L'association Sida Info Service a été placée "à sa demande" en redressement judiciaire par le Tribunal de grande instance de Paris. La décision est destinée à mettre enfin de l'ordre dans la gestion pour le moins hasardeuse qui semble régner depuis longtemps au sein de l'association.
La demande n'est pas forcément courante : demander soi-même son placement en redressement judiciaire, pour une entreprise ou une association ne va pas toujours de soi. Car si la procédure est une protection, à l'égard de certains créanciers notamment, elle est aussi très lourde de contraintes et elle signifie pour l'entreprise ou l'association, perdre la maîtrise de sa propre gestion. Le redressement judiciaire en effet, signifie que toutes les décisions importantes sont en réalité entre les mains de l'administrateur judiciaire.
Sida Info Service s'était déclarée, en février 2016, "en cessation de paiement". Et ses dirigeants, prenant acte de la décision du tribunal, qu'ils avaient sollicité, de les placer "en redressement judiciaire" "se sont félicités de cette décision".
"Nous allons maintenant pouvoir, avec le soutien de l'administrateur judiciaire, étudier les mesures qui nous permettront d'assurer la pérennité de notre mission de prévention, d'aide à distance et de lutte contre les exclusions et pour la santé sexuelle".
Droit d'alerte
Peu à peu, les lacunes de gestion de l'association montent à la surface. Elles durent depuis plusieurs années. Elles ont fini par acculer l'association à ne plus payer certains fournisseurs ou prestataires. Elles ont fini aussi par conduire les salariés de l'association, logiquement inquiets et leur comité d'entreprise à utiliser leur droit d'alerte pour demander un rapport d'expertise sur l'état financier réel de l'association et sur sa gestion.Le rapport qui leur a été remis fait apparaître une gestion consternante, qui manque de transparence, et dans laquelle on trouve même des "trous comptables". Le rapport parle même de "risques juridiques pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement".
Il semble que Sida Info Service se soit passé de directeur administratif et financier pendant de nombreux mois et même parfois de procédures comptables. Il semble surtout que l'association, dont 90% des ressources proviennent de la subvention de l'Institut national pour la prévention et l'éducation pour la santé (INPES), se soit contentée depuis longtemps d'attendre les versements de cette subvention pour couvrir à mesure les dépenses qu'elle engageait, sans autre logique de saine gestion.
La direction de l'association conteste les mises en causes de gestion
Le conseil d'administration de l'association, de son côté, réfute totalement les conclusions du rapport cabinet 3EC pour le compte du CE. Il a donc fait appel à un expert indépendant. Cet expert, dans ses premières conclusions présentées le 8 mars, conteste une par une les affirmations du premier rapport (celui donc du cabinet 3EC pour le compte du Comité d'Etablissement).- Sur la tenue de comptabilité, l'expert (M.Norbert Paumier) relève que les quelques retards comptables ont été résorbés et qu'ils étaient dûs à deux salariés sanctionnés pour cela. Il précise qu'aucune "défiance comptable sérieuse" n'a pu être constatée et que la comptabilité de l'association réorganisée a été confiée à un cabinet externe.
- Sur les mouvements de trésorerie et les prestataires qui n'auraient pas été payés, l'expert note que pour les programmes internationaux (missions de Sida Info Service dont des partenaires de missions à l'étranger n'auraient pas été payés) les fonds dédiés sont mis en réserve et sont versés à mesure de l'avancement des missions comme le font tous les organismes chargés de ces missions internationales. L'association, précise l'expert, a toujours fait face à ses engagements
- Sur l'absence de directeur administratif et financier, l'expert, Monsieur Paumier, relève que le poste avait été supprimé et reprofilé pour faire des économies, mais que la personne recrutée sur le nouveau profil de poste n'ayant pas donné satisfaction, c'est, depuis, le directeur général qui assume la fonction.
Un appel à l'aide urgent
La direction de l'association revient sur sa situation financière qui est, dit-elle, liée à la baisse drastique et constante des subventions de l'Institut National pour la prévention et l'éducation pour la santé (INPES). Elle rappelle que ces subventions, en diminution presque chaque année, sont passées de 7,5 millions d'euros en 2006 à 5 millions en 2016 et une prévision à 4 millions pour 2017. Et surtout, la direction de l'association termine son argumentaire par un appel à l'aide urgent aux pouvoirs publics. Des pouvoirs publics qui dit-elle doivent prendre leurs responsabilités.Le Sida existe toujours, écrit la direction de l'association, l'action de Sida Info Service est toujours aussi necessaire.
Reprise en main
Salariés et direction de l'association se retrouvent sur au moins un point : chacun est conscient de la nécessité qu'il y avait pour eux de se placer sous protection d'une procédure judiciaire. Chacun salue donc la décision qui vient d'être prise par le tribunal d'une mise en redressement judiciaire qui doit permettre à Sida Info Service de remplir ses missions et de se donner des perspectivesUne mission de contrôle l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) devrait rendre ses conclusions fin mars.
Mais dans ce contexte, il est clair, même si en la matière les informations sont feutrées, qu'il s'agit d'une reprise en main de l'association Sida Info Service, créée en 1990, dont la mission fondatrice est de déployer un dispositif de lutte contre le VIH/sida, de lutter contre les "maladies sexuelles" et les exclusions, et d'assurer une écoute téléphonique.
Et l'on peut s'attendre à ce que, dans les mois qui viennent, la structure, indispensable dans la difficile lutte contre le Sida, fasse l'objet d'une profonde restructuration.