Urbanisation, institutions, vie de tous les jours… le règne de Napoléon en tant que Premier consul et Empereur a marqué l'histoire de capitale et de la région Île-de-France.
C’était il y a deux-cents ans. Dans l’après-midi du 5 mai 1821, à 17h49. L’empereur Napoléon 1er, alors âgé de 51 ans, s’éteignait sur l’île de Sainte-Hélène. Près de vingt ans plus tard, en 1840, son corps était rapatrié à Paris. Il repose depuis sous le dôme des Invalides, près de la Seine, conformément à ses dernières volontés édictées en avril 1821. "Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine au milieu de ce peuple français que j'ai tant aimé."
Celui que l’on surnommait le "petit caporal" a d’abord gouverné en tant que Premier consul (1799-1804) puis Empereur des Français (1804-1815, y compris la période des Cent jours). Il aura marqué à jamais Paris et la région Île-de-France de son emprunte.
Paris, la "capitale de l’univers"
L’Urbanisme d’abord. Napoléon 1er a œuvré à une transformation physique conséquente de la capitale. Il a toujours rêvé Paris comme une nouvelle Rome. "Napoléon résume son ambition dans le Mémorial de Sainte-Hélène, en une phrase grandiloquente : ‘faire de Paris la capitale de l'univers’", nous confie Charles-Eloi Vial, historien, conservateur à la Bibliothèque nationale de France et auteur de Napoléon : La certitude et l’ambition (Éditions Perrin).
"Il se fixe plusieurs objectifs : le premier est d'améliorer le quotidien des Parisiens par la construction de nouvelles artères (…) des marchés, des ponts, des hôpitaux, des fontaines. Le deuxième est de rendre à Paris son statut de capitale européenne, d'en faire un lieu incontournable pour la vie mondaine et intellectuelle. Enfin, Paris doit refléter sa gloire [celle de Napoléon, ndlr]", explique-t-il. Des investissements, de l’ordre de dizaines de millions de francs, sont ainsi effectués. Ces travaux "contentent" les ouvriers parisiens qui sont employés sur les chantiers ordonnés par l'empereur, "ce qui lui permet d'accroître sa popularité", poursuit l’historien.
Monuments, institutions, infrastructures
La liste des constructions napoléoniennes est longue. Parmi les éléments les plus emblématiques de la période (et qui sont encore debout aujourd'hui) : les Arcs de Triomphe de la place de l’Etoile et du carrousel du Louvre, l’obélisque de Louxor de la place de la Concorde, l’église de la Madeleine, la fontaine du Palmier à Châtelet, le palais de la Bourse, ou encore le célèbre Pont des arts. Celui-ci est par ailleurs le premier pont en métal de Paris. L'empereur a également eu l'idée de mettre en place le système de numérotation des immeubles.
Au niveau législatif, son héritage le plus marquant reste la création du Code civil, élaboré dès 1804. Au niveau des institutions, on lui doit notamment le Conseil d’État, la Cour des Comptes, la Banque de France, les inspecteurs des Finances et du Trésor, ainsi que les préfets. Quant à la vie de tous les jours, on retrouve les lycées, le baccalauréat ou encore la Légion d’honneur.
En Île-de-France
Paris n’est pas seule à avoir profité des innovations urbaines de Napoléon. La région Île-de-France y a également eu droit. Et comment évoquer l’histoire et l'héritage de l’Ajaccien sans parler du château de la Malmaison – dans les Hauts-de-Seine – acheté à sa femme, l’impératrice Joséphine de Beauharnais. Certes le bâtiment existait bien avant, mais il doit en grande partie sa notoriété à l’empereur et son épouse.
Figure aussi le Bois-Préau : ce large espace vert de 17 hectares qui appartenait au domaine de Malmaison. La statue de Joséphine y trône fièrement, comme pour rappeler que Napoléon avait offert ce domaine à sa femme.
La Seine-et-Marne et les Yvelines ont également eu droit à leur emprunte napoléonienne, notamment via la rénovation et la réhabilitation des châteaux de Rambouillet et de Fontainebleau.
Napoléon 1er, absent à Paris…
Paris rend hommage aux batailles napoléoniennes, et à l'armée qui les a livrées. Les avenues de Wagram, d’Iéna, de Friedland, et celle de la Grande armée partent de la place de l’Étoile. L’avenue d’Eylau du Trocadéro. Austerlitz a été attribuée à la gare et au pont dans le sud-est parisien. Figure aussi la rue de la Moskova, du nom de l’une des batailles de la campagne de Russie (1812). Les maréchaux – comme Ney, Lannes, Cambronne, Davout, Soult, Masséna ou encore Murat – ayant servi aux côtés de Napoléon 1er ont également droit à leur plaque dans Paris.
Cependant, l’immensité de l’héritage napoléonien dans la capitale contraste avec l’hommage que celle-ci lui rend. Napoléon 1er n’a son nom aucune des artères ou places de la capitale en tant qu’empereur. Il y a bien les Invalides, abritant une statue de lui et son cercueil, ainsi qu’une rue Bonaparte dans le quartier de Saint-Germain des Prés (Vème arrondissement de Paris). Mais pas de "Napoléon 1er". "Napoléon est sans doute le plus parisien de nos souverains, et la rue Bonaparte, qui traverse les quartiers du VIe arrondissement où il a vécu dans sa jeunesse et rappelle le souvenir où il n'était qu'un Parisien parmi d'autres, est sans doute un souvenir suffisant", rappelle Charles-Eloi Vial. Il y a pourtant une place au nom de son neveu Napoléon III – bordant la gare du nord (Xème arrondissement).
…mais présent en région
Il faut sortir de Paris pour trouver des artères rendant hommage à l'empereur. Direction les Hauts-de-Seine pour trouver cela. Bien que Rueil-Malmaison contienne une avenue Napoléon Bonaparte, celle-ci ne fait pas allusion à l'empereur mais au personnage. Mais le département possède aussi une place Napoléon 1er, dans la commune de Courbevoie. Le nom de règne de l’empereur figure également sur un boulevard dans la commune de l’Isle-Adam (Val-d’Oise) et sur une rue de la commune du Bourget (Seine-Saint-Denis).
Ainsi, à Paris, Napoléon 1er est ainsi à la fois partout, par son héritage, et nulle part, par l’absence de sa personne. Un phénomène ancien. "Depuis 150 ans et la troisième république, les républicains ont tout fait pour gommer l’héritage napoléonien et impérial. C’est difficile de justifier le fait que tous les fondements de la République, et tous les plus beaux bâtiments ont été construits par les deux Napoléons", raconte Dimitri Casali, historien et essayiste, insistant sur le fait que ces derniers étaient "empereurs, et non républicains (…) même s’il y avait beaucoup d’ambiguïté entre le régime impérial de Napoléon et la République puisque l’empereur a défendu les acquis de la Révolution".
Sachant qu’à l’époque napoléonienne, quasiment toutes les grandes artères de la capitale portaient un nom renvoyant à l’empereur. "Au départ de l'Arc de Triomphe, vous aviez une avenue Napoléon, une avenue du Prince impérial, avenue de l’impératrice…", poursuit M. Casali. Tout cela a été débaptisé. "Napoléon n'a peut-être pas besoin d'avoir une avenue à son nom pour que l'on se souvienne de lui, concède M. Vial. Contrairement à d'autres personnages de son époque. Il est déjà omniprésent dans Paris, par les grands et les petits monuments qu'il a fait construire, restaurer ou embellir".