Dans son livre "L'urbanisme demain", Oliver Marin livre des pistes de réflexion sur un domaine en évolution constante. Architectes, promoteurs, constructeurs, sociologues, urbanistes, salariés et habitants... tout le monde est concerné. De ses chroniques hebdomadaires livrées sur France Inter entre 2020 et 2023, le journaliste spécialisé immobilier et logement au groupe Figaro nous éclaire sur les bouleversements et innovations à attendre dans ce secteur.
Olivier Marin, quels sont les sujets traités dans "L'urbanisme demain" ?
Je propose un éclairage à travers quatre thématiques : la fabrique de la ville qui permet notamment d’aborder le concept de la ville du quart d’heure, l’urbanisme transitoire, la chronotopie, l'autopartage des bâtiments. J’interroge aussi ceux qui repensent la lumière urbaine, la densification douce ou encore l’habitat et la mobilité en ville pour les personnes âgées. Ensuite, j’aborde la construction/reconstruction avec les tendances liées au recyclage urbain, la réhabilitation, l’éco-construction, les matériaux, les nouveaux outils pour concevoir des bâtiments et des quartiers bas carbone. Je traite également de différents modes de vie : l’habitat participatif, le coliving, la cohabitation intergénérationnelle solidaire…Enfin, je décris des initiatives emblématiques. De l’association Toit à Moi qui achète des appartements pour les sans-abri au village breton démonstrateur de ville durable, en passant par les actions de France Tiers lieux ou encore la mise en place de bâtiments innovants, mobiles et modulables. C’est une façon de mettre en exergue, le virage qui s’opère avec des exemples concrets.
Dans quel but a-t-il été écrit, pour sensibiliser sur quelles causes/thématiques ?
L’immobilier doit tenir compte de son environnement. Le changement climatique et les enjeux environnementaux nous imposent de rénover massivement et de construire différemment. Une rénovation énergétique à grande échelle mais il faut aussi limiter l’étalement urbain, densifier, réutiliser l’existant, recycler des bâtiments, redonner vie à des lieux vacants, obsolètes ou dépassés. Post-Covid, il y a aussi la prise de conscience de mieux répondre aux besoins et aux nouveaux usages pour produire des logements. La plupart des architectes et des opérateurs du logement neuf élaborent de nouveaux plans : volumétrie des intérieurs, espaces extérieurs, évolutivité des logements pour s’adapter aux différents âges de la vie et aux besoins des familles, coins bureau pour le télétravail, espaces communs/partagés dans les bâtiments, végétalisation, accès aux services et aux transports, mobilité. C'est aussi la construction bas carbone, la réversibilité des bâtiments, la transformation de bureaux en logements.
La transition écologique touche l’immobilier en profondeur
L’empreinte carbone est un sujet incontournable et les enjeux réglementaires sont fixés. Encore faut-il trouver le juste équilibre entre prise de conscience écologique et réalité économique. Ce qui n’est pas simple dans un contexte nettement moins porteur depuis le second semestre 2022 (hausse des taux, des coûts de construction, …). Mais c’est le sens de l’histoire. C’est aussi le sens de l’histoire de ne plus penser, raisonner et se projeter en construisant des logements, des bureaux, des commerces en silo, comme durant plusieurs décennies, mais bel et bien de bâtir autrement, produire et réinventer des lieux de vie hybrides qui mixent les activités, anticipent les fonctions et facilitent l’évolution des destinations, comme le permis d’innover.
Comment donner du sens à l'urbanisme?
Entre la stratégie des petits pas et celle qui préconise d’accélérer pour construire de façon plus vertueuse, il y a des choix à faire. Écologiques, économiques, politiques. Les matériaux biosourcés et géosourcés, d’origine naturelle, et ceux du réemploi, sont aussi au cœur de ces enjeux. La terre crue, la pierre, le bois, le liège, la paille, l’herbe ou d’autres fibres, c’est aussi le réemploi de déchets…des matériaux renouvelables, issus des produits dont le cycle de production stocke du carbone. Donner du sens, c’est aussi repenser la ville, les déplacements, la mobilité, aménager les espaces publics, l’usage des bâtiments, leur utilisation, la place de la nature.
Encore faut-il produire du logement abordable. Impliquer plus en amont les habitants aux projets. Être attentif aux nouvelles façons de vivre. D’autant que nous devons répondre à trois grandes transitions : écologique, démographique (dans moins d’une décennie, les 75/85 ans passeront de 4 à 6 millions), numérique (qui bouleverse notre quotidien). La fabrique de la ville de demain nécessite la mobilisation de tous. C’est toute une série d’actions en faveur de la réhabilitation, la rénovation, le recyclage que je partage dans ce livre, issues de mes rubriques radio. Si des modèles sont encore à améliorer, ils ont le mérite d’exister. Imagination, bon sens, traduction de nouveaux défis de plus en plus partagés. Le mouvement est en marche.
"L'urbanisme demain", aux éditions Apogée, 120 pages, 12 euros