À Montreuil, 16 familles, jusque-là logées à l’hôtel, vivent en appartement dans un nouveau centre d'hébergement d'urgence. Un dispositif porté par Caritas Habitat, le Samu Social de Paris, et la ville pour accompagner les plus précaires.
C'est en sautillant que Lydia rentre de l'école accompagnée par son papa et sa petite sœur. Sa rentrée au CP se passe très bien dans sa nouvelle école près de chez elle dans le Bas Montreuil. Avec le bip, arraché aux mains de son père, en rigolant, elle déclenche l'ouverture du portail sécurisé de l'immeuble où elle vient d'emménager avec sa famille. A l'étage, Sarah, sa maman, l'accueille avec un gros câlin dans leur appartement.
On en oublie qu'il s'agit d'un centre d'hébergement d'urgence du Samu Social de Paris tant les locaux ressemblent à une résidence privée.
Dans cet immeuble, totalement rénové par la Société Caritas Habitat, 16 appartements d’environ 28 m², équipés d’une cuisine, salle d’eau et WC privatifs, d’un salon et d’une chambre, abritent uniquement des familles ou des femmes seules avec enfants.
Un vrai chez-soi
"Les familles, qu'on accueille, ici, sont dans une grande précarité. Notre but est de les accompagner afin qu'elles puissent retrouver une vie stable et un avenir serein et pérenne", explique Yenifer Lema, Responsable du Centre d'Hébergement d'Urgence (CHU) des Sorins. Cette dernière est très proche des résidents qu'elle rencontre régulièrement. "Moi, en tant que responsable, c'est très important de voir les familles pour voir si elles vont bien ou si elles ont besoin de quelque chose. Je suis en lien direct avec le travailleur social, comme ça, on peut repérer s'il y a besoin de faire quelque chose", poursuit-elle.
Elle sait déjà que Sarah et son mari sont sur la bonne voie de l'insertion sociale. "On a inscrit Lydia à l'école et tout se passe très bien, Sarah s'occupe très bien de ses enfants. On a inscrit le papa, Moussin, pour les cours de français, mais pas elle, car elle maîtrise très bien la langue. Même si cela sera probablement long, j'ai devant moi une famille qui a toutes les chances de réussir", se réjouit-elle.
Sarah, 32 ans, et Moussin, son mari, 36 ans, sont venus en France il y a 3 ans. À l'époque, Lydia n'a que 3 ans. Pendant 3 jours, ils vivront dans la rue. Pris en charge par le Samu social de Paris, ils vivront 3 ans dans un hôtel à Montreuil. "C'était très dur. On ne pouvait rien faire tous les 3 dans une toute petite chambre. Parfois, j'allais en accueil de jour pour cuisiner quelque chose de chaud, mais la plupart du temps, on mangeait des sandwichs achetés ou ce qu'on trouvait", raconte Sarah. Le pire a été sa grossesse vécue dans l'incertitude, un an après leur arrivée. "J'ai vécu la grossesse, de ma petite Inès dans une chambre d'hôtel, sans savoir comment on allait vivre ou plutôt survivre le lendemain", explique-t-elle.
Parfois, elle ne se souvenait plus de ce qu'elle avait mangé. "Je mangeais juste pour nourrir mon bébé et avoir quelque chose dans le ventre à lui donner. Aujourd'hui, on revit. On a un vrai toit, une vraie cuisine où je peux préparer ce que mes enfants aiment manger et elles ont une chambre pour elles. C'était inespéré", confie-t-elle soulagée.
"Au centre d'hébergement, on distribue des tickets services pour l'alimentaire de 6 € par jour et par personne", précise Yenifer Lema.
Les baux varient selon les situations allant de trois à cinq ans. Au total, soixante personnes sont hébergées dans ces logements.
Vers une réussite
"Dans un centre d'hébergement d'urgence, l'accueil est inconditionnel. Donc, ici, on a des familles en situation régulière et irrégulière. Pour celles qui sont en situation régulière, c'est plus facile et on sait qu'elles pourront partir plus facilement. Pour les familles qui sont dans une situation irrégulière, c'est beaucoup plus complexe. Ça dépendra, depuis combien d'années, elles sont sur le territoire français et, parfois, ces familles peuvent rester dans un hôtel ou un hébergement d'urgences pendant des années", explique Yenifer Lema.
