Depuis mi-juillet, le Vexin met à l'honneur plusieurs artistes français et étrangers. Ils s'exposent en plein air sur des panneaux électoraux inutilisés. Une idée originale pour amener l'art où il n'est pas.
Lorsque les panneaux de ferraille ont refait leur apparition mi-juillet, les habitants de Vétheuil (Val d'Oise) ont d’abord cru, un brin blasés, qu’ils allaient de nouveau devoir voter. "Il faut reconnaître qu’ils ont été très sollicités ces derniers temps et qu’ils ne supportent plus trop ces panneaux, admet Dominique Herpin, la maire (SE) de ce village de 900 personnes. Mais quand ils ont vu que nous nous en servions pour installer une exposition, beaucoup ont été étonné. Ils n’imaginaient pas une chose pareille ici."
Devant la mairie, pas de traditionnels portraits de candidats sourires figés mais les paysages colorés de l’alsacienne Anne-Sophie Tschiegg. Sept affiches grand format destinées à résister plusieurs mois au soleil et aux intempéries. "Il s’agit de reproductions de mes oeuvres sur un papier d’une qualité incroyable. C’est éphémère, très éloigné de mon travail avec les galeries, mais ce qui m’a intéressé avec ce projet, c’était d’amener l’art ailleurs, là où il n’est pas d’habitude", s’enthousiasme l’artiste dont les paysages de montagne semblent faire écho aux reliefs du Vexin. De quoi séduire Marine, 26 ans, venue de Seine-Saint-Denis avec des amis pour parcourir le sentier de grande randonnée qui traverse la commune. "J’ai vu de la couleur et c’est pour ça que je me suis rapprochée. C’est très joli, ça fait penser aux toiles de Monnet qui a vécu ici."
Moins d’emballement en revanche du côté des clients du bar le Chiquito. Au comptoir, rares sont ceux qui sont allés voir les œuvres situées à 10 mètres de là. "C’est mal placé. Ils auraient pu mettre ça en bord de Seine ou à côté de la maison de Monnet. Mais là, sur un parking... A part quelques touristes, ça n’attire personne", regrette la patronne, en essuyant des verres. Un avis partagé par Maurice, 62 ans, travailleur dans le bâtiment. Il fume sa cigarette à l’entrée de l’établissement en regardant le petit attroupement qui s’est formé devant l’exposition. "C’est pas mon genre les tableaux. Ca ne m’intéresse pas. Mais je reconnais que ça a l’air mieux que des affiches électorales." Son collègue Kader promet qu’il ira y jeter un œil "quand il aura le temps", "puisque c’est là".
Car dans cette commune du Vexin qui a vu défiler Gustave Monnet, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle par le passé, l’art n’est pas souvent à portée de main. Pas de musée, pas de galerie. Un budget contraint dévolu à la culture. Aucun transport en commun le week-end quand le dernier bus passe à 19h30 en semaine. Pour voir des œuvres d’art, il faut se rendre à Paris, à une centaine de kilomètres de là. Il y a longtemps que certains semblent avoir jeté l’éponge. Marie Czapska, elle, a décidé d'y remédier. "J’habite dans un hameau depuis 20 ans et j’avoue que je n’ai pas toujours l’énergie de repartir le week-end pour aller voir une exposition." Cette directrice artistique a lancé il y a deux ans sa société Arterritoires qui propose des expositions clés en main aux collectivités pour un budget compris entre 400€ et 600€. Au catalogue, les reproductions des œuvres d’une trentaine de peintres, photographes et sculpteurs français et étrangers qu’il suffit de coller sur des panneaux électoraux inutilisés une grande partie de l’année.
Les supports étaient là, il n’y avait quasiment pas d’implication financière pour les communes, les affiches étant peu coûteuses. C’était simple à mettre en place. Je souhaitais offrir aux habitants des espaces de rêverie ou d’interrogation sans avoir à faire des kilomètres.
Marie Czapska, fondatrice d'Arterritoires
Un pari que Marie Czapska semble avoir réussi. Aujourd’hui, plus d’une cinquantaine de communes françaises ont adhéré à son concept dont 17 dans le Vexin comme à Vienne-en-Arthies, Magny-en-Vexin, La Roche-Guyon ou encore Vétheuil.
Des collectivités qui ont décidé d'aller encore plus loin cette année en proposant un parcours autour de ces expositions temporaires. " Avec des associations et le parc naturel régional, nous avons imaginé des randonnées et des balades en canoé et à vélo pour découvrir le paysage et notre patrimoine avec des arrêts devant les oeuvres, explique Yann Grillère, vice-président à la culture, au patrimoine et au tourisme à la communauté d’agglomération du Vexin Val-de-Seine. Cela correspondait aux attentes du public à qui il manquait également le contact entre l’œuvre et l’artiste. Nous organisons donc trois rencontres cet été."
Pour ce territoire enclavé, mettre en avant ses atouts (ses forêts, coteaux, édifices classés, falaises crayeuses et son GR), est devenu un véritable enjeu. "Avant le confinement, nous n'étions qu'une terre de passage vers les côtes normandes. L’autorisation des 100 km autour de Paris a été une opportunité et cela nous a donné des idées pour nous développer. Mais il nous faut encore plus de transports et renforcer l’offre d’hôtellerie avec des campings notamment," souligne Yann Grillère. Des discussions qui auront lieu à l'automne au sein du conseil régional.