Salles de shoot : "objectif de santé et de tranquillité publique"

Quatre salles de consommation de drogue devraient voir le jour dans les prochaines semaines dans la capitale, quasiment cinq ans après l'inauguration de la première "salle de shoot" de la Ville lumière.

Résoudre le problème du crack à Paris. C'est l’un des grands défis d’Anne Hidalgo depuis maintenant plusieurs semaines. Face à la crise du crack qui s’est enlisée autour des jardins d’Éole (XVIIIe et XIXe), la maire de Paris a proposé en début de semaine – à la suite d’une réunion lundi 30 août avec les associations de riverains et les élus – d’ouvrir quatre nouveaux sites de consommation de drogue, dans les Xe, XIXe et XXe arrondissements de la capitale, ainsi que l’adaptation de salles existantes. Elles sont destinées à accueillir les toxicomanes de jour comme de nuit et fournir une activité de soins.

L’une d’elles devrait voir le jour avant la fin de l’année dans le quartier de Pelleport (XXème), à proximité d’une école. Une décision mal accueillie par les riverains qui refusent de voir une telle salle implantée dans leur quartier. Ils étaient ainsi plusieurs dizaines à être descendus dans la rue samedi pour protester. 

Une salle similaire, destinées aux toxicomanes, existe depuis octobre 2016 – soit presque cinq ans – dans la capitale. C’est la première "salle de consommation à moindre risque" – plus trivialement appelée "salle de shoot" – de Paris. Elle se niche à l’angle de la rue Ambroise-Paré et de la rue Guy Patin, entre les stations Gare du Nord et Barbès-Rochechouart, au pied de l’hôpital Lariboisière.

Des riverains partagés

Du côté des riverains, les avis sont partagés sur l’utilité de la salle et de ses potentielles conséquences sur l’espace public. On trouve des avis positifs. "Je trouve que c’est une bonne chose. C’est une sorte de progrès dans la prévention des addictions. Mais cela reste un phénomène fait peur aux riverains", atteste une passante. "Au moins on sait où ils sont (…) Avant, quand j’allais dans le parking prendre ma voiture, je trouvais plein de seringue par terre. Maintenant, c’est nickel. Je n’ai jamais eu de problème", confie un autre. Non loin de là, le tenant d’un magasin affirme de son côté que "les toxicomanes restent dans leur coin. Ils n’embêtent personne la journée. Mais à Barbès, c’est autre chose".

Mais il y a parfois des avis négatifs. "Au début j’étais pour [la salle]", confesse un autre riverain, "mais maintenant je me rends compte que ce n’est pas bon. Des drogués en ramènent d’autres. Vous avez des jeunes et des fumeurs qui s’ajoutent à ceux déjà présents. J’ai un ami qui a été agressé en voiture avec ses enfants. Parfois on dirait une ambiance de Far West", ajoute-t-il.

"Un lieu calme, encadré, avec des règles, sans deal et sans embrouille"

Cette "salle de shoot" est gérée en partie par l’association médico-sociale Gaïa. Les locaux où se trouvent les structures d’accueil et usagers sont loués à l’association par l’hôpital Lariboisière. "La salle de consommation a un objectif de santé publique, mais aussi de tranquillité publique. L’idée est que les usagers puissent consommer dans un endroit qui soit sécurisé et dans des conditions sanitaires strictes. Un de nos objectifs est d’absorber une partie des consommations qui ont lieu dans l’espace public et donc réduire les nuisances liées à ces consommations", explique Jamel Lazic, chef de service de la salle de consommation.

Il y a eu, depuis la période covid, une augmentation énorme des demandes de bénévolat pour aider, mais aussi du nombre d’invectives et agressions commises par des riverains contre des usagers.

Jamel Lazic

"Nous sommes régulièrement sollicités par les riverains. Quand l’un d’eux trouve un usager qui dort dans son hall d’immeuble, quand quelqu’un a trouvé une seringue…notre boulot est de fournir des clés de compréhension aux riverains sur ce qui se passe en bas de chez eux (…). Il y a une certaine pédagogie", ajoute-t-il. Le chef de service indique par ailleurs que la majorité des personnes qui sollicite l’association sont des personnes "inquiètes" de la situation. "Il y a eu, depuis la période covid, une augmentation énorme des demandes de bénévolat pour aider, mais aussi du nombre d’invectives et agressions commises par des riverains contre des usagers", raconte Jamel Lazic. La "salle de consommation à moindre risque", ce n'est pas seulement s'injecter ses doses en sécurité.

C'est aussi, en même temps, un accompagnement avec une quarantaine de professionnels, des services de dépistages ou de délivrance de traitement psychiatrique, de gestion administrative, comme dans le cadre de la sécurité sociale. "On n'a pas d'objectif à la place des personnes qui viennent ici, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en font pas de souhait ou de besoins", rappelle Jamel Lazic. La moyenne d'âge des usagers qui y viennent est de 39 ans, avec "des parcours de consommation de 5, 10, 15, 20 ans voir plus".

"Il y a toujours des personnes qui se sont opposées à ce genre de dispositif et qui se mobilisent (...) mais il y a aussi des personnes qui soutiennent les dispositifs d'accueil. Une fois qu'on explique l'intérêt d'en avoir, en général les gens changent d'avis", reconnait José Matos, chef de service au Caarud (Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues). "Si la consommation se fait dans un lieu calme, encadré, avec des règles, sans deal ni embrouille, alors il y a beaucoup moins de consommation dehors, les personnes ressortent plus apaisées".

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