La façade de l'église Notre-Dame du Raincy, surnommée la Sainte-Chapelle du béton armé et chef d'oeuvre de l'architecte Auguste Perret, se trouve en piteux état, 90 ans après son édification.
Un grand filet de protection a été disposé au dessus du tympan, des éclats de béton jonchent la toiture, Notre-Dame de la Consolation, au Raincy (Seine-Saint-Denis) est abîmée.
"On ramasse régulièrement des morceaux de béton sur la toiture, heureusement qu'on n'est pas au ras de la rue", glisse cet ingénieur de 58 ans, vice président de l'association Restaurer, un éclat à la main. "Il y a une vraie préoccupation."
Après la première guerre mondiale, Auguste Perret décide pour la première fois l'emploi du béton armé --matériau jugé vulgaire, tout juste bon pour des hangars-- à l'édification d'une église. Économique, solide, léger, incombustible et rapide à mettre en oeuvre, ce mélange de gravier, sable, ciment et eau permet bien des audaces architecturales, nonobstant son apparente laideur.
"La beauté du béton fait seulement trembler les marchands de pierre", explique alors l'architecte.
Les propriétés du béton permettent de créer à l'intérieur de l'église une saisissante "boîte de lumière", baignée par les couleurs des milliers de vitraux et notamment le bleu, qui n'est pas sans rappeler l'atmosphère de la Sainte-Chapelle à Paris. Aujourd'hui, de nombreux étudiants en architecture, souvent américains, continuent de se rendre au Raincy, commune aisée du 93, pour découvrir l'édifice, dont une copie existe à Tokyo à une moindre échelle, sous forme de chapelle.
Le Béton Rouille
Mais l'édifice se porte mal. Le béton armé, que l'on pensait indestructible et plus pérenne que la pierre, révèle au fil du temps ses faiblesses. "En raison de l'influence des différents effets atmosphériques, le béton se carbonate et change de nature chimique. Il devient acide et l'armature rouille", explique
Christophe Arnion, dont le père a laissé un ex-voto dans un des bas-côtés après sa naissance difficile.
"A partir du moment où le fer peut rouiller et que la rouille est expansive, le fer gonfle et le béton éclate...Et donc des morceaux tombent". Un phénomène accentué par la volonté de l'architecte de la reconstruction du Havre de laisser le béton apparent, tellement persuadé de sa beauté qu'il refusait de le revêtir même d'un simple enduit.
Aussi l'association Restaurer, créée en 1986 et qui s'est déjà occupée de la restauration du tympan et de l'orgue, va lancer un appel de fonds pour récolter 450.000 euros, en vue de débuter les travaux d'ici 2 à 3 ans. Car Notre-Dame-de-la-Consolation, construite après 1905 date de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, est propriété du diocèse.
Aux monuments historiques, on juge les travaux "nécessaires" mais "compliqués", notamment en raison de la hauteur de la façade (46 m, soit la taille de la statue de la Liberté). "Il y a des pathologies superficielles, des fissurations, mais pas de risque d'effondrement. Il faut purger le béton altéré et trouver le même grain que le béton armé originel", explique Daniel Lefevre, de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, estimant que les travaux dureront entre six et neuf mois.
En attendant, les fidèles comme les touristes, continuent de découvrir l'édifice et son audacieux architecte Auguste Perret, représenté sur un vitrail à côté d'un taxi de la Marne, rare exemple d'un épisode militaire mis à l'honneur dans une église catholique.