l'attribue à un groupement d'entreprises baptisé Enertherm.

Mais les services de répression des fraudes repèrent des anomalies dans le processus. Dès juin 2002, une enquête est ouverte pour corruption et trafic d'influence, une autre l'est en janvier suivant pour abus de biens sociaux.

Outre Jean Bonnefont, l'ex-numéro 3 de la Compagnie générale des Eaux-Vivendi Bernard Forterre, 82 ans aujourd'hui, et l'homme d'affaires Antoine Benetti, 68 ans sont  alors mis en cause. Ils sont accusés d'avoir faussé le marché pour assurer son attribution à Enertherm, dont les actionnaires étaient en réalité les mêmes que ceux de Climadef, l'ancien concessionnaire.

L'ancien maire de Puteaux au centre de l'affaire

Au centre de l'entente présumée figurait Charles Ceccaldi-Raynaud, le président "omnipotent" du Sicudef selon des témoignages de l'époque, mis en examen pour avoir perçu une commission de 5 millions de francs (760 000 euros).

Un protagoniste du montage financier, Laurent Gimel, a affirmé durant l'instruction avoir remis des sacoches de billets à un proche de M. Ceccaldi-Raynaud. Des pots-de-vin destinés, selon lui, à arroser les membres du Sicudef.

L'instruction tentaculaire a permis de découvrir d'importantes sommes sur des comptes ouverts au Luxembourg par la famille Ceccaldi-Raynaud. Il avait alors accusé sa propre fille Joëlle, qui lui a succédé à la mairie de Puteaux, d'avoir reçu ces pots-de-vin, en se défendant personnellement de toute infraction.

Mais M. Ceccaldi-Raynaud sera le grand absent du procès car l'ex-sénateur-maire de Puteaux est décédé en juillet 2019 à 94 ans, quelques jours avant que le parquet ne prenne ses réquisitions.

Pour l'association anticorruption Anticor, partie civile, c'est la démonstration d'une "justice complice" qui aurait, selon elle, attendu la disparition du sénateur-maire pour prononcer son ordonnance de renvoi. Cette affaire "fait partie de ces dossiers mis dans un placard pour protéger des personnalités de premier plan politique", a déploré Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor.

Renvoyés notamment pour corruption, complicité de corruption ou abus de biens sociaux, les principaux prévenus contestent les faits. Ils risquaient jusqu'à dix ans de prison et un million d'euros d'amende.

Suite à l'annulation de la procédure, Olivier Baratelli, avocat de Jean Bonnefont, a salué une "décision historique" : "Pour la première fois, un tribunal français met en lumière la prédominance des droits de l'Homme et des principes fondamentaux prônés par l'Europe sur les simples règles françaises". Le parquet a 10 jours pour faire appel.

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