Gilets jaunes, mouvement contre la réforme des retraites... lors de ces nombreuses manifestations, l'usage par les forces de l'ordre de lanceurs de balle de défense (LBD), de grenades assourdissantes ou de désencerclement a blessé des centaines de personnes. L'association, qui promeut les droits de l'homme, a lancé à Paris une campagne pour obtenir leur interdiction. Entretien avec Jean-Claude Samouiller, président d'Amnesty International France.
Quel est le point de départ de cette campagne d'affichage?
Elle s'inscrit dans une campagne mondiale d'Amnesty International sur le droit de manifester. Nous nous battons en particulier sur la déclaration universelle des droits de l'homme et nous considérons que le droit de manifester est le socle de tous les autres car il permet de revendiquer tous les autres. Or, ce droit se réduit partout dans le monde. Nous dénonçons aussi le recours disproportionné à la violence policière et au recours d'armes qui peuvent entraîner des dommages corporels très importants comme des mutilations, des éborgnages voire des décès. Un des points majeurs de notre campagne est d'obtenir la réglementation au niveau international de la fabrication, du commerce et de l'usage de ces armes dites à létalité réduite de façon à ce que l'usage de ces armes soit conforme au respect des droits humains. Nous aimerions obtenir un traité international à l'Assemblée générale des Nations-Unies au printemps 2024, d'où cette campagne qui s'accompagne d'une pétition. L'objectif est de réunir un million de signatures dont 100 000 en France. On en est déjà à 80 000.
À quelles armes pensez-vous?
Il y a l'utilisation du gaz lacrymogène, des matraques et toutes les armes du maintien de l'ordre mais en particulier le LBD 40, les grenades de désencerclement et les grenades assourdissantes qui sont considérées comme des armes de guerre et qui sont utilisées dans le maintien de l'ordre notamment en France. Nous demandons en France l'interdiction des grenades assourdissantes et des grenades de désencerclement car elles envoient des pelotes dans tous les sens et peuvent donc impacter des manifestants pacifiques. Elles ne sont pas assez précises et nous demandons également en France la suspension des LBD 40 tant qu'une enquête approfondie ne sera menée auprès du fabricant et des forces de l'ordre qui les utilisent sur l'impact corporel qu'il peut entraîner sur les personnes.
" Plus il y a de recours à ces armes plus cela dissuade les gens de venir manifester. "
Jean-Claude Samouiller, président d'Amnesty International France
Le recours à la force, aux grenades et aux LBD blessent des gens, parfois les tuent et il y a également un effet indirect : plus il y a de recours à ces armes plus cela dissuade les gens de venir manifester. Depuis les gilets jaunes ou les manifestations contre la réforme des retraites certains disent " moi je ne vais plus manifester car il y a trop de violence, ou alors je ne viens plus avec mes enfants." Cela dissuade les gens d'utiliser leur droit de manifester pacifiquement et nous condamnons cela.
"Le cortège partira à 14h et deviendra funèbre à 16h", "aujourd'hui tout coûte un bras, sauf manifester qui coûte aussi un oeil" : le choix des mots est fort de la part d'Amnesty International.
Les slogans sont faits pour interpeller l'opinion publique. Depuis 60 ans, Amnesty International fait levier sur l'opinion publique pour essayer de faire bouger les lignes pour le respect des droits humains. Le titre de la campagne est "Manifester coûte un oeil", c'est fort mais c'est réél donc on assume complétement. Dans la déclaration universelle des droits de l'homme, les Etats reconnaissent à chaque être humain une trentaine de droits civils et politiques (droit d'expression, de manifestation, de religion etc...) et des droits économiques, sociaux et culturels (droit d'avoir un logement digne, à la santé, à l'éducation...) et tous ces droits ne vont pas tomber du ciel. Il faut que les gens revendiquent et c'est pourquoi le droit d'expression et le droit de manifester sont si importants.