Maquillage outrancier, faux-cils longs comme des ponts suspendus, robes longues et moulantes avec strass et paillettes… l'image de la Drag queen est bien implantée dans l’esprit du grand public. Le documentaire "Minima et les drags" en dévoile la facette engagée et militante...
Le personnage principal du film, c’est Arthur. Un trentenaire originaire du sud de la France, ingénieur en colorimétrie le jour et qui, tel un super-héros à l’identité mystérieuse, se transforme le soir en Minima Gesté.
Minima Gesté (Mini majesté…) est née il y a cinq ans. Elle est exubérante, aime faire rire, déborde d’énergie et d’enthousiasme. Arthur se sert de cet alias pour défendre ses idées, ses convictions, et sensibiliser son public fidèle qui le suit tous les dimanches soir au Bingo Drag à la Villette à Paris. Une étonnante loterie où les prix sont des extensions de cheveux, des peluches, un dictionnaire ou une lumière pour cuvette de WC… Bien sûr, le public ne vient pas là pour gagner mais pour assister au spectacle de Minima. Il se presse aussi pour s’offrir un moment hors du temps et des réalités, un moment, pendant lequel chacun est accepté tel qu’il est, sans jugements ni préjugés.
Militer par l'extravagance
Mais l’extravertie Minima ne se résume pas à ce bingo et à son public conquis et convaincu d’avance. Elle n’hésite pas à aller sur d’autres terrains, moins attendus, dans d’autres coins de France pour des soirées et thés dansants qui mélangent la politique et le festif. Des shows dans des petites salles, à base de chorégraphies et de lip sync (chanson en playback) qui permettent de militer en douceur et avec humour pour la bienveillance et l’acceptation des différences.
Le mouvement Drag possède déjà un impressionnant passé militant avec notamment la création de la marche des fiertés (ex gay pride). Aujourd’hui les combats sont différents mais toujours aussi forts : accueil des migrants, protection des prostituées, lutte contre le sida et soutien aux personnes LGBTQ+ bien entendu. Cette communauté (dont les membres sont majoritairement âgés de 25 à 35 ans) est composée d'ingénieurs, de médecins, d'informaticiens... des citoyens parfaitement intégrés professionnellement et socialement dont Arthur est un représentant exemplaire : un homme sincère, authentique, engagé avec ferveur dans l’action pour rendre la société meilleure.
Un « type bien », tout simplement…
TROIS QUESTIONS AU RÉALISATEUR ANTOINE DABIN
-Qu’est ce qui vous a donné l’idée de ce film ?
Ma curiosité pour l’univers des Drag Queens a débuté lorsque j’ai vu le documentaire The death and life of Marsha P Johnson. Il s’agit du portrait d’une drag queen et trans assassinée à New-York dans les années 90. On y découvre les destins tragiques de Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, connues pour leur engagement lors des émeutes de Stonewall, dans les années 70 comme pour leur rôle essentiel dans les luttes LGBTQ+. Étant moi-même homosexuel, je me suis rendu compte que je devais beaucoup aux combats de ces femmes et de ces hommes.
-Votre perception du « phénomène » drag a-t-il changé depuis ce film ?
Pendant plusieurs années, je pensais que les hommes efféminés et les drags desservaient la cause des homosexuels, qu’ils creusaient le fossé entre les hétérosexuels et les homosexuels et en donnaient une mauvaise image. Puis, au fil des rencontres, sans doute aussi en gagnant en maturité, je me suis rendu compte que je faisais une grosse erreur. Si je suis accepté et si je peux vivre aujourd’hui sans me cacher, c’est que les « efféminés », les drags et les trans se sont battus pour mes droits...
-Comment avez-vous découvert Minima ?
Des amis m’avaient parlé du Bingo Drag animé par une certaine Minima Gesté, tous les dimanches au café « à la Folie » à la Villette. Je suis allé y faire un tour et j’ai découvert cette Minima Gesté qui anime trois heures durant le bingo, ponctué de blagues, de messages militants et d’un lipsync. Minima est drôle, généreuse et hypnotique. J’y suis retourné deux semaines plus tard et à nouveau le même ressenti. A la fin du Bingo, je suis allé la voir pour lui parler de mon idée de documentaire. Quelques jours plus tard, j’ai rencontré Arthur, l’autre face de Minima Gesté. Ce fut une sorte de seconde rencontre. Au fil de notre conversation, j’ai décelé chez lui une vraie lucidité sur l’art drag et son ADN : le militantisme. Arthur est très actif pour les causes des migrants, des « putes », pour la lutte contre le Sida. Minima Gesté est la continuité d’Arthur. Elle lui permet de s’exprimer et surtout d’être écoutée.
"Minima et les drags", un film d'Antoine Dabin, jeudi 19 mai à 23 heures, puis sur France.tv