Les crèches, écoles, collèges et lycées rouvriront "progressivement" à partir du 11 mai, a annoncé lundi soir Emmanuel Macron, suscitant de nombreuses réactions sur les conditions de reprise parmi les syndicats enseignants, les professeurs et les parents d'élèves.
Un mois après la fermeture de l'ensemble des établissements scolaires, le président de la République a annoncé leur réouverture progressive à compter du 11 mai. La première étape d'une reprise de l'activité sociale en France.
"Trop d'enfants, notamment dans les quartiers populaires, dans nos campagnes, sont privés d'école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents, c'est pourquoi nos enfants doivent pouvoir retrouver le chemin des classes", a expliqué le chef de l'Etat. Il a fait valoir que "le gouvernement aura à aménager des règles particulières, organiser différemment le temps et l'espace, bien protéger nos enseignants et nos enfants avec le matériel nécessaire".
Cette annonce a suscité de vives réactions de la part des syndicats enseignants. "C'est tout sauf sérieux", a réagi Francette Popineau, secrétaire générale du SNUipp-FSU, le syndicat principal des enseignants du primaire. "On nous dit que tous les lieux publics sont fermés […] mais pas les écoles, alors que l'on sait que c'est un lieu de haute transmission, de haute contamination, il y a un manque de précaution, ça paraît être en contradiction totale avec le reste".
Pour le SNUipp-FSU, les enseignants sont sacrifiés sur l’autel économique
Responsable du SNUipp-FSU en Ile-de-France, Marie-Hélène Plard, directrice d’une école maternelle en Seine-Saint-Denis se pose beaucoup de questions et déplore l’absence de cadre donné par le président de la République. "Qu’est-ce-qu'une reprise progressive? Comment ça va se passer, concrètement?" interroge t-elle.Sa première interrogation porte sur le matériel disponible : y aura-t-il "assez de masques, de gants, de gel?", mais aussi sur les moyens alloués,"Comment et par qui sera effectué le nettoyage des locaux, du matériel scolaire", "les enseignants seront-ils tous testés avant de reprendre leurs classes ?". Des questions qui pour l'heure restent sans réponses.
"Il faut que les gestes barrière soient respectés"
Dans les classes maternelles, il ne sera pas évident d'appliquer ces gestes barrière "pourtant indispensables", souligne Maryline Plard. Si elle est pressée de reprendre le travail et de revoir ses élèves, elle souhaite que cela se passe dans de bonnes conditions et pour cela il faut que "les enseignants soient consultés et entendus, ce sont eux qui sont sur le terrain".Elle relève aussi que le président a souhaité la reprise de l’école car dit-il la situation actuelle creuse les inégalités. Pour l'enseignante, il est essentiel de répondre à ce problème des inégalités, mais c'est en repensant les programmes, en donnant à l’école les moyens nécessaires avec par exemple, des effectifs réduits en classe, que l'on résorbera cette fracture scolaire.
Les corps intermédiaires comme les parents d'élèves n'ont pas été consultés
Rodrigo Arenas, président de la FCPE (fédération de parents d'élèves) est très dubitatif par rapport à cette annonce. "On souhaite que l'école puisse reprendre le 11 mai mais pour cela il faut que les gestes barrière soient respectés". "Le message "Mettez les gamins à l'école et allez bosser", ce n'est pas possible. On n'arbitrera pas entre la santé des enfants et la reprise de l'activité économique" condamne t-il. "Pour que les gestes barrières soient respectés, il faut que des mesures indispensables soient mises en place sinon ce ne sera pas possible" continue le responsable de la Fédération des parents d'élèves. Ainsi il faut que les effectifs de toutes les classes soient réduits, il faut un plan national de rénovation des toilettes scolaires et du bâtiment scolaire, des récréations différées... pour éviter que trop d'enfants jouent ensemble au même moment. Il regrette qu'une fois de plus les corps intermédiaires comme les parents d'élèves n'aient pas été consultés ni sur la date, ni sur la mise en place de la reprise de l'école le 11 mai.Après les annonces de lundi soir, "c’est la fureur et la révolte générale", explique Nathalie Costes, professeure au lycée Saint Exupéry, de Mantes la Jolie dans les Yvelines. "Alors que l’immense majorité des instances médicales considèrent qu’il y a un risque majeur à ouvrir les écoles le 11, le pouvoir, pour des raisons économiques veut envoyer élèves et enseignants au front dans un contexte sanitaire absolument pas stabilisé".
Risque de rebond sanitaire
"En arguant hypocritement d’une préoccupation sociale, ils font en fait le choix d’une immunité collective sans le dire", poursuit-elle. "En refusant de tester les personnes asymptomatiques sûr représentées chez les enfants, ils prennent un risque considérable de rebond de l’épidémie et sacrifient les profs, les élèves et leurs familles"."Le refus des collègues est massif, et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase alors même qu’on a été méprisé toute l’année et qu’on s’est démené pour faire face à la situation et garder le lien avec nos élèves par nos moyens tant les outils institutionnels étaient défaillants" poursuit cette enseignante syndiquée au SNES.
Au syndicat SE-Unsa, "ce qui ressort aussi de cette annonce c'est de l'inquiétude", selon son secrétaire général, Stéphane Crochet."On nous parle de retour progressif, qu'est ce que ça signifie clairement? Et c'est le plus grand flou sur les conditions sanitaires dans lesquelles les enseignants reviennent", dit-il avant d'ajouter qu'ils "ne pourront pas reprendre comme si de rien n'était le 11 mai"."Tout le monde a entendu les inquiétudes de rebond du virus dans les semaines à venir, les enseignants ne veulent pas être les victimes de ce rebond en étant en première ligne avec des enfants toute la journée qui peuvent être porteurs", a insisté M. Crochet, qui attend du ministère des éclaircissements.