Dans ce centre d'hébergement d'urgence, les familles bénéficient d’un accompagnement social global (logement, santé, emploi) grâce à la présence d’un travailleur social ainsi qu’un accompagnement à la parentalité et à la vie quotidienne assuré par une technicienne d’intervention sociale et familiale.
Sur place, il y a un espace collectif à la disposition de tous les résidents pour pouvoir se rencontrer et échanger.
"Cet espace peut être dédié à plein d'événements différents. On peut y accueillir un goûter d'anniversaire pour les enfants, des cours d'apprentissage de la langue française pour les résidents, mais aussi y rencontrer un conseiller en insertion professionnelle ou encore un juriste du Samu Social de Paris", énumère la Responsable du CHU Des Sorins.
L’objectif est affiché : accompagner les familles vers l’autonomie et vers un logement durable dans le parc privé.
Actuellement, les familles accueillies étaient toutes hébergées dans des hôtels sociaux à Montreuil, et elles ont été orientées sur le CHU par le SIAO 93.
"On explique tout, aux familles avant de les accueillir ici, afin qu'elles sachent qu'il y a un cadre et un contrat avec un règlement intérieur à respecter pour intégrer le centre d'hébergement d'urgence", précise Yenifer Lema, Responsable du Centre d'Hébergement d'Urgence (CHU) des Sorins.
L'immeuble est surveillé avec des agents de sécurité qui sont sur place pour la nuit. "Parmi ces familles, il y a des femmes qui fuient un conjoint violent, il faut être en mesure de les protéger 24/24. Autre cas de figure, une femme qui sortirait dans la nuit en laissant un ou des enfants tous seuls. La journée, nous sommes sur place, mais la nuit, il faut aussi qu'il est quelqu'un pour elles au cas où une situation difficile se présenterait", explique la Responsable.
Une fierté pour la ville
Un projet dont est fier la ville de Montreuil qui avait à cœur de voir cet immeuble du XIXe siècle entre de bonnes mains. Le bâtiment était propriété de la ville depuis les années 90. Quelques travaux y avaient été faits pour y accueillir un centre d'hébergement d'urgence pendant quelque temps. De lourds travaux étaient devenus nécessaires.
Le choix de Caritas Habitat qui a décidé d'associer le Samu Social de Paris comme locataire a immédiatement séduit la municipalité. "Le partenariat avec Caritas Habitat nous a permis de travailler à la cession de cet immeuble à un prix en deçà du prix du marché dans le cadre de la loi, et ainsi réhabiliter ce logement. Il était évident pour nous qu'il fallait s'inscrire dans une dynamique sociale comme on l'a toujours fait sur le territoire de Montreuil en favorisant l'accès au logement pour toutes et pour tous", assure Gaylord Le Chequer, premier adjoint au Maire (PCF) de Montreuil.
"Caritas Habitat est une foncière crée par le Secours catholique pour porter l'immobilier et pour répondre et accompagner les associations dans le but d'aider et d'héberger les personnes les plus vulnérables. Et donc, quand la ville de Montreuil est venu nous chercher pour porter ce projet de centre d'hébergement d'urgence, on a proposé au Samu Social de Paris de nous rejoindre pour être le locataire de ce nouveau lieu", explique Samuelle Coué, Directrice Générale de Caritas Habitat.
Les travaux auront duré un an et demi pour un montant de trois millions d'euros (travaux et achat du foncier compris).
Tous les T2 ont été rénovés et tout l'espace repensé. Les travaux ont porté sur l'intégralité des planchers des logements, la mise en place d’une isolation thermique du bâti, les menuiseries extérieures, le ravalement, la mise aux normes de l’électricité des appartements et des parties communes.
Les résidents se sont installés durant cet été et l'inauguration du centre se déroulera samedi 24 septembre avec les résidents et les partenaires du projet.
"Ce projet est l'ADN de la ville, car Montreuil est une ville d'accueil où on a une forte implication sur la question de l'accueil social. On a près de 8 milles demandeurs de logement. Créer des logements comme celui-ci, c'est une fierté pour le territoire de Montreuil", reconnaît Gaylord Le Chequer.
"Notre vie a changé depuis qu'on est installé ici. On a enfin une vraie vie de famille et on peut préparer des projets pour l'avenir comme une famille normale", souffle Sarah émue.