Dans le Ve arrondissement de Paris, l’Institut Curie, centre de cancérologie, souhaite s’agrandir. Pour cela, deux édifices seront démolis et un immeuble de sept étages prendra leur place. Une décision contestée par plusieurs défenseurs du patrimoine, tant au sein d’instances officielles que sur les réseaux sociaux.
"Faisons en sorte de préserver ce site historique qui était le rêve de l’une de nos plus illustres concitoyennes." C’est par ce tweet que Baptiste Gianeselli, parisien passionné d’histoire et de patrimoine, a lancé l’alerte.
Ce qui l’inquiète, c’est la destruction d’une petite villa en pierres beiges édifiée en 1914, située dans la rue d’Ulm (Ve arrondissement), où Marie Curie, prix Nobel de physique et de chimie, travaillait.
Le Pavillon des Sources -c’est son nom- servait de lieu de stockage et à la purification des matières radioactives utilisées par la physicienne pour mener ses recherches scientifiques. Il constitue le grand ensemble de l’Institut Curie avec le Pavillon Pasteur et le Pavillon Curie.
Mais le 24 mars 2023, la Ville de Paris a délivré le permis de démolir cet édifice.
"Ce bâtiment fait partie intégrante de l’Institut Curie. Son architecture est plutôt modeste, mais un monument historique ne l’est pas uniquement pour sa valeur architecturale. Là, c’est l’héritage de Marie Curie, c’est un pan de l’histoire scientifique. La mémoire est à la fois immatérielle et aussi inscrite dans la pierre", ajoute Baptiste Gianeselli. Selon lui, le jardin attenant, imaginé en partie par Marie Curie où elle y a fait planter des tilleuls, est aussi menacé.
Non loin de là dans la rue Gay Lussac, un second bâtiment au style Art Déco en briques rouges, faisant aussi partie du site de l’Institut Curie, est également menacé.
La destruction de ces lieux va ainsi permettre l’agrandissement du campus Pierre et Marie Curie Val-de-Grâce. Selon le permis de construire délivré en janvier 2023, c’est un immeuble de sept étages et haut de 24 mètres qui sera érigé.
Didier Rykner, directeur de la rédaction de "La tribune de l’Art" s’insurge tout autant contre ce projet immobilier. "L’Institut Curie est évidemment un lieu important, nul ne remet en question ce besoin d’agrandissement. En revanche, continuer à couper des arbres, détruire des bâtiments pour bétonner, ça n’est pas acceptable tant sur le plan patrimonial, mémoriel ou environnemental", explique-t-il.
Il plaide plutôt pour la réhabilitation des lieux et s’étonne d’ailleurs que l’Architecte des Bâtiments de France ait donné son accord. "Sûrement une erreur d’appréciation" selon lui.
De son côté, la Commission du Vieux Paris, service municipal dédié notamment à la protection du patrimoine, a émis un avis défavorable à trois reprises pour ce projet.
"Nous sommes sur la montagne Sainte-Geneviève, des constructions hautes sur ce lieu, c’est une aberration. Il faut préserver les paysages historiques exceptionnels de ce quartier"
Jean-François Legaret, président de la commission du Vieux Paris
Il précise que "l’immeuble imaginé par les architectes écraserait la perspective monumentale vers le Panthéon et porterait une atteinte brutale au paysage urbain autour". En ce sens, la Commission du Vieux Paris a transmis une demande de protection au titre des Monuments historiques pour le Pavillon des Sources et le bâtiment au style Art Déco.
L’Institut Curie n’a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet. Également contactés, ni la mairie de Paris, ni le ministère de la Culture n’ont répondu à nos sollicitations.
Méryl Loisel