Covid-19 : des familles se regroupent pour porter plainte contre des maisons de retraite

Depuis le début de la crise du coronavirus, plus de 10 000 personnes ont perdu la vie dans les Ehpad. Des familles portent plainte pour dénoncer le manque de transparence pendant la crise sanitaire. Et plusieurs avocats plaident pour le regroupement de ces procédures.
 

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Depuis le début de la crise sanitaire, Sabrina Deliry ne décolère pas. Au début du mois d’avril, elle avait mené une grève de la faim devant l’Ehpad où vit sa mère, dans le XVe arrondissement de Paris. Une action pour dénoncer l’interdiction des visites. Mais cela n’a pas permis d’éviter ce drame des plus de 10 000 morts dans les maisons de retraite. "On a interdit les visites aux familles alors que sur place personne ne portait de protections. Très vite, j’ai alerté aussi bien le gouvernement que les agences régionales de santé ainsi que la Ville de Paris. On m’a confirmé : "Oui, c’est normal. Pas de port de masques en Ehpad, tant qu’il n’y a pas de Covid !" J’ai alors tiré la sonnette d’alarme sur les cas asymptomatiques. Personne ne m’a répondu sur les questions qui fâchent, qui gênent. Et bien évidemment le Covid est rentré dans l’Ehpad, comme il est rentré dans la totalité des Ehpad de Paris."

La mère de Sabrina a échappé au virus. Mais dans son établissement, tous n’ont pas eu cette chance. Il y a eu un décès suspect, début mars, avant le confinement. Une dame morte d’une infection pulmonaire mais qui n’a pas été testée, ni à l’Ehpad, ni à l’hôpital. "Un cluster de plusieurs résidents qui ont attrapé le Covid est apparu juste autour de la chambre de cette dame. Derrière, pas de réponse de la direction, ni de l’ARS, ni de la Ville de Paris, ni évidemment du gouvernement. Le mensonge, il est là. La mise en danger est là depuis le début. Nous on veut savoir pourquoi et qui a pris ces décisions criminelles."
 

"On nous a volé les derniers instants avec nos proches"

Pour identifier les responsables, Sabrina Deliry a pris le conseil d’un avocat. Avec d’autres familles, elle souhaite enclencher une action collective. Olivia Mokiejewski, elle, a déjà porté plainte notamment pour non-assistance à personnes en danger et homicide involontaire. Sa grand-mère est décédée au mois d’avril du Covid-19 dans un Ehpad de Clamart. Comme Sabrina, elle dénonce l’omerta de certaines directions d’établissement. "Les familles sont aujourd’hui extrêmement choquées car elles ont l’impression qu’on leur a volé les derniers instants avec leurs proches. On n’a pas été au courant de leur état de santé. Personne ne nous a dit qu’ils étaient malades. On nous a juste appelé au dernier moment, quand c’était trop tard. Il y a beaucoup d’établissements qui ont nié le fait qu’il y avait des cas de Covid dans leurs établissements, qui ont nié le fait qu’il y avait des salariés qui étaient touchés. Pourquoi on nous a caché tout ça ? Samedi, j’ai été chercher les affaires de ma grand-mère dans l’Ehpad dans lequel elle était à Clamart. Personne ne m’a dit le nombre de morts. J’ai simplement constaté que l’étage où elle était, était quasiment vide. Donc où sont ces personnes aujourd’hui ? Est-ce qu’elles sont hospitalisées ? Est-ce qu’elles sont mortes ? Il n’y a pas de transparence."
 

Olivia Mokiejewski a monté le collectif 9471, en référence au nombre de morts recensés dans les maisons de retraite le 5 mai 2020, jour de la création de l’association. Elle réunit déjà une centaine de familles victimes. 

Combien d’entre-elles ont porté plainte ? Il n’y a pas de chiffre pour le moment. Mais trois parquets distincts (Grasse, Nanterre, Paris) ont ouvert depuis fin mars des enquêtes, notamment pour "mise en danger de la vie d’autrui". En Île-de-France, les enquêtes ouvertes par le parquet de Nanterre visent des établissements à Chaville, Clamart et Clichy-la-Garenne. Elles concernent les décès d’un homme de 80 ans et de trois femmes âgées de 89 à 96 ans survenus entre le 25 mars et le 12 avril 2020.

 
Concernant les enquêtes ouvertes à Paris, les plaintes mettent en cause la gestion de la crise sanitaire dans une résidence pour personnes âgées située dans le XIIe arrondissement, ainsi qu'un Ehpad basé dans le IXe arrondissement.

"Les familles se heurtent au mur du mensonge"

Autant de procédures isolées que plusieurs avocats voudraient regrouper. "Il y a eu pour le moment 28 000 morts recensés par les autorités en France lié au Covid. Et plus de la moitié, 14 061 pour le moment, sont morts dans les Ehpad. C’est un chiffre qui est hallucinant et effrayant car il est unique en Europe. Il y a un problème visiblement et il faut que toute la lumière soit faite sur ce problème. Or les familles se heurtent à un mur du silence et même un mur du mensonge. Le seul moyen pour briser ce mur, c’est de faire appel à la justice pénale qui a les moyens d’enquêter en tous lieux et faire sortir la vérité, explique Maître Christophe Lègue-Vaques. Aujourd’hui, il y a plusieurs juridictions qui sont saisies. Il risque d’y avoir plusieurs enquêtes parallèles qui ne se recoupent pas. Sauf qu’il existe une disposition du code de procédure pénale qui permet de regrouper en une seule juridiction et si possible un pôle santé une enquête unique pour toute la France. Ça a été le cas dans les dossiers PIP ou Levothyrox​​​​​​​ et ça a un gros avantage : d’abord les magistrats sont spécialisés et ils ont à côté d’eux des spécialistes, des médecins, des pharmaciens qui peuvent leur permettre de comprendre les questions techniques qui leur sont posées." Cet avocat a décidé d’interpeller la garde des Sceaux Nicole Belloubet, pour que des enquêtes soient rapidement diligentées. 

Contactée, l’association des directeurs au service des personnes âgées estime de son côté avoir suivi le protocole sanitaire décidé par les autorités. Et renvoie également au manque cruel d’effectifs dans les Ehpad.
 
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