Malaise au sein de la police. Ils sont plus d'une cinquantaine de fonctionnaires à s’être donné la mort, depuis le début de l’année. Au-delà des étiquettes syndicales, mercredi 2 octobre, c’est à Paris que les policiers vont manifester leur colère dans la rue.
C’est une initiative historique. Mercredi 2 octobre, les policiers sont appelés à manifester leur mécontentement, lors d’une "marche de la colère" dans les rues de la capitale.
Gardiens de la paix, officiers, commissaires, personnels administratifs… Tous sont appelés à se rassembler. L’ensemble des syndicats policiers seront aussi présents. Ils évoquent d’ailleurs "une mobilisation jamais vue depuis 2001". Cette année-là, des manifestations avaient été organisées en réaction au décès de deux policiers au Plessis-Trévise, dans le Val-de-Marne. Des agents tués par un braqueur récidiviste.
"Une vague de suicides sans précédent"
A l’origine de cette manifestation "une vague de suicides sans précédent", souligne Loïc Travers, du syndicat de police Alliance Ile-de-France. Depuis le début de l'année, plus de cinquante fonctionnaires se sont donnés la mort.A cela s’ajoute des revendications concernant "les avantages sociaux, les retraites, mais aussi le chantier des heures supplémentaires. Concernant ces dernières, il faut que les fonctionnaires puissent se les faire payer ou qu’elles soient récupérées", explique Loïc Travers. Celui-ci souligne aussi un certain "mal-être" au sein de la profession. "Le management participatif, ça n’existe pas dans notre profession. Il faut absolument améliorer les techniques de management ".
Des policiers qui se sentent délaissés
Avant cette marche de la colère, dans le Val d’Oise, nous sommes allés recueillir le témoignage de ces policiers qui se sentent délaissés.Reportage Louise Simondet et Florianne Olivier pour France 3 Ile-de-France.
Dans ce département, le 24 juillet dernier, au sein de l’antenne de la police judiciaire de l’hôtel de police de Cergy (Val d’Oise), un officier s’est donné la mort. Son corps a été retrouvé dans l’armurerie.
Ce fonctionnaire qui est décédé, Paul, policier dans le Val d’Oise, l’a côtoyé. Pour ce fonctionnaire, le suicide d’un collègue reste toujours un traumatisme : " Aller au travail et se dire ça s’est passé là. Tous les jours, c'est vrai que c'est compliqué. Quand il y a un décès dans une famille, dans une maison, c'est vrai que la famille a du mal à vivre derrière, dans cette maison. Sauf que nous on vit tous les jours avec".
Des conditions de travail dégradées
Trop de pression, un manque de reconnaissance, des systèmes de notation qu’ils jugent dépassés, mais aussi des conditions de travail dégradées. Les policiers se sentent délaissés comme le souligne Marc, 7 ans de service, policier lui aussi dans le Val d'Oise."Aujourd'hui, un collègue dans des quartiers un peu compliqué, il va se faire caillasser, il va être victime de tirs de mortiers, sans parler du reste, des violences physiques, des violences morales. Le mouvement des gilets jaunes, c'est le même problème avec des collègues qui sont constamment mis sur le devant de la scène. Bien sûr sans parler des vacations de travail. Il y a des collègues qui vont doubler leur vacation. Qui vont faire 15 heures, 16 heures de travail... Et cela ne dérange absolument personne en haut".
Un match de rugby pour sensibiliser aux suicides dans leur profession
Ces deux policiers font partis des BabazzFranciliens, c'est-à-dire de l'équipe de rugby police d'Ile-de-France. Ils s'entraînent régulièrement à Pontoise dans le Val d'Oise. Car le 9 octobre prochain, ces policiers affronteront leur collègues de la pénitentiaire au stade Charléty, à Paris.
Un match pour sensibiliser, autour du rugby, à la problématique des suicides dans leurs professions respectives.
"Le sport, c'est important pour nous car c'est un vrai sas de décompression. Donc se retrouver autour du sport, c'est combattre les risques psychosociaux à notre manière", souligne Maxime, entraîneur des BabazzFranciliens et policier.
Près de 1500 personnes sont attendues pour ce match, dont le rugbyman Thomas Combezou, champion de France 2018 avec Castre Olympique, et le joueur professionnel du Stade Français, Laurent Panis. Tous deux sont parrains de l'évènement.
Des mesures pas suffisantes
Si le sport reste essentiel dans le quotidien de ces policiers, le soutien psychologique l’est aussi. Le gouvernement a bien mis en place des structures, dont un numéro vert en juin dernier. Des psychologues sont aussi présents dans les commissariats, mais pas forcément au même vacations que les policiers. Pour ces fonctionnaires de police, ces mesures ne sont pas suffisantes.Avant de tâter le ballon ovale pour leur match solidaire, ces policiers entendent faire bouger les lignes. Ils se sont donné rendez-vous à Paris, mercredi 2 octobre, à 12h30, place de la Bastille. Direction la place de la République, pour achever leur marche de la colère. Selon les organisations syndicales, près de 15 000 manifestants sont attendus sans la capitale."Nos confrères pompiers, eux, ont des cellules psychologiques. Dès qu'ils interviennent sur un évènement un peu compliqué, ils sont retirés du service et passent obligatoirement voir une psychologue pour évacuer. Et ça dans la police, ça n'existe pas", note un fonctionnaire qui a souhaité garder l'anonymat.