Au Théâtre de la Ville, depuis le 20 octobre, les incidents se multiplient contre une pièce jugée "blasphématoire"
Théâtre de la ville: les intégristes se déchainent
Nouvelle action hier soir d'un groupe de catholiques intégristes contre le théatre de la ville à Paris. Depuis jeudi, ils tentent d'empêcher la réprésentation d'une pièce de Romeo Castellucci qu'ils estiment blasphématoire. La mairie et le théâtre ont porté plainte.
Intrusion sur scène, utilisation de boules puantes, jets d'huile de vidange et d'oeufs devant le théâtre, distribution de tracts ... depuis le début des représentations du spectacle de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu, chaque soir, des catholiques traditionalistes tentent d'empêcher le bon déroulement du spectacle.
Le spectacle décrit la déchéance d'un vieillard incontinent, sous le regard d'un portrait géant du Christ peint par Antonello de Messine.
Dans un communiqué publié en fin de semaine dernière, Emmanuel Demarcy-Mota, le directeur du Théâtre de la Ville, considère que "Ces agissements à caractère fascisant sont absolument inadmissibles. Mes collaborateurs et moi-même, en plein accord avec Romeo Castellucci et son équipe, ainsi que l’ensemble du personnel du théâtre, ne céderons sous aucun prétexte à ces menaces et à cette intimidation. Nous entendons défendre la liberté d’expression, les droits du théâtre, et la mission qui est la nôtre face à cette terreur. Nous entendons exercer pleinement nos droits et réclamer aux fauteurs de trouble réparation des dommages et préjudices importants qu’ils nous occasionnent" précisant : "Les représentations du spectacle se poursuivront jusqu’au 30 octobre au Théâtre de la Ville. Je souhaite que le public continue à venir découvrir le travail d’un grand artiste que nous sommes fiers de soutenir et d’accompagner."
"Je veux pardonner à ceux qui ont essayé par la violence d’empêcher le public d’avoir accès au Théâtre de la Ville à Paris. Je leur pardonne car ils ne savent pas ce qu’ils font" a, quant-à lui, déclaré le metteur en scène Roméo Castellucci, "Ils n’ont jamais vu le spectacle ; ils ne savent pas qu’il est spirituel et christique ; c’est-à-dire porteur de l’image du Christ. Je ne cherche pas de raccourcis et je déteste la provocation. Pour cette raison, je ne peux accepter la caricature et l’effrayante simplification effectuées par ces personnes. Mais je leur pardonne car ils sont ignorants, et leur ignorance est d’autant plus arrogante et néfaste qu’elle fait appel à la foi. Ces personnes sont dépourvues de la foi catholique même sur le plan doctrinal et dogmatique ; ils croient à tort défendre les symboles d’une identité perdue, en brandissant menace et violence. Elle est très forte la mobilisation irrationnelle qui s’organise et s’impose par la violence. Désolé, mais l’art n’est champion que de la liberté d’expression" précisant "Ce spectacle est une réflexion sur la déchéance de la beauté, sur le mystère de la fin. Les excréments dont le vieux père incontinent se souille ne sont que la métaphore du martyre humain comme condition ultime et réelle. Le visage du Christ illumine tout ceci par la puissance de son regard et interroge chaque spectateur en profondeur. (...) il est complètement faux qu’on salisse le visage du Christ avec les excréments dans le spectacle."
Mardi soir, il n'y a eu aucun débordement à l'intérieur du théâtre mais un important dispositif policier était déployé au dehors et les spectateurs soigneusement fouillés à l'entrée.
Voir ci-contre le reportage de Christelle Juteau et Florence Gaillard.