Face à la situation de certains hôpitaux de l'AP-HP, plusieurs chefs de services et professionnels de santé de la région tirent la sonnette d'alarme.
Fermeture de lits, manque de personnels, services en difficulté, suspension de contrats, retard des soins, surcharge de travail, pressions sur les soignants… le syndicat de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (APHP), l’USAP-CGT, alerte sur les nombreux maux rencontrés au sein de des hôpitaux dans la région. Dans un communiqué daté du 29 octobre, il explique qu'"actuellement, à l’AP-HP, les documents officiels affichent 3566 au compteur pour le nombre de lits fermés en 2021 soit 18% des lits, contre 1694 lits en 2019". Il pointe également du doigt les chiffres "impressionnants" des postes vacants au sein de l’AP-HP.
On est dans une spirale infernale.
Le communiqué de l’USAP-CGT rappelle toutefois que la problématique du manque de lits et de personnels ne date pas d'aujourd'hui. "On est dans une spirale infernale. Si l’hôpital est encore debout, ce n’est que grâce à la conscience professionnelle de ceux qui y travaillent", explique Olivier Camas, responsable de l’USP-CGT et aide-soignant de profession. Dans ce contexte, le syndicat organise ce jeudi 4 novembre 2021, à 10h30, une conférence de presse au sein de la Bourse du travail (dans le Xe arrondissement) dans la salle Eugène Potier.
"1074 postes" d’infirmier(e)s vacants
Contacté par France 3 Paris Île-de-France, l’AP-HP indique qu’au mois de septembre 2021, "19% des lits étaient fermés au sein des 39 hôpitaux de l’AP-HP. La situation au 21 octobre était plutôt autour de 14% de lits fermés dans les services de médecine, de chirurgie et d’obstétrique".
L’institution affirme que ces lits sont fermés "essentiellement par manque de personnels (postes vacants ou arrêts maladie), mais aussi, comme c’est le cas chaque année, en raison de travaux", et précise par ailleurs que la tension se concentre sur le personnel infirmier, avec un nombre "très insuffisant de candidats sur le marché du travail pour répondre à nos besoins et remplacer les départs. La semaine du 11 octobre 2021, 1074 postes d’infirmiers et infirmières diplômés d’État (IDE) étaient vacants, soit plus du double par rapport à septembre 2020".
"A Bichat, c'est la Bérézina"
Cette pénurie de personnel touche tous les services. Des médecins hospitaliers, chefs de service et responsables d’unités neurovasculaires (UNV), usagers, membres d’associations de patients ont alerté mardi 2 novembre 2021 dans une tribune du Monde qu’un tiers des lits des unités neurovasculaires (UNV) de Paris était fermé. L’un des signataires de cette tribune est le professeur Pierre Amarenco, chef du service neurologie de l’hôpital Bichat, dans le XVIIIe arrondissement. Il ne cache pas son inquiétude et dénonce une situation "catastrophique d’accès aux soins". "Mon service compte 28 lits et 24 infirmières. Sur les 28 lits, 4 sont ouverts à l’heure actuelle. Et sur les 24 infirmières, 6 sont présentes (…) c’est une catastrophe", nous confie-t-il.
Il raconte que ces trois dernières années, il y a eu des départs d’infirmières qui ont été compensés par d’autres arrivées, mais que l'été 2021 a changé la donne. "On a eu à fermer douze lits en plus de six auparavant", ajoute-t-il. "Il y a aujourd’hui aucun CV qui arrive à l’hôpital. Zéro. Sur les 950 infirmières qui sont sorties de l’école au mois de juillet dernier, seules 50% ont pris un poste dans le public", regrette-t-il. "A Bichat, c'est la Bérézina. C'est une catastrophe, il y a des lits fermés dans tous les services (...) et Lariboisière est dans le même état que nous. Il ne fait pas bon avoir un AVC sur Paris en ce moment", dit-il.
Sur les 950 infirmières qui sont sorties de l’école au mois de juillet dernier, seules 50% ont pris un poste dans le public.
Autre exemple au sein du service d'hépatologie pédiatrique du Centre hospitalier universitaire Bicêtre (Val-de-Marne). La semaine dernière, le Collectif Inter-Hôpitaux tirait le signal d'alarme face à une situation préoccupante dans ce secteur où "des enfants en situation d'urgence ne peuvent plus être pris en charge par les services compétents". "Les difficultés que nous rencontrons actuellement sont totalement inédites", déclarait alors Oanez Ackermann du service d'hépatologie pédiatrique de ce CHU dont 10 lits sur 24 sont fermés. "C'est du tri", martelais Véronique Hentgen, pédiatre au Centre hospitalier de Versailles, évoquant le report d'une chirurgie pour une infection ganglionnaire. Le terme de "tri" avait dans la foulée été contesté par la ministre déléguée à l'Autonomie, Brigitte Bourguignon. Reconnaissant qu’il y avait "des tensions", elle a ajouté qu'"il est hors de question de ne pas prendre un enfant en urgence vitale".