Svitlana, Svetlana, Oksana et Natalia... Que sont devenues les familles ukrainiennes exilées, un an après leur arrivée en Île-de-France ?

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Reportage : F. Hovasse / L. Simondet ©France 3 Paris

Elles s'appellent Svitlana, Svetlana, Oksana et Natalia. Depuis la guerre en Ukraine, elles vivent en France avec leurs enfants. Nous avons fait leur connaissance, il y a un an. "Retour sur" est reparti à leur rencontre. Un exode toujours difficile : la patrie leur manque, les aides financières ont diminué. Elles vivent un déclassement professionnel car parler français reste un obstacle. Sauf pour leurs enfants qui sont devenus bilingues.

Chevilly-Larue, février 2024. Val-de-Marne. Dans l'appartement de Svetlana et sa famille, la décoration est soignée, chaleureuse, les enfants jouent d'un instrument et la petite dernière prépare des crêpes avec sa grand-mère. Une ambiance à des années-lumière du drame que vivent ces exilés d'Ukraine depuis deux ans.

Personne ne se plaint jamais et la mère de famille nous affiche toujours un sourire rayonnant. Le grand-père nous répète des "mercis", un des rares mots qu’il connaît. Merci pour l’accueil de la France, merci pour mettre la lumière sur ce conflit interminable pour eux. Merci à la mairie pour leur louer ce logement. Car tous pensaient pouvoir retourner au pays rapidement. Après deux ans de guerre, les Ukrainiens s’installent. Leurs maisons sont en zone occupée. S'ils veulent rentrer, les Russes les obligent à devenir Russes. Ils ont déposé des passeports russes dans les maisons.

Les plus jeunes sont bilingues

Les enfants ont une faculté d’intégration spectaculaire. De la crèche au lycée, ils sont tous scolarisés et les copains ne manquent pas. Les activités extrascolaires non plus. Presque tous jouent d’un instrument. Ce qui nous impressionne, nous Français, mais "apprendre la musique aux enfants, c’est une tradition en Ukraine", nous explique la cheffe de famille.

En un an, leur progrès a été spectaculaire dans la maîtrise de la langue. Ils ne font même pas de petites fautes d’accords. C’est plus difficile pour leurs parents. Car les aides financières de l’Europe ont été divisées par deux. Alors, Svetlana, qui était professeur d’arts plastiques, doit nourrir sa famille et s’en occuper : elle est femme de ménage. Difficile de continuer les cours du soir de français, encore plus de le pratiquer. D’autant qu’à la maison, comme pour ne pas oublier ses origines, la langue parlée c’est l’ukrainien !

Dans la ville, beaucoup d’entre eux ont reconstitué une grande famille. Oksana, l’ancienne coiffeuse, et Svitlana, autrefois commerciale dans la vente de vêtements de luxe, se retrouvent souvent chez Svetlana. Tous leurs enfants sont comme de proches cousins.

Svitlana se bat pour la reconnaissance de son parcours professionnel. Elle tient bon pour réussir à exercer son métier et ne pas faire des ménages. Elle nous explique : "Je n’attends pas qu’on vienne me chercher, je suis très active. Je parle bien anglais, je me déplace dans les Salons professionnels. Je présente mon CV. J’écris des lettres. Mais mon niveau de français est encore jugé insuffisant." France travail, ex-pôle emploi, reste sourd à ses demandes de formations. Car obtenir un job est à portée de main. L’administration française, déjà complexe pour des Français, l’est encore plus pour les Ukrainiens.

Le casse-tête administratif

Dans son combat, Svitlana a un précieux allié, Laurent, un Français avec qui elle vit avec sa fille, qu’elle a rencontré là-bas, bien avant la guerre. Laurent, depuis deux ans, ne compte plus les heures passées pour aider les exilés à trouver une solution avec l’administration ou les associations diverses et variées qui sont souvent des pépites. Mais là aussi, très difficile à identifier. Autre alliée de Svitlana, sa fille Anastasiya, en classe de troisième. Elle maîtrise parfaitement le français et traduit comme elle respire !

Un peu plus loin dans les Yvelines, à Ville l’étang, nous avons retrouvé Nataliia. Elle veut qu’on l’appelle Nathalie, à la française.

Elle nous avait partagé son histoire sur France 3 Île-de-France. Son arrivée avec ses filles, la cohabitation délicate dans une famille française qui ne se passe pas bien. L’une de ses adolescentes, traumatisée par la guerre, était en grande souffrance en arrivant en France. Elle avait dû être prise en charge à l’hôpital. Au fil des mois, son hébergement provisoire a tourné au vinaigre. Elle n’avait pas encore trouvé de travail. Face aux potentiels employeurs, la carte de séjour de six mois seulement n’était pas très rassurante. Comment obtenir un CDI avec une "autorisation" de six mois ? Avec les aides qui sont divisées par deux depuis la guerre, travailler n’est pas une option. Du coup, accéder à un logement a été un parcours du combattant.

Mais Nathalie, ex-Nathaliia, a relevé tous les défis. "Je ne m’imaginais pas que je possédais en moi toutes ces ressources pour affronter tout cela. Après tout ce que j’ai vécu, j’ai réussi à trouver en moi une force, des solutions pour rebondir. Et aujourd’hui ça va beaucoup mieux."

Revivre

En effet, un an plus tard, tout a changé pour cette cinquantenaire. D’abord, sa fille va très bien, elle est même scolarisée gratuitement au lycée très sélectif international de Saint-Germain-en-Laye. Elle y excelle.

Son autre fille majeure est aussi maintenant en France. Totalement bilingue, elle est étudiante en architecture et vit dans une cité universitaire de l’est parisien. Des études qu’elle souhaite mettre à profit dans la reconstruction de son pays. Elle pense déjà à l’après-guerre. Son père, artiste, est resté là-bas. L’étudiante a des nouvelles.

Nathalie vit désormais dans un appartement dans une banlieue chic, un logement social : sa planche de salut. Un havre de paix qui l’aide à entamer une reconstruction et à voir des amis français aussi. Une intégration que l’Ukrainienne doit aussi à son métier.

Car bonne nouvelle, elle exerce son métier initial. Elle ne subit pas le déclassement professionnel que beaucoup de ces exilés connaissent. Dans un établissement privé, elle est professeur d’anglais. Sa vie sociale se construit peu à peu et son sourire témoigne d'un vrai changement en deux ans.

Un parcours de résilience

Et si on la questionne sur un retour en Ukraine, une fois la guerre finie, comme tous les déplacés rencontrés dans nos tournages, il n’y a que peu d’hésitation. "Je suis prête à rentrer immédiatement. Si la sécurité est assurée. Je veux retrouver mon pays !"

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