Ce monument du théâtre français qui a joué pas moins de 800 fois "Le roi se meurt" d'Ionesco et acteur sur grand écran, est décédé ce mercredi à l'âge de 96 ans.
"Michel Bouquet est décédé en fin de matinée dans un hôpital parisien", a précisé le service de presse de l'ancien comédien absent de la scène depuis 2019. Après 75 ans de carrière, il avait confié qu'il n'y remonterait plus, après avoir fait son "bonhomme de chemin".
Il est né le 6 novembre 1925 dans le XIVe arrondissement de Paris et résidait depuis des années à Montmartre où il se baladait discrètement. Fils d'un officier qu'il a peu connu car devenu prisonnier de guerre, Michel Bouquet doit son goût du spectacle à sa mère qui l'emmenait régulièrement à l'Opéra-Comique.
"À chaque fois que le rideau se levait, il n'y avait plus l'horreur de la guerre, il n'y avait plus les Allemands autour (...), le monde irréel dépassait de très loin le monde réel. Ça a été le meilleur enseignement de ma vie", avait-il raconté à l'AFP.
Immense carrière au théâtre
Inoubliable dans "Le roi se meurt" et dans "L'Avare" de Molière mais tout autant au cinéma, ce géant de la scène a toujours affiché sa préférence pour le théâtre.
"Au théâtre, la personnalité de l'auteur est tellement majestueuse, que ce soit Pinter ou Molière, qu'on ne fait qu'essayer de porter la parole le plus docilement possible. C'est l'oubli de soi qui est le plus important", confiait-il en 2019.
Il a marqué le théâtre de l'après-guerre en faisant connaître en France l'œuvre de Harold Pinter et en se mettant au service de grands textes classiques (Molière, Diderot ou Strindberg) et contemporains (Samuel Beckett, Eugène Ionesco, Albert Camus ou Thomas Bernhard).
Mitterrand plus vrai que nature
Il avait aussi marqué le grand écran en incarnant un étonnant Mitterrand au soir de sa vie dans "Le Promeneur du Champs-de-Mars" de Robert Guédiguian (2004), avec un mimétisme qui troublera jusqu'aux proches de l'ancien président.
Il recevra le César du meilleur acteur pour ce film, après celui reçu quelques années auparavant pour le film d'Anne Fontaine "Comment j'ai tué mon père" (2002). À l'écran, il aura aussi incarné des personnages secrets dans les films de Claude Chabrol ("La femme infidèle", "Poulet au vinaigre").
Il a également joué sous la direction de François Truffaut ("La mariée était en noir", en 1967, et "La Sirène du Mississippi" en 1968) et fut un magistral Javert, l'inspecteur pourchassant Jean Valjean dans "Les Misérables" de Robert Hossein (1982).
"De grands et beaux souvenirs"
"C’est un monstre sacré qui vient de nous quitter", écrit ce mercredi l’Elysée dans un communiqué, après l’annonce de la mort du comédien Michel Bouquet à l’âge de 96 ans.
"Qui nous parlera maintenant comme lui du jeu, des auteurs, de notre métier? Immense, immense reconnaissance Michel. Pour tout", a réagi l'acteur et le metteur en scène Nicolas Briançon.
De son côté, Alain Delon lui a aussi rendu hommage : "Je suis profondément triste. Michel Bouquet était un très grand acteur. Nous avons tourné plusieurs films dont Deux hommes dans la ville et Borsalino. La seule chose qui me reste, ce sont de grands et beaux souvenirs".