"Jusqu'à l'appel" : le bouleversant combat d'un père pour la justice

France 3 Paris Île-de-France diffuse ce jeudi soir "Jusqu'à l'appel", un documentaire qui raconte l'histoire et le procès d'Alexandre Chacón, un père de famille accusé d'avoir causé la mort de son bébé.

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En ce jour d’octobre 2013, Alexandre Chacón et sa compagne s’inquiètent. Leur fils Eitan, âgé de 2 mois à peine, refuse le biberon et semble malade. Ils se rendent aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau. Eitan est rapidement transféré à Necker pour un scanner cérébral qui révèle un hématome sous-dural. Le bébé décèdera douze jours plus tard. Un drame absolu pour les parents, mais leur cauchemar ne fait que commencer… 5 jours après l’enterrement de son fils, Alexandre se retrouve en garde à vue. Les enquêteurs affirment qu’au vu des résultats des examens pratiqués sur Eitan, il n’y a pas de doutes : il a été secoué  violemment et de manière répétée, ce qui a conduit à son décès. Alexandre nie en bloc, mais par honnêteté dit avoir sorti le petit de son lit de manière un peu vive au cours de la nuit, pour lui donner le biberon. Cette déclaration suffit aux policiers pour clôturer l’enquête. Pour eux, Alexandre Chacòn a bel et bien tué son bébé. Il est placé en détention préventive.

Une rencontre décisive

Le père de famille reçoit alors la visite d’un avocat commis d’office, Maitre Grégoire Étrillard. « Ce jour-là, je lui ai posé une question que je ne lui ai posé qu’une seule fois. « est-ce que vous l’avez fait ? » Il m’a répondu non. Je ne l’ai plus lâché depuis » se souvient l’avocat. Entre 2013 et 2021, Alexandre Chacón se mue en enquêteur de sa propre histoire. Il devient papa de deux autres enfants et accompagne des couples accusés eux aussi d’avoir secoué leur bébé. Il devient membre actif de l’association « ADIKIA », qui recense 400 familles accusées de secouement. Durant toutes ces années, Alexandre passe de périodes d’abattement à des moments d’euphorie quand il trouve des éléments remettant en cause les théories sur le Syndrome du bébé secoué (SBS).

Des condamnés à mort aux Etats-Unis

Cette théorie est née aux États-Unis dans les années 70: lorsqu’un nourrisson présente trois éléments tels que des hématomes sous-duraux (des saignements autour du cerveau), des hémorragies rétiniennes (sang dans les yeux), et un oedème cérébral, alors le secouement violent serait la seule explication. Peu à peu, ce qui était une simple hypothèse est devenu un dogme pour la justice. A tel point que dans ce type d’enquête, C’est  systématiquement la dernière personne à avoir été en contact avec l’enfant avant son hospitalisation qui est mise en examen. Des experts sont alors désignés et leur rapport est souvent tout aussi peu nuancé, et ce, même si l’hypothèse reste fragile. En réalité, il arrive très souvent que les causes des hématomes n’aient rien à voir avec un secouement. Des parents, des baby-sitters ont ainsi été condamnés à des peines de prison pouvant aller de 5 à 15 ans. Aux États-Unis, 5 personnes soupçonnées d’avoir tué leur bébé sont dans le couloir de la mort.

Un premier procès en octobre 2019

Alexandre Chacon a découvert tous ces éléments au cours de son long combat pour la vérité. Epaulé par sa femme Yoanna, son avocat, mais aussi par un groupe de médecins qui a eu le courage de s’opposer à la communauté médicale.  Des neurologues, neuropathologistes, radiologues ou neuropédiatres, qui ont étudié le dossier du petit Eitan et conclu à une origine infectieuse expliquant la présence d’hématomes au niveau des méninges de l’enfant, et son décès. Ces spécialistes ont témoigné en octobre 2019 au procès d’Alexandre devant la Cour d’assises de Paris. 4 des 5 experts français du SBS étaient présents. Pour  eux, il n’est pas possible qu’ils aient pu commettre une erreur et ils ont affirmé ensemble à la barre que ce dossier était un « cas d’école du bébé secoué ». L’avocat général, Philippe Courroye, a requis 7 ans de prison ferme, mais les jurés ne l’ont pas suivi et Alexandre a été acquitté. Pour le jury unanime, il n’a pas secoué son enfant.

"Jusqu'à l'appel", un film de Anne Hirsh et Arnaud Mansir ©France 3 PIDF

Mais le combat ne s’est pas achevé ce jour-là car l’avocat général a fait appel du jugement. Alexandre Chacòn a ainsi dû comparaître à nouveau, du 15 au 19 novembre 2021 à Melun, devant la cour d’assises de Seine-et-Marne. Innocenté une première fois, Alexandre Chacòn s'est à nouveau trouvé dans la peau d’un présumé coupable.

Une histoire singulière

Le film « jusqu’à l’appel » suit les doutes et les crises durant toute la préparation de ce deuxième procès. On y voit Alexandre et Yoanna tenter de gérer l’extraordinaire pression qui pèse sur leurs épaules depuis bientôt dix ans, tout en faisant bonne figure devant leurs deux petites filles. On y voit également la machine judiciaire à l’œuvre devant un individu qui tente de faire face et de prouver son innocence. Comme le disent les deux réalisateurs, « La protection de l’enfance est une priorité, ça ne se discute pas. La justice est impitoyable avec ceux qui violentent un enfant, ça ne se discute pas non plus. ce film ne vise pas à remettre  en question cette politique mais de pointer, à travers une histoire singulière, la marge d’erreur de cette justice qui condamne chaque année des centaines de familles, sur la base de signalements de maltraitance parfois peu fiables »

Jusqu'à l'Appel , jeudi soir à 23h05 sur France 3 Paris Île-de-France dans la case "La France en vrai", puis sur france.tv. 

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