Née à Pertuis dans le sud de la France, Claire Tabouret a déménagé à Paris pour faire les Beaux-Arts avant de s'installer à Los Angeles en 2015. Comme elle, ses peintures font le tour du monde.
Qu’est-ce qui t’a poussé à t’exiler en Californie ?
Claire Tabouret : C’était une décision spontanée et assez impulsive, je n’avais jamais mis les pieds à Los Angeles. Je ne savais pas vraiment où j’allais. Mais c’était loin, ça représentait l’aventure pour moi, c’est ça qui m’a plu. Tout le monde me disait que c’était très différent de la France, j’avais du mal à l’imaginer. Ça a piqué ma curiosité, alors j’ai annoncé à tous mes proches que je partais m’installer en Californie. Je ne me suis pas laissé le choix. Comme je suis quelqu’un d’assez fière, il fallait que ça marche. Heureusement, la ville m’a plu et j’en suis tombée amoureuse dès mon arrivée. Aujourd’hui, ça fait cinq ans que je vis ici.
Tu as des expositions en cours ?
Claire Tabouret : Ma dernière exposition vient juste de partir du studio, je l’ai terminée il y a quatre jours. Les œuvres se sont envolées pour Séoul. Malheureusement, au vu de la situation sanitaire, je ne pourrai pas y aller. Mais je suis déjà très contente que les tableaux puissent voyager et que des expositions se tiennent. C’est assez rare, par les temps qui courent. Ce sont des œuvres que j’avais commencées bien avant le COVID, mais qui prennent une signification particulière dans ce contexte.
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De quoi elle parle, cette exposition ?
Claire Tabouret : Le sujet de ces œuvres, ce sont les fratries. Dans le passé, j’ai beaucoup travaillé sur la notion de groupe, la place qu’on y prend, la place qu’on partage. La difficulté d’être soi avec les autres, aussi. Par la suite, je me suis intéressée aux couples, avec un intérêt pour la question de la domination : un couple peut ne faire qu’un, mais alors lequel de deux ? Est-il même possible d’être égaux ? Récemment, j’ai déplacé mon intérêt vers mes amis et mon entourage, vers la notion de famille. Qu’appelle-t-on famille ? Qu’est-ce qui fait ce lien si fort entre les gens ? Il y a des familles biologiques et des familles choisies, les amis en sont une. Les frères et sœurs, en particulier, me fascinaient. Comment peut-on avoir des caractères ou des trajectoires si différentes en grandissant dans un même environnement ? Cette fascination a donné lieu à cette exposition, qui s’appelle « Siblings ».
Comment se déroule la création d’une œuvre, pour toi ? C’est facile ?
Claire Tabouret : Pour moi, commencer une œuvre, c’est toujours une grande joie. Je suis pleine d’espoir, j’ai l’impression que ça va être un chef-d’œuvre. Quand je débute un projet, je suis à fond, mon niveau d’énergie explose et j’ai extrêmement confiance en moi. Je peux déplacer des montagnes. À mesure que j’approche de la deadline, tout s’écroule. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même, je pleure beaucoup, il faut me nourrir à la petite cuillère... Pour les gens de mon entourage, c’est horrible. Mais je pense qu’ils ont appris à reconnaître mes hauts et mes bas. En tout cas, finir, c’est extrêmement dur pour moi. C’est toujours une déception, je n’ai jamais l’impression d’avoir réussi à tout faire, à tout dire, à mettre dans le projet tout ce que je voulais y mettre à l’origine.
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Tu es une éternelle insatisfaite ?
Claire Tabouret : Oui. Et je suis persuadée que c’est pour ça que je travaille autant, mon insatisfaction me pousse à recommencer encore et encore. Et à m’emballer à nouveau, en me disant : « Cette fois-ci, ça sera la bonne ».
Alors comment fais-tu pour savoir si un tableau est fini ?
Claire Tabouret : Pour moi, quand une œuvre est finie, il y a une forme d’évidence. Je sens que tout est à sa place, je n’ai plus envie d’y toucher ou d’en déplacer des éléments. Ça me procure une sensation de grande simplicité, d’absolue évidence. C’est comme ça. Parfois, atteindre ce stade me prend des semaines. Mais mon but est de donner l’impression que tout a été fait d’un geste. Pour moi, les meilleurs tableaux sont ceux qui renvoient cette impression. Et parfois, c’est vrai : certains sont créés en une seule impulsion, l’espace d’un après-midi. D’autres fois, ça dure des semaines et énormément d’éléments sont recouverts à répétition. Mais à la fin, il y a cette impression d’immédiateté et d’évidence.
Sur ton compte Instagram, tu mets énormément ton chien en avant. Il va bien ?
Claire Tabouret : Georgie va bien, il grandit. Il a sept mois, je l’ai eu quand il avait à peine quelques semaines. C’était la première fois que j’adoptais un chien, je pense que je ne me suis pas vraiment rendu compte de ce que ça voulait dire [rire]. C’était un chiot adorable mais totalement dingue, qui mangeait tout ce qui se trouvait à sa portée. Forcément, les débuts au studio ont été assez stressants car il a détruit quelques œuvres d’art. Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre et il est d’une patience infinie. Il me suit partout, il est rempli de joie et il me fait beaucoup rire.
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Il t’inspire pour peindre ?
Claire Tabouret : Il y a quelque chose qui m’intéresse beaucoup dans la relation sans parole de l’homme à l’animal. Ça passe en partie par le langage du corps, comme la danse, la peinture, les modes d’expression où l’on se passe des mots. La tendresse me fascine également. Ces éléments ont été un élément récurrent de mon travail récent.
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Tu as noté d’autres changements dans ton travail récent ?
Claire Tabouret : Pendant longtemps, je peignais des gens que je ne connaissais pas. Je trouvais des photos qui m’inspiraient pour représenter des situations qui m’intéressaient surtout de manière psychologique et autobiographique. Le fait d’être inspirée par la vie, l’extérieur, l’entourage, c’est assez récent pour moi. Ça a aussi changé ma manière de peindre. Les couleurs sont plus vives, et la lumière plus tranchée, plus criarde. Il y a quelque chose de plus vivant, en fait.
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