Face au non-remplacement des professeurs absents, un collectif de parents d’Île-de-France, représenté par Me Joyce Pitcher, lance une procédure judiciaire contre l’État. L’avocate appelle les parents d’élèves de toute la France à constituer un dossier dès 8 jours d’absence d’un instituteur en maternelle ou en primaire, et dès 10 heures d’absence par professeur au collège ou au lycée.
La fin de l’année scolaire approche, et pour Nadège, c'est l’heure des comptes. Son fils, scolarisé en 5ème au collège Gérard-Philipe, dans le 18ème arrondissement de Paris, a manqué 110 heures de cours cette année, d’après ses calculs. Dès janvier, par exemple, sa professeure de musique a été absente 11 semaines d’affilée, et n’a pas été remplacée. « J’ai fait le choix de laisser mon fils dans le public, dans un collège REP (réseau d’éducation prioritaire) où le niveau est déjà compliqué, pour des questions de mixité. Aujourd’hui, il suit sa scolarité dans une classe où il y a beaucoup de chahut, et subit en plus l’absence de remplaçants », explique Nadège.
Des parents inquiets pour l'apprentissage
Cette parente d’élève, élue sur une liste indépendante, a pourtant alerté la direction de l’établissement de son fils, le rectorat et même le DASEN (Directeur académique des services de l'Éducation nationale), mais face aux manques de moyens de ces différents services, Nadège veut aujourd’hui taper plus haut : « Il faut que l’État prenne conscience du manque de moyens alloués à l’Éducation nationale. Quand on voit que les professeurs sont recrutés en speed-dating, on s’inquiète de ce qui nous attend à la rentrée prochaine. » En Île-de-France, après les concours externes des professeurs des écoles, dont les résultats ont été publiés cette semaine, seul 1 poste sur 3 a été pourvu.
Autre exemple, à l’école élémentaire Stéphane Hessel de Montreuil, où une remplaçante a elle-même été absente entre 40 et 50% du temps. « Les enfants ont été répartis dans les autres classes pour assurer la continuité pédagogique […] Quand les enfants ont été répartis dans d'autres classes, cela a augmenté les effectifs jusqu’ à 30 ou 32. Ce n'est clairement pas une situation idéale pour l'apprentissage », explique Xavier, délégué des parents d’élèves dans cette école qui souligne également que les enseignants remplaçants ne sont pas toujours assez formés.
Une action coordonnée
Pour « taper plus haut », Nadège a donc décidé de rejoindre l’action collective coordonnée par Me Joyce Pitcher, spécialiste des contentieux de masse, et Me Louis le Foyer de Costil, spécialiste de l’éducation. Selon l’avocate, les conditions ne sont pas réunies pour engager une action de masse, elle a donc décidé de grouper les actions individuelles par le biais d’un site internet.
Lancée la semaine dernière, la procédure coordonnée a déjà convaincu une centaine d’autres parents de toute la France qui ont également constitué un dossier. « Par le passé, il y a déjà eu des recours contre l’État pour protester contre les absences de professeurs, mais jamais de façon aussi massive. L’objectif est d’interpeller le gouvernement et le rectorat avant la rentrée », précise Joyce Pitcher.
Grâce à cette action, chaque parent pourra réclamer à l’Etat une indemnisation de 10 euros par heure de cours perdue, le remboursement d’éventuels frais de cours particuliers ainsi que 500 euros pour préjudice moral. Et pour déclencher le maximum de procédures, tous les frais de justice sont pris en charge par une société de financement des procédures et par les avocats eux-mêmes.
« Nous ne faisons pas cette démarche contre les équipes pédagogiques, mais contre un système défaillant qui ne prévoit pas le remplacement et quand il y a des profs remplaçants, ils ne sont pas suffisamment formés », tient à préciser Xavier, Délégué des parents d’élèves à Montreuil, engagé dans cette action groupée.
Les avocats, en charge de la procédure, espèrent regrouper près d’un millier de dossiers dans toute la France. Ils organisent jeudi prochain une réunion d’information à la station F, dans le 13ème arrondissement de Paris.