Procès en diffamation contre des blogueurs à Aulnay-sous-Bois

Trois blogueurs aulnaysiens sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour diffamation publique à l’encontre d’un cadre de la mairie. Ils dénoncent une procédure bâillon.

Quelle est la limite à la liberté d’expression dans une démocratie locale ? En pleine semaine du baccalauréat, la question aurait pu être soumise aux élèves de terminale… Elle sera tranchée par les magistrats du tribunal judiciaire de Bobigny aujourd’hui. Les trois codirecteurs du blog Monaulnay.com, Hervé Suaudeau, Jean-Louis Karkides et Jean-Marc Engelvin sont renvoyés en correctionnelle pour le délit de diffamation publique à l’encontre de Naguib Ben Larbi.

Inconnu du grand public, Nagib Ben Larbi, 54 ans, traîne dans sa ville une réputation sulfureuse de "maire officieux", "aux pratiques douteuses". L'homme qui se prévaut d’une carrière de policier, s'est vu catapulter directeur adjoint de cabinet du maire d’Aulnay en mars 2014 et conseiller technique au sein de Paris Terre d’Envol, deux collectivités dirigées par Bruno Beschizza (LR).

"Des enquêtes" et "une plainte"

L’objet de son courroux tient dans des allégations portées dans un article. L’auteur, Hervé Suaudeau, s’est fait l’écho d’une lettre ouverte adressée par un opposant local, Hadama Traoré, aux élus d’Aulnay-Sous-Bois et du département, ainsi qu’au préfet. Il y relate l’ouverture « d’enquêtes » sur des soupçons de trafic d’influence dans l’attribution de HLM de la ville, de prise illégale d’intérêt concernant une cession immobilière et d'une "plainte" pour violences et séquestration.

" Mon client est accusé de corruption par ce site. D’où sortent-ils ces infos ? Se sont-ils fait rouler ? Sont-ils de mauvaise foi ? À ma connaissance, il n’y a aucune plainte ... Ce site internet est un média d’opposition. Il n’est pas neutre, il est très critique. Les membres de ce site se sont présentés contre Monsieur Beschizza"

Maître Philippe Honegger, avocat de Naguib Benlarbi.

Avec lassitude, Hervé Suaudeau s’est préparé à cette énième joute judiciaire. "Je ne suis pas là pour gagner des élections. Mon but, c’est que les informations soient transmises à un niveau local. Pour qu’il y ait démocratie, il faut de la transparence ! La presse régionale ne vient chez nous qu’à titre très ponctuel. On a besoin d'un média pluraliste comme le nôtre".

Procédures baillons ?

Contributeur du site depuis plus de 15 ans, cet ingénieur informaticien plaidera la bonne foi. Avec ses camarades, il affirme être victime "d’un harcèlement judiciaire de la part de la mairie". Depuis 2017, Hervé Suaudeau a dû faire face à 5 procès. Il a été relaxé en première instance à trois reprises, et une fois en appel. Une des plaintes a été retirée la veille du procès. Cette bataille judiciaire a un coût humain et financier : 18 000 euros de frais d’avocat engagés, selon lui. Une note bien salée pour continuer à faire vivre un site qui draine 2 000 personnes !

« Un procès ne leur coûte rien en argent et ça fait taire l’opposition. Il n’y a que la justice qui peut les arrêter. Il faut être kamikaze comme moi pour continuer ! Je ne veux pas qu’un système mafieux se développe dans ma ville ».

Hervé Suaudeau, codirecteur du site Monaulnay.com

Sur le fond, ces enquêtes et cette plainte existent-elles ? Au terme de multiples demandes depuis deux ans et d’incessantes relances ces trois derniers jours, le parquet de Bobigny n’a pas répondu à nos demandes d’information. Le journaliste Thomas Poupeau qui avait révélé l’affaire du Château dans les colonnes du Parisien, sur la prise illégale d’intérêt, a été relaxé au début du mois. Naguib Ben Larbi n’a pas fait appel de la décision.

Quant à la plainte pour séquestration, nous avons pu consulter le procès-verbal en date du 6 mars 2020 d’un ancien agent de la collectivité à l’encontre de Naguib Ben Larbi. Aucun élément ne nous permet de déterminer si cette plainte a entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire.

16 procès perdus par la mairie

À Aulnay-sous-Bois, cette débauche de plainte en diffamation agace. La mairie a été déboutée à 16 reprises lors de procès en diffamation face à des opposants et des blogueurs depuis 2014, selon l’opposition municipale. Des procès dont les honoraires pourraient être réglés par les finances municipales, grâce à l'octroi de la protection fonctionnelle. À la question de savoir si Naguib Ben Larbi bénéficie de la protection fonctionnelle, Maître Honegger élude : « Ce n’est pas moi qui regarde qui paye », se défend-il gêné. En mairie, l'opposition dénonce un manque de transparence.

« On a demandé à plusieurs reprises d’avoir les comptes. Le maire a refusé. Il n’a pas le droit. Les honoraires et l’argent engagé doivent être connus de tous les aulnaysiens. Il faut que Bruno Beschizza cesse de croire que les finances publiques sont le prolongement de son portefeuille. »

Oussouf Siby, conseiller municipal d'opposition PS

Le bras de fer entre Hervé Suaudeau et le maire Bruno Beschizza se poursuit. Il y a quelques jours, le blogueur a fait parvenir au maire une plainte pour dénonciation calomnieuse.

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