Véronique Fournier n'a pas sa langue dans sa poche. Cofondatrice du Cnav (Conseil national autoproclamé de la vieillesse), elle compte parmi l'équipe organisatrice du premier contre-salon des vielles et des vieux qui débute demain et jusqu'à dimanche à la Halle des Blancs Manteaux à Paris. Vie affective et intime, mort, habitat, débat sur une possible loi grand âge.. Les sujets ne manquent pas.
Véronique Fournier, quelle est l'origine de ce contre-salon des vielles et des vieux?
C'est une création du Cnav (Conseil national autoproclamé de la vieillesse) lui-même né en décembre 2021 à l'occasion d'une soirée de la réflexion sur la loi grand âge promise par plusieurs présidents de la République mais qui n'avait jamais vu le jour. On se demandait pourquoi et on s'est aperçu que les vieux n'intéressaient pas grand monde et que la politique de la vieillesse était pensée par des gens qui ne savaient pas ce qu'être vieux voulait dire. Nous avons décidé d'occuper le terrain, de nous regrouper en collectif et d'apporter une parole différente de ce qu'entend la société aujourd'hui.
Vous utilisez le mot vieux alors que généralement c'est le mot sénior qui est employé. Pour quelle raison?
Nous sommes pour les mots qui fâchent. C'est pour cette raison que nous nous appelons des vielles et des vieux, c'est pour ça aussi que nous faisons un contre-salon et non pas un salon. Nous aimons la provocation et nous le revendiquons. Soit on est marginalisé parce qu'on énerve trop, soit cela interroge les gens et ils viennent nous voir. Je n'aime pas du tout ce mot "sénior". Je préfère encore celui de personne âgée, personne vieille ou vieillissante. On ne dit pas des jeunes qu'ils sont des "juniors" dans la société. Comme on dit les jeunes on peut bien dire les vieux. Je ne comprends pas pourquoi on veut absolument euphémiser ce genre de terme.
En quoi votre rendez-vous dénote avec les habituels salons dédiés au 3ème âge?
Les salons des séniors existent depuis des années partout en France et en général des exposants proposent des trucs pour les vieux et ce n’est pas ragoûtant : des couches, des petits pots hyperprotéinés, des doudous pour nous tenir compagnie quand on est trop seul, des espèces de monstres connectés qui appellent les pompiers quand on tombe... Nous disons-nous que la vieillesse ce n'est pas que ça : c'est aussi une période de vie qui vaut la peine d'être vécue et qu'il faut apprendre à préparer pour savoir comment on peut habiter, comment on peut continuer à aller voir des expositions ou au cinéma, comment on peut continuer à se transporter alors qu'on marche un peu moins bien.
"On s'est aperçu que les vieux n'intéressaient pas grand monde et que la politique de la vieillesse était pensée par des gens qui ne savaient pas ce qu'être vieux voulait dire."
Véronique Fournier, cofondatrice du Cnav
La vieillesse commence à quel âge selon vous?
La société nous renvoie l'image qu'on est vieux quand on arrive à l'âge de la retraite : 65 ans. À partir de ce moment-là on n'est plus intéressant, plus "bankable" et les gens considèrent que ce n'est pas la peine de tenir compte de nous car nous ne sommes plus une force vive de la nation. Nous disons-nous qu'on peut être une force vive jusque très très tard dans la vie et même au-delà de 90 ans sur de nombreux aspects qu'il serait utile à entendre pour la société.
Quels sont les temps forts de ce contre-salon ?
Il va y avoir plusieurs centaines de vielles et de vieux et c'est la première fois qu'on leur dit "venez discutez d'autres choses que d'une politique qui vous protège en tant que personne vulnérable". Et ils ont plein de choses à dire. Au-delà des ateliers et des plénières, les moments creux vont aussi être intéressantes quand les gens vont se rencontrer et qu'ils vont se rendre compte que plein de gens pensent comme eux. Ce qui me semble important est qu'il faut que nous acceptions de nous dire vielles et vieux. Tant qu'on ne dira pas que nous comptons pour la société, personne ne nous entendra. On est toujours le vieux de quelqu'un. À force de dire c'est l'autre qui est vieux mais pas moi, il y a peu de chance que les gens considèrent que c'est un moment important de la vie.