"Il y en a marre" : face à des conditions de travail dégradées, plusieurs corps de métiers de la RATP seront en grève ce jeudi. Des conducteurs aux mécaniciens, tous dénoncent des conditions de travail qui se détériorent de jour en jour. Témoignages.
Les salariés de la RATP sont en colère. Réforme des retraites et perte de leur régime spécial, pénibilité des tâches, salaires, conditions de travail, horaires décalés, manque d'effectifs, leurs griefs sont multiples. Mais derrière la question des salaires et des retraites, il y a le quotidien. France 3 Paris Île-de-France vous propose de découvrir le travail de deux agents.
Nadia, conductrice de bus. "Le matériel est vétuste"
Depuis 2006, Nadia Belhoum conduit un bus. Ces dernières semaines, ses journées sont de plus en plus pénibles. "Depuis la rentrée, on fait de plus en plus de journées avec 2 services de plusieurs heures", constate-t-elle. Il lui arrive de démarrer sa journée pour un premier service entre 6 heures et 10 heures du matin. Après une pause, elle remonte dans son bus de 17h à 20h. "Avant la rentrée, cela arrivait deux à trois fois dans le mois. Depuis septembre, on y a droit une dizaine de fois par mois. Cela affecte votre vie de famille. Vous partez le matin sans voir votre mari et vos enfants puis rentrez le soir en étant fatigué physiquement et moralement", explique celle qui conduit entre Pantin et Stains en Seine-Saint-Denis.
Un double service que certains conducteurs sont obligés d'assurer le samedi depuis peu. "Avant, cela n'arrivait qu'en semaine. Il y en a marre. Nos journées sont épuisantes, certains collègues ont mal au dos, d'autres finissent en dépression ou dans des états de fatigue extrême."
Pour bon nombre de chauffeurs, pas le temps de s'accorder une pause à midi. "Beaucoup d'entre eux mangent sur le pouce des produits qui ne sont pas sains. Cela donne lieu à beaucoup de problèmes de surpoids", indique Vincent Gautheron secrétaire de l'union syndicale de la CGT RATP. Les horaires matinaux de certains chauffeurs les poussent à se rendre au travail de plus en plus tôt. "Ils sont nombreux à ne pas habiter la région parisienne. Pour ceux qui vivent à une demi-heure, voire à une heure de l'Île-de-France, cela implique de prendre la voiture très tôt le matin. Certains partent de chez eux à 2h du matin pour prendre leur service à 5h."
Les chauffeurs dénoncent également l'allongement d'une heure de certaines de leurs journées sans augmentation de salaire "Lorsque vous avez l'habitude de terminer votre service à 18h30 et que soudain vous finissez à 19h30, cela change votre soirée", note Nadia qui avec 16 ans d'ancienneté touche 1900 euros nets par mois.
Une fois installés derrière le volant, les chauffeurs rencontrent bon nombre de difficultés. "Le matériel est vétuste, les sièges sont inconfortables, les freins de certains bus sont usés", liste Nadia. Elle a elle-même fait les frais du vieillissement de son outil de travail. "Lors d'un jour de pluie, de l'eau s'est écoulée dans mon bus, j'en recevais plein les cheveux", raconte-t-elle. Cette vétusté se répercute également sur la clientèle. "Sur certains bus de ma ligne, on ne peut plus faire descendre la rampe qui permet à des personnes en fauteuil roulant ou en poussette de monter, nous sommes obligés de les laisser sur le bord de la route.".
Une situation qu'elle juge inacceptable. "Cela fait mal au cœur, car il s'agit souvent de personnes que l'on prend depuis des années. De plus, on sait que pour certaines d'entre elles, le bus est la seule option pour se déplacer en ville." Celle qui est également élue CGT RATP pointe du doigt les réductions d'effectifs dans les garages des entrepôts. "Nos mécaniciens sont fatigués, ils travaillent énormément sur de bus de moins en moins sécuritaires. "Au-delà des préoccupations matérielles, elle relève également de plus en plus de plaintes de la part des usagers. "Cela vous use le moral. Les disputes sont de plus en plus fréquentes. Les gens sont irritables. Cela joue sur notre santé psychologique. Beaucoup de collègues se mettent en arrêt-maladie."
Thibault, mécanicien. "Nous sommes exposés à des matériaux dangereux"
Les mécaniciens du système ferroviaire seront également en grève. Thibault Dasquet fait partie du mouvement. Cet autre élu CGT demande "plus de reconnaissance pour notre profession". Depuis 2004, il assure le bon fonctionnement des RER. "C'est un métier pénible et physique", indique-t-il.
Il note également qu'avec la perspective de l'ouverture à la concurrence, la RATP demande de plus en plus de rentabilité durant les heures de pointe. "On a de moins en moins d'effectifs pour gérer de plus en plus de trains." Une détérioration des conditions de travail qui impacte l'attractivité du secteur. "Peu de gens ont envie de se lancer dans un métier où les contraintes physiques sont nombreuses et dans lequel nous sommes souvent exposé à des matières dangereuses", constate le mécanicien. Il vise en particulier l'amiante que l'on trouve encore sur certains trains du réseau.
"C'est une matière qui peut causer de graves soucis de santé. Certains collègues à la retraite ne peuvent pas en profiter en bonne santé. Les effets de l'amiante les rattrapent plusieurs années après y avoir été exposés." Certaines huiles utilisées pour l'entretien contiennent également des substances cancérigènes. Autre préoccupation des agents d'entretien ferroviaire, les salaires. "Lorsque vous commencez dans le métier, vous touchez à peine plus qu'un Smic. Aujourd'hui, après 18 ans de carrière, je suis en dessous de 2 000 euros nets par mois", précise Thibault Dasquet.
Les préoccupations salariales sont d'ailleurs au cœur du mouvement social de jeudi. Les syndicats réclament un coup de pouce au Smic, une hausse du point d'indice de la fonction publique, et l'indexation des salaires sur l'inflation.
Les grévistes manifesteront ce jeudi à 14h au départ de la Place de la République. Le cortège entend protester également contre le projet de réformes des retraites du gouvernement prévu en 2023.
Cette journée sera marquée par d'importantes perturbations dans les transports en commun. Retrouvez notre point complet sur vos conditions de circulation ici